À peine réinstallé dans le Bureau ovale de la Maison Blanche, Donald Trump signe, lundi 20 janvier, une "fourchette d'au moins" une centaine de décrets présidentiels. Sa cible numéro un : l’immigration clandestine, fer de lance de toutes ses campagnes. "Toute entrée illégale dans le pays sera immédiatement stoppée, et nous commencerons à renvoyer chez eux des millions et des millions" d'immigrés clandestins, a assuré le président des États-Unis pendant son discours d'investiture à Washington.
Dans un premier temps, le 47e président des États-Unis va décréter un "état d'urgence national à la frontière sud" avec le Mexique, a-il annoncé juste après sa prestation de serment. Cette mesure permettra d’octroyer des fonds pour envoyer des forces armées à la frontière et "mettre fin à cette désastreuse invasion dans notre pays", selon lui, mais aussi pour relancer la construction du mur entre les États-Unis et le Mexique - l’obsession de Donald Trump pendant son premier mandat.
Parmi les dix autres décrets concernant l'immigration, Donald Trump prévoit de mettre fin au droit de demander l'asile à la frontière en instaurant un processus d'expulsion immédiate, d'abolir le droit du sol, ou encore de désigner un gang vénézuélien comme un "groupe terroriste".
"En signant plusieurs décrets sur l’immigration dès son entrée en fonction, Donald Trump veut envoyer un message puissant à ses partisans", explique Ludivine Gilli, directrice de l’observatoire Amérique du Nord de la Fondation Jean-Jaurès. "Peu importe si certaines mesures sont contestées ou annulées par la suite. L'essentiel pour lui est de montrer qu’il veut gouverner par l’action rapide et symbolique."
"Rester au Mexique"
Ainsi, Donald Trump entend restreindre davantage les droits des quelque 11 millions de personnes résidant clandestinement sur le territoire américain, dans un pays comptant 340 millions d'habitants. Leur expulsion "commencera très, très rapidement", a-t-il insisté le 18 janvier. Toutefois, il a refusé de préciser les villes concernées, soulignant que "les choses étaient en train de bouger", après que son proche collaborateur Tom Homan a évoqué des expulsions de sans-papiers de Chicago à partir de mardi, Des propos ensuite amendés par celui que l'on nomme "le tsar des frontières".
Donald Trump prévoit en outre de contraindre les demandeurs d'asile à repasser la frontière pendant l'examen de leur dossier. Lors de son premier mandat, il avait déjà instauré une politique baptisée "Remain in Mexico" ("Rester au Mexique", en français) obligeant des dizaines de milliers de demandeurs d'asile, essentiellement venus du Mexique et d’Amérique centrale, à attendre leurs audiences de l’autre côté de la frontière.
Si cette mesure est rapidement réactivée, elle pourrait créer des tensions diplomatiques avec le Mexique, dirigé par Claudia Sheinbaum. "Nous défendrons nos citoyens aux États-Unis", a-t-elle affirmé, dimanche. Le Mexique a déjà annoncé l’engagement de ressources juridiques à travers sa cinquantaine de consulats pour protéger ses ressortissants.
Une autre piste serait la réactivation du Titre 42, une mesure datant de 1944 qui autorise le gouvernement américain à renvoyer la plupart des migrants sans délai pour des raisons de santé publique. Utilisée pendant la pandémie de Covid-19 et expirée en mai 2023, son application pourrait se heurter à des obstacles. "Le contexte sanitaire actuel ne justifie plus une telle mesure d'urgence. La légitimité de son application sera probablement contestée devant les tribunaux", prévient Ludivine Gilli.
Vers la fin du droit du sol ?
Par ailleurs, Donald Trump envisage de supprimer le droit du sol. "Nous allons abolir le droit d'asile, (...) ce qui crée une procédure d'expulsion immédiate sans possibilité d'asile. Nous allons ensuite mettre fin au droit du sol", a précisé Anna Kelly, la future porte-parole adjointe de la Maison Blanche.
Le droit du sol, garanti par le 14e amendement de la Constitution américaine ratifié en 1868, assure la citoyenneté automatique aux enfants nés sur le territoire, même si leurs parents sont en situation irrégulière. L'abolition de ce droit impliquerait de contourner cet amendement.
"Ce décret sera immédiatement contesté et annulé pour inconstitutionnalité", estime Ludivine Gilli. "Le seul moyen pour modifier le droit du sol serait de réviser la Constitution elle-même, une procédure extrêmement complexe."
Le milliardaire prévoit également de ressusciter une politique controversée de son premier mandat : l'interdiction de voyager, familièrement appelée "Muslim travel ban", dans certains pays à majorité musulmane et d'autres nations. Cette mesure, qui avait suscité de vives polémiques juridiques et sociales lors de la signature du décret en janvier 2017, viserait à nouveau certains pays comme la Syrie, le Yémen et la Libye.
