Entretien avec Modou Diagne Fada, président LDR/Yeessal: "Aliou n'a pas été l'employé de Wade"

Rédigé par Dakarposte le Vendredi 21 Octobre 2016 à 10:27 modifié le Vendredi 21 Octobre 2016 10:34

Le président de Ldr/Yessaal, membre du Front Mankoo Wattu Senegaal, se dit satisfait du déroulement de la dernière marche de l’opposition. Dans cet entretien avec EnQuête, Modou Diagne Fada revient sur les divergences notées au sein de leur coalition pour ensuite évoquer  l’affaire Pétro-Tim.  Sur ce sujet, le leader de ‘’Les démocrates réformateurs’’ renseigne qu’Aliou Sall qui est au cœur de cette polémique n’a jamais travaillé pour le régime d’Abdoulaye Wade.

 Quel bilan tirez-vous de la marche du 14 octobre qui, selon certains observateurs de la vie politique, est un échec ?

Je crois que la marche a plutôt été une réussite totale. D’abord du point de vue de la mobilisation, les militants ont répondu massivement. Et de façon générale, les Sénégalais sont sortis pour accompagner Mankoo Wattu Senegaal dans cette initiative. Notre objectif qui était de sensibiliser le peuple, l’opinion nationale et internationale sur les dérives du régime de Macky Sall  a été quelque part atteint. Cette marche a bénéficié d’une excellente couverture médiatique tant sur le plan national qu’international. Tout le monde a su qu’au Sénégal, une opposition s’est regroupée autour de Mankoo Wattu Senegaal et qu’un pouvoir qui prête le flanc l’a acculée de toutes parts.  C’était l’objectif visé en créant d’abord Mankoo et ensuite en organisant cette première manifestation qui a connu un succès éclatant. Toutefois, il faut dénoncer la répression, les violences, ce comportement plus au moins inqualifiable du régime qui a presque interdit la manifestation. Quand on propose un itinéraire qui va du Rond-point  de la RTS jusqu’au ministère de l’Intérieur, c’est parce que notre interlocuteur, c’est Abdoulaye Daouda Diallo. La déclaration que nous avions préparée et que nous devions remettre au ministère de l’Intérieur, on ne pouvait pas la remettre au gouverneur encore moins au directeur général de la RTS. Le ministre de l’Intérieur également ne pouvait pas faire le déplacement jusqu’au rond-point de la RTS pour prendre la déclaration.   

 Que faites-vous de l’arrêté Ousmane Ngom ?

L’arrêté Ousmane Ngom qu’ils ont brandi ne tient pas la route. Cet arrêté a été violé à plusieurs reprises par l’ancienne opposition qui est au pouvoir aujourd’hui. Combien de fois elle a marché jusqu’à la place Washington qui est le siège du ministère de l’Intérieur ?  Cet arrêté n’existait plus et même si c’était le contraire, on peut toujours l’enlever. Il suffit d’en prendre un autre. Cet arrêté vient d’un ministre de la République, ce n’était pas un décret  présidentiel ni une loi.

 Ne craignez-vous pas une implosion de la coalition Mankoo Wattu Senegaal car la dernière marche a remis sur la table les divergences en votre sein. Si certains étaient pour le respect de l’itinéraire indiqué par le Préfet, d’autres ont voulu braver l’autorité préfectorale ?

Cela ne peut pas constituer une source d’éclatement de Mankoo Wattu Senegaal. Cette alliance est un regroupement de  partis politiques. Il va de soi que chaque parti est souverain et libre de défendre ses opinions et ses points de vue. Certains étaient pour le respect de l’itinéraire indiqué par le préfet de Dakar alors que d’autres étaient contre. Mais je crois que la majorité était pour que l’itinéraire initial soit respecté. Il y a des enseignements à tirer sur ces malentendus. Je crois que de tels manquements ne seront plus notés à la prochaine manifestation de Mankoo Wattu Senegaal. Nous avons discuté de ces problèmes lors de notre dernière réunion.  

 Malick Gakou devait rendre le tablier après un mois de mandat mais il a été prolongé de deux mois. Pourquoi n’avez-vous pas respecté la charte de votre coalition concernant la coordination ?

