Le Fonds commun est un dossier judiciaire complexe. Si les travailleurs des greffes en sont bénéficiaires, les magistrats voudraient qu’ils soient étendus à tout le personnel judiciaire. Une autre manière de faire le nouveau projet de fonds commun soumis par l’Union des magistrats sénégalais (Ums) à la Chancellerie. Dans un entretien publié hier par Le Quotidien, le secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la justice (Sytjust) parlait du blocage du décret sur le nouveau système de financement du fonds entre le ministère de la Justice et le secrétariat général du gouvernement. «Depuis que le décret est sorti, ceux qui sont au ministère de la Justice, de connivence avec ceux qui sont au Secrétariat général du gouvernement qui est chargé de la publication, il y a des magistrats là-bas, ils ont fait tout pour que le texte ne soit pas publié dans l’éventualité de créer leur fonds afin de reprendre les recettes qui nous ont été allouées», avance Me Aya Boun Malick Diop.
Instauré en 1993, le fonds commun des greffes était alimenté par les frais de délivrance des actes de justice comme l’établissement de casiers judiciaires, de jugement et d’arrêt. Il s’agissait d’un décret sur les frais et droits d’enregistrement des actes civils et commerciaux sans oublier que les frais de nantissement étaient limités à 50 millions de francs Cfa. Après une longue bataille, le Sytjust avait obtenu en 2018 la signature de nouveaux décrets qui allouent au fonds des greffes de nouvelles recettes comme les amendes, les consignations.
Ces nouvelles niches devaient servir à alimenter celui des magistrats qui a été créé en 2011, avant qu’il ne soit abrogé par le Président Sall dès son élection en 2012.
Ce fonds est un poison distillé dans le corps judiciaire dont les différents acteurs veulent coûte que coûte son instauration. Après l’échec de 2012, l’Ums est revenue à la charge au mois de mars, en élaborant un projet de loi qu’elle veut proposer à la signature du chef de l’Etat et qui vise à instituer un «fonds d’équipement et de motivation de la justice judiciaire», qui devrait être alimenté par les amendes prononcées par les Tribunaux et servirait à leur fournir des ressources additionnelles, en plus de leur salaire et indemnité de judicature. Selon ses initiateurs, le «Fonds d’équipement et de motivation de la justice judiciaire» viserait à «contribuer à la modernisation de la justice et à l’amélioration des conditions de travail de ses acteurs-clés que sont les magistrats, en permettant le renforcement des équipements et une meilleure prise en charge de certains besoins, notamment en documentation technique ou en formation».
L’argent des amendes qu’ils seraient amenés à prononcer va principalement alimenter le fonds en question, de même que les «consignations faites pendant l’instruction, lorsqu’elles sont devenues définitivement acquises au Trésor public, à l’exception de celles faites en raison des détournements des deniers publics». Il y a aussi les droits de chancellerie payés par les bénéficiaires des décrets de naturalisation qui vont alimenter ledit fonds.
L’article 3 du projet indique que «les ressources du fonds d’équipement et de motivation de la justice judiciaire sont affectées aux dépenses d’équipement des Cours et tribunaux et à la motivation des magistrats de ce corps». L’article 6 indique que la part réservée à la motivation des magistrats leur est allouée sous forme de primes payées chaque trimestre. Ladite quote-part «ne peut être inférieure à la moitié des ressources du fonds» et est fixée par arrêté du garde des Sceaux. Et si la part réservée aux dépenses d’équipement est excédentaire à la fin de l’année, le solde peut être réaffecté à la motivation des magistrats.
Ce texte préparé par l’Ums rappelle étrangement le décret 2011-1929 du 1er décembre 2011, signé par le Président Abdoulaye Wade, et qui instituait le Fonds commun des magistrats. Le texte en question avait, dans son rapport de présentation, pour objectif de «permettre l’allocation de revenus additionnels aux magistrats bénéficiaires». Finalement, il sera abrogé par Macky Sall après un long combat mené par Aminata Touré, ministre de la Justice de l’époque. Elle disait clairement que «l’intéressement des magistrats aux produits des amendes et des confiscations qu’ils prononcent eux-mêmes pose un sérieux problème d’éthique».
Lequotidien