En parallèle, les spécialistes s'attendent à ce que Donald Trump supprime le statut de protection juridique dont bénéficient certains ressortissants de Cuba, d’Haïti, du Nicaragua et du Venezuela. Créé en janvier 2023 par Joe Biden, ce programme dit de "libération conditionnelle humanitaire" a permis à des centaines de milliers de personnes de demander l'entrée aux États-Unis pour un séjour temporaire d'une durée maximale de deux ans et d’obtenir un permis de travail.
Le président chercherait en revanche à négocier avec le Congrès pour préserver les droits des "Dreamers", les enfants de parents arrivés illégalement dans le pays. Une position pleine de contradictions pour celui qui avait tenté de supprimer ce statut lors de son premier mandat.
Des cartels désignés comme "groupe terroriste"
En matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, Donald Trump va désigner le puissant gang vénézuélien comme un "groupe terroriste étranger", a-t-il annoncé. Cette désignation permettrait au Pentagone de "faire un usage approprié des forces spéciales" pour cibler les infrastructures des cartels et leurs dirigeants, a précisé un responsable de sa future administration. Le président prévoit également d'utiliser la loi sur les ennemis étrangers comme levier juridique pour expulser du territoire américain les trafiquants de drogue et les membres de gangs.
Face à ces décrets, les critiques soulignent le coût exorbitant de ces mesures. Selon une estimation du rapport de l'ONG American Immigration Council, les expulsions massives pourraient coûter jusqu’à 88 milliards de dollars par an (environ 84,6 milliards d’euros), soit dix fois le budget total du service américain de l'immigration et des douanes, chargé de la détention et de l'expulsion des immigrés.
"Je ne vois pas de meilleur investissement que le rétablissement de la sécurité et de la sûreté du pays", a défendu dimanche le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, lors de l'émission Meet the Press de la chaîne NBC, ajoutant que l'expulsion des criminels serait une priorité "absolue". Une vision contredite par les données du National Institute of Justice, qui révèlent que les taux de criminalité parmi les immigrés sans papiers sont inférieurs à ceux des citoyens nés aux États-Unis. De plus, plusieurs études montrent que les immigrés ont joué un rôle clé pour combler les pénuries de main-d'œuvre et dans la relance économique du pays après la pandémie.
Si Donald Trump promet une révolution dans la politique migratoire américaine, son ambition pourrait se heurter à une réalité bien plus complexe. "Entre les défis logistiques et financiers, et la nécessaire coopération des pays d'origine, le programme de Donald Trump rencontrera de nombreux obstacles", analyse Ludivine Gilli. "À cela s'ajoute la résistance farouche des États et des villes démocrates, qui ont mis en place des mesures pour interdire l’utilisation des forces de police à des fins d’expulsion."
Dans un premier temps, le 47e président des États-Unis va décréter un "état d'urgence national à la frontière sud" avec le Mexique, a-il annoncé juste après sa prestation de serment. Cette mesure permettra d’octroyer des fonds pour envoyer des forces armées à la frontière et "mettre fin à cette désastreuse invasion dans notre pays", selon lui, mais aussi pour relancer la construction du mur entre les États-Unis et le Mexique - l’obsession de Donald Trump pendant son premier mandat.
Parmi les dix autres décrets concernant l'immigration, Donald Trump prévoit de mettre fin au droit de demander l'asile à la frontière en instaurant un processus d'expulsion immédiate, d'abolir le droit du sol, ou encore de désigner un gang vénézuélien comme un "groupe terroriste".
"En signant plusieurs décrets sur l’immigration dès son entrée en fonction, Donald Trump veut envoyer un message puissant à ses partisans", explique Ludivine Gilli, directrice de l’observatoire Amérique du Nord de la Fondation Jean-Jaurès. "Peu importe si certaines mesures sont contestées ou annulées par la suite. L'essentiel pour lui est de montrer qu’il veut gouverner par l’action rapide et symbolique."
"Rester au Mexique"
Ainsi, Donald Trump entend restreindre davantage les droits des quelque 11 millions de personnes résidant clandestinement sur le territoire américain, dans un pays comptant 340 millions d'habitants. Leur expulsion "commencera très, très rapidement", a-t-il insisté le 18 janvier. Toutefois, il a refusé de préciser les villes concernées, soulignant que "les choses étaient en train de bouger", après que son proche collaborateur Tom Homan a évoqué des expulsions de sans-papiers de Chicago à partir de mardi, Des propos ensuite amendés par celui que l'on nomme "le tsar des frontières".
Donald Trump prévoit en outre de contraindre les demandeurs d'asile à repasser la frontière pendant l'examen de leur dossier. Lors de son premier mandat, il avait déjà instauré une politique baptisée "Remain in Mexico" ("Rester au Mexique", en français) obligeant des dizaines de milliers de demandeurs d'asile, essentiellement venus du Mexique et d’Amérique centrale, à attendre leurs audiences de l’autre côté de la frontière.