C’est vrai que nous avions parlé d’une durée d’un mois et le mandat de Malick Gakou devait finir au lendemain de la marche. On ne voulait pas le changer pour ne pas laisser cours à d’autres interprétations. C’est la raison pour laquelle, du fait que Gakou a fait du bon travail, il a bien mené les troupes, s’est beaucoup battu, nous avons jugé qu’un mois était court. Nous avons dit qu’il fallait prolonger son mandat. C’est important que le mandat soit prolongé pour que d’abord la structure s’installe à Dakar et dans les régions et pour que les Sénégalais comprennent que l’opposition de façon générale est unie. Elle n’est pas en train de mener un débat de leadership. Nous voulions  démontrer qu’il n’y a pas de rivalité entre les différentes forces politiques qui composent Mankoo Wattu Senegaal.

 Est-ce que cette décision a été prise de commun accord ?

Nous avons posé le problème et le Président Malick Gackou a lui-même remis son mandat entre les mains de la conférence des leaders dès le début de la réunion. Et l’écrasante majorité des  membres de Wattu Senegaal a souhaité que Malick Gakou prolonge son mandat. Il y a eu des voix discordantes et c’est ce qui est normal.

 Est-ce que c’étaient les mêmes  voix qui étaient pour l’itinéraire du préfet ?

Je ne rentre pas dans les détails. Le débat était posé ; certains ont été  pour et d’autres contre et ceux qui étaient favorables étaient largement majoritaires.

 D’une manière générale, les gens se posent des questions sur la gestion et le mangement de cette coalition hétéroclite composée de grands partis à l’instar du Pds, Ldr, du Gp, du Rewmi…

Nous nous sommes entendus autour de trois points : les libertés, la gestion des ressources naturelles et la fiabilité du processus électoral. Pour le moment, nous travaillons autour de ces trois thèmes. Il ne s’agit pas d’une coalition présidentielle encore moins électorale. Le moment venu, si certains décident d’aller se mettre en coalition pour les élections législatives, nous le ferons.

 Quelle sera la ligne de conduite pour l’organisation de votre prochain meeting de novembre ?

La ligne de conduite sera désormais de rester sur le même tempo. C’est l’engagement, la détermination, la mobilisation des Sénégalais et de l’opposition en général pour faire face au régime. C’est ce cadre qui nous semble être le meilleur pour porter les revendications populaires et les aspirations des Sénégalais.

 Ne craignez-vous pas que les mêmes incidences ressurgissent en termes d’organisation ou de respect de la décision de l’autorité administrative ?

Je crois que l’autorité administrative ne va pas jusqu’à interdire la tenue d’un meeting ! Ce serait scandaleux. Le seul défi que Mankoo devrait relever à l’occasion de cette manifestation, c’est celui de la mobilisation et de l’organisation.

Comment appréciez-vous la sortie du Président Macky Sall par rapport à votre  marche ; il a dit que le gouvernement n’acceptera aucun désordre dans ce pays ?

Qui est responsable du désordre ? Ce n’est pas l’opposition, c’est plutôt le pouvoir. Je rappelle que la marche est un droit constitutionnel. On n’exige même pas des marcheurs une autorisation. Il nous suffit seulement de déclarer auprès de l’autorité compétente que nous voulons marcher parce que c’est un droit. Est-ce que c’est nous qui sommes responsables des violences ? Est-ce que c’est nous qui avions les grenades lacrymogènes ? Est-ce que c’est nous qui avions les autres moyens de répression ? Nous étions venus bien habillés pour exercer un droit. Je crois que c’est ceux qui refusent l’exercice de ces droits qui sont responsables du désordre et de l’anarchie. Si on nous avait laissé marcher, on l’aurait fait sans problèmes, sans anicroches, sans brûler quoi que ce soit. Encore une fois, l’image de marque de notre pays doit être sauvegardée ; c’est le pouvoir qui y a intérêt et ensuite nous autres de l’opposition.

Mankoo Wattu Senegaal compte déposer une plainte contre Aliou Sall dans l’affaire Pétro-Tim. Quelle est votre position dans ce débat ?

