Entretien avec Malick Gackou, ex-numéro 2 du parti AFP

Rédigé par Dakarposte le Mardi 2 Juin 2015 à 23:01 modifié le Mardi 2 Juin 2015 23:04

Scission à l AFP, 3e parti du Sénégal, celui de Moustapha Niasse, actuel président de l Assemblée nationale... L ancien numéro 2 Malick Gakou, qui était le dauphin de Moustapha Niasse, crée son propre parti : le Grand Parti. Il vient de déposer sa demande d autorisation. Une décision qui fait suite à son exclusion de l AFP en mars dernier. Depuis Malick Gakou ne s était exprimé dans aucun média. Il le fait aujourd hui en exclusivité pour RFI... Et c est au micro de notre correspondante à Dakar.

RFI : Vous faites partie de la nouvelle garde en politique, mais vous créez votre parti aujourd’hui dans la douleur, après avoir été évincé de l’AFP, chassé par un communiqué lapidaire.

Malick Gakou : Je vis mon exclusion comme une injustice quelque part. Et ce parti est créé dans la douleur, comme vous l’avez dit. Et bien évidemment parce que quand même, nous avons été avec le président Niasse pendant seize ans, nous avons conçu l’Alliance des forces de progrès et je suis exclu de l’AFP. J’ai décidé avec mes amis de prendre en charge mon destin politique. Et c’est la raison pour laquelle j’ai mis en place le Grand Parti du Sénégal.

Que s’est-il passé avec Moustapha Niasse ?

Le 10 mars 2014, le président Niasse a décidé que l’Alliance des forces de progrès n’aura pas de candidat pour la prochaine élection présidentielle. Ce qui est contestable et ce que nous avons contesté, puisque nous considérons que quand même, il n’est pas question que notre parti ne soit pas présent pour les prochaines joutes électorales. Et c’est cela, la divergence fondamentale qui a provoqué notre expulsion de l’Alliance des forces de progrès.

Pourquoi ne pas suivre Moustapha Niasse et soutenir le président Macky Sall ?

Vous savez que l’AFP n’est pas un parti souteneur. L’AFP est née pour obtenir le pouvoir. Je pense que nous devons aller dans les compétitions électorales. Et si jamais on va au deuxième tour ou on n’y va pas, mais on apprécie la situation. Maintenant, le président Niasse, je ne connais pas ses motivations parce que ne les comprends pas. Parce que je ne comprends pas qu’on puisse avoir un parti politique, qu’on soit avec des jeunes qui ont été avec vous depuis le début et aujourd’hui que vous n’avez plus de possibilité d’être président, maintenant vous dites : non, on va soutenir le candidat qui est en place. Je ne peux pas penser que simplement parce que le président Niasse veille conserver son poste à l’Assemblée nationale – numéro 2 de l’Etat – qu’il prenne la décision que l’AFP n’aura pas de candidat aux prochaines élections. Je crois que cela est inadmissible et nous ne l’avons pas accepté.

Mais c’est Moustapha Niasse qui vous a fait, vous lui devez tout.

Non ! Je ne dois absolument rien à monsieur Moustapha Niasse ! Je suis désolé de le dire, mais avant d’être à l’Alliance des forces de progrès j’étais aussi au Parti socialiste et je suis un enfant issu des milieux pauvres, je me suis battu. Je suis une sorte de « self-made-man » qui a essayé de se battre pour réussir sa vie. Bien évidemment, en étant à côté d’un homme aussi prestigieux, quelque part on apprend toujours quelque chose, mais personne ne m’a fait.

Cela veut dire que selon vous l’alternance générationnelle est difficile au Sénégal ? Les papys font de la résistance ?

Oui, mais vous savez que dans les partis politiques au Sénégal, en général il y a très peu de démocratie. Et pour la seule et simple raison que quand vous créez un parti, c’est vous qui le créez, c’est vous qui le dirigez. Et en général, vous le dirigez jusqu’à votre mort. Ça pose des problèmes. Ça pose des problèmes parce que d’abord en général ces anciens-là veulent conserver le pouvoir pour des raisons inavouées et cela est inadmissible. Je pense qu’il y a une génération qui est déjà dépassée. Elle doit tourner la page et permettre à la nouvelle génération de pouvoir continuer le flambeau. Et c’est la raison pour laquelle la nouvelle génération doit les pousser bien évidemment, à partir à la retraite politique.

Et votre parti c’est le énième parti politique sénégalais créé autour d’une personnalité ou contre une personnalité ?

Le Grand Parti n’est créé ni pour une personnalité ni contre une personnalité. Le Grand Parti est l’émergence de cette frange de jeunes des couches défavorisées qui aspirent demain à gouverner et à mettre en exergue tous leurs talents pour permettre au Sénégal d’être dans la rampe du développement.

C’est quoi l’AFP en dehors de Moustapha Niasse ?

La question est de savoir : c’est quoi l’AFP en dehors de Moustapha Niasse et de son numéro 2 ? Ça, c’est une bonne question.

Vous partez, mais avec combien de cadres ? Combien de députés ? Pas beaucoup, je crois.

Vous savez qu’un député aujourd’hui qui déclare quitter le parti perd son mandat de député. Ça, c’est la loi au Sénégal. Donc c’est très compliqué. Mais les députés sont avec nous. Et beaucoup de maires, la majorité des maires de l’AFP sont avec nous et les cadres aussi, ils sont nombreux. Et je crois que dans les jours à venir tout sera clair au sein de l’opinion publique nationale sénégalaise.

Si vous créez votre parti aujourd’hui c’est que vous serez candidat ?

Nous avons créé ce parti bien évidemment pour conquérir le pouvoir. Mais en ce qui concerne la présidentielle prochaine au Sénégal, d’abord il faudrait qu’on sache à quelle date elle va se tenir. Et une fois qu’on saura la date, mon parti se prononcera, librement et démocratiquement.

2017, 2019 ? Vous misez sur quoi ?

Normalement, je mise sur la parole tenue du président de la République. Donc, 2017. Le président a encore le temps de pouvoir se décider. Mais je crois que la question aussi essentielle, qui est celle de l’élection présidentielle dans un pays, ne peut pas être le fait d’un homme, du président de la République. Je crois que c’est cela qui est problématique et ce sont ces choses qu’il faut changer au Sénégal. C’est ça qui est important.

Vous vous placez dans l’opposition aujourd’hui ?

D’abord, j’attends mon récépissé. Une fois que notre récépissé est entre nos mains, nous allons apprécier la situation et nous allons nous positionner sur le champ politique du Sénégal.

L’un de vos atouts c’est d’être fils de la banlieue, orphelin, parti de rien, mais est-ce que cela suffira pour pouvoir voler de vos propres ailes ?

Cela ne suffit pas, mais nous allons sillonner le pays et je pense que le Grand Parti a des atouts. Nous allons faire prévaloir ces atouts-là dans les mois à venir. C’est sûr et certain, le Grand Parti sera un très grand parti politique au Sénégal.

 

RFI.FR

Cheikh Amidou Kane
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