Si cette mesure est rapidement réactivée, elle pourrait créer des tensions diplomatiques avec le Mexique, dirigé par Claudia Sheinbaum. "Nous défendrons nos citoyens aux États-Unis", a-t-elle affirmé, dimanche. Le Mexique a déjà annoncé l’engagement de ressources juridiques à travers sa cinquantaine de consulats pour protéger ses ressortissants.
Une autre piste serait la réactivation du Titre 42, une mesure datant de 1944 qui autorise le gouvernement américain à renvoyer la plupart des migrants sans délai pour des raisons de santé publique. Utilisée pendant la pandémie de Covid-19 et expirée en mai 2023, son application pourrait se heurter à des obstacles. "Le contexte sanitaire actuel ne justifie plus une telle mesure d'urgence. La légitimité de son application sera probablement contestée devant les tribunaux", prévient Ludivine Gilli.
Vers la fin du droit du sol ?
Par ailleurs, Donald Trump envisage de supprimer le droit du sol. "Nous allons abolir le droit d'asile, (...) ce qui crée une procédure d'expulsion immédiate sans possibilité d'asile. Nous allons ensuite mettre fin au droit du sol", a précisé Anna Kelly, la future porte-parole adjointe de la Maison Blanche.
Le droit du sol, garanti par le 14e amendement de la Constitution américaine ratifié en 1868, assure la citoyenneté automatique aux enfants nés sur le territoire, même si leurs parents sont en situation irrégulière. L'abolition de ce droit impliquerait de contourner cet amendement.
"Ce décret sera immédiatement contesté et annulé pour inconstitutionnalité", estime Ludivine Gilli. "Le seul moyen pour modifier le droit du sol serait de réviser la Constitution elle-même, une procédure extrêmement complexe."
Le milliardaire prévoit également de ressusciter une politique controversée de son premier mandat : l'interdiction de voyager, familièrement appelée "Muslim travel ban", dans certains pays à majorité musulmane et d'autres nations. Cette mesure, qui avait suscité de vives polémiques juridiques et sociales lors de la signature du décret en janvier 2017, viserait à nouveau certains pays comme la Syrie, le Yémen et la Libye.
En parallèle, les spécialistes s'attendent à ce que Donald Trump supprime le statut de protection juridique dont bénéficient certains ressortissants de Cuba, d’Haïti, du Nicaragua et du Venezuela. Créé en janvier 2023 par Joe Biden, ce programme dit de "libération conditionnelle humanitaire" a permis à des centaines de milliers de personnes de demander l'entrée aux États-Unis pour un séjour temporaire d'une durée maximale de deux ans et d’obtenir un permis de travail.
Le président chercherait en revanche à négocier avec le Congrès pour préserver les droits des "Dreamers", les enfants de parents arrivés illégalement dans le pays. Une position pleine de contradictions pour celui qui avait tenté de supprimer ce statut lors de son premier mandat.
Des cartels désignés comme "groupe terroriste"
En matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, Donald Trump va désigner le puissant gang vénézuélien comme un "groupe terroriste étranger", a-t-il annoncé. Cette désignation permettrait au Pentagone de "faire un usage approprié des forces spéciales" pour cibler les infrastructures des cartels et leurs dirigeants, a précisé un responsable de sa future administration. Le président prévoit également d'utiliser la loi sur les ennemis étrangers comme levier juridique pour expulser du territoire américain les trafiquants de drogue et les membres de gangs.
Face à ces décrets, les critiques soulignent le coût exorbitant de ces mesures. Selon une estimation du rapport de l'ONG American Immigration Council, les expulsions massives pourraient coûter jusqu’à 88 milliards de dollars par an (environ 84,6 milliards d’euros), soit dix fois le budget total du service américain de l'immigration et des douanes, chargé de la détention et de l'expulsion des immigrés.
"Je ne vois pas de meilleur investissement que le rétablissement de la sécurité et de la sûreté du pays", a défendu dimanche le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, lors de l'émission Meet the Press de la chaîne NBC, ajoutant que l'expulsion des criminels serait une priorité "absolue". Une vision contredite par les données du National Institute of Justice, qui révèlent que les taux de criminalité parmi les immigrés sans papiers sont inférieurs à ceux des citoyens nés aux États-Unis. De plus, plusieurs études montrent que les immigrés ont joué un rôle clé pour combler les pénuries de main-d'œuvre et dans la relance économique du pays après la pandémie.
Si Donald Trump promet une révolution dans la politique migratoire américaine, son ambition pourrait se heurter à une réalité bien plus complexe. "Entre les défis logistiques et financiers, et la nécessaire coopération des pays d'origine, le programme de Donald Trump rencontrera de nombreux obstacles", analyse Ludivine Gilli. "À cela s'ajoute la résistance farouche des États et des villes démocrates, qui ont mis en place des mesures pour interdire l’utilisation des forces de police à des fins d’expulsion."