Nous n’étions pas à la réunion ou cette décision a été prise mais notre parti y était représenté par le Docteur Pape Biram Ndiaye. Nous sommes des démocrates, alors nous ne pouvons qu’être solidaires de cette décision de Mankoo de porter plainte contre Aliou Sall.

 Cette affaire a commencé sous le magistère de Me Wade dans le gouvernement duquel vous étiez ministre. Le Pds est donc comptable de ce qui s’est passé ?

Je pense que le Parti démocratique sénégalais n’est en rien comptable. Au départ, c’était un projet de décret qui avait été présenté et que l’ancien Président avait signé. Je ne suis même pas sûr que l’ancien Premier ministre ait contresigné ou que le décret ait été numéroté. Cela prouve au moins qu’il y avait un début de discussion.   Il y a beaucoup de choses que nous avions commencées et qui ont par la suite été abandonnées par l’actuel régime. Pourquoi ils ont tenu à réengager des discussions avec M. Timis pour aboutir à un nouveau décret ? Si le porteur du projet était quelqu’un d’autre, différent d’Aliou Sall, le Président ne se précipiterait pas à signer un autre décret. C’est évident qu’il a agi ainsi parce que c’est son frère qui est impliqué.

 Certains soutiennent qu’Aliou Sall a été l’employé de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade. Est-ce le cas ?

Aliou Sall n’a pas été l’employé de Me Abdoulaye Wade. Aliou Sall était un Sénégalais employé à l’Ambassade du Sénégal en Chine, à l’image d’autres Sénégalais qui n’étaient pas avec le régime d’alors mais qui continuaient à travailler pour leur pays.

 Le constat est que vous avez mis la pression très tôt sur le nouveau régime, alors qu’on n’en est qu’à la phase d’exploration. Que craignez-vous ?

Le pétrole est une denrée rare, une ressource importante au même titre que le gaz. Le Sénégal en a besoin. Je crois qu’en plus des ressources humaines dont nous disposons, si nous avons des ressources naturelles, cela ne devrait que profiter au développement socio-économique de notre pays. C’est pourquoi personne d’entre nous ne souhaite que ces ressources tombent entre les mains d’une famille ou d’un groupuscule de Sénégalais. Elles doivent bénéficier à l’ensemble des patriotes. C’est pourquoi nous nous battons pour une répartition équitable des retombées de ces ressources pour tous les Sénégalais. On ne peut pas laisser l’avenir des futures générations en toute irresponsabilité sans nous en occuper.

 Comment votre parti  compte-t-il aborder les prochaines échéances électorales ?

Nous allons y prendre part de préférence sous la bannière d’une coalition électorale. Nous sommes en discussion avec nos amis, nos alliés. Si nous tombons d’accord, nous irons en coalition électorale. Au cas contraire, chaque parti va aller seul aux élections législatives. En ce qui nous concerne, on se prépare pour aller seul aux  législatives d’autant plus que nous sommes un parti présent un peu partout à travers le Sénégal.

 Vous êtes membre de deux coalitions de l’opposition, pourquoi ce choix ?

Nous sommes membres fondateur de l’Entente des forces de l’opposition (Efop) mais nous sommes également membre fondateur de Mankoo Wattu Senegaal. L’Efop a été créée pour s’occuper de la revue du code électoral ; aujourd’hui nous avons terminé cette mission et sommes en train de discuter entre nous pour voir si que cette coalition ne va pas changer de contenue. Les discussions sont en cours et le moment venu, nous aviserons. Mankoo Wattu Senegaal par contre est une coalition de l’opposition et de la société civile. Elle englobe Gor ca wax ja,  Fpdr, Efop…

Quelle est la différence entre ces deux coalitions ?

Je crois que ces coalitions n’ont pas les mêmes objectifs. C’est la raison pour laquelle nous sommes membres de ces deux alliances et nous ne sommes pas les seuls partis qui s’activent dans deux coalitions. L’objectif de Mankoo Wattu Senegaal n’est pas d’aller à des élections, ni de faire des listes communes. Son objectif est de se battre autour des libertés, de la conservation de nos ressources naturelles et de la fiabilité du processus électoral. Par contre l’Efop n’exclut pas de changer de contenu pour devenir une coalition politique et électorale.

Avec Enquette
Cheikh Amidou Kane
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