Emmanuel Macron : « Nous entrons dans une nouvelle ère », « rester spectateur serait une folie »

Rédigé par Dakarposte le Jeudi 6 Mars 2025 à 02:24 modifié le Jeudi 6 Mars 2025 02:35

Avec ses interventions sur la scène internationale de plus en plus appréciées, Emmanuel Macron, dans son adresse à la nation, a essayé de renforcer son statut de figure de rassemblement, à domicile, en répondant "aux angoisses des Français", mais aussi au niveau européen


Quelques heures après le discours au Congrès de Donald Trump isolationniste qui persiste et signe dans sa doctrine "Amérique avant toute chose" et de la diplomatie transitionnelle peu soucieuse des alliances historiques, Emmanuel Macron s'est positionné sans équivoque du côté de l'Ukraine et de l'Europe unie.

Le président français a commencé par reconnaître que, avec l'arrêt de l'assistance américaine à l'Ukraine, avec les pressions de Donald Trump afin d'obtenir l'accès aux terres rares ukrainiennes et sa volonté de dialoguer directement avec Vladimir Poutine, en brisant ainsi son isolation internationale soigneusement construite, "nous entrons dans une nouvelle ère".


Les Français sont, d'après lui, "légitimement inquiets au vu des événements historiques en cours", dont aussi la menace du 47ᵉ président des États-Unis d'imposer d'importants tarifs douaniers à l'Europe.

Toutefois, pas question de revenir sur les choix faits, pour Emmanuel Macron, ni d'esquiver de nouveaux : « Nous avons bien fait de sanctionner la Russie », a-t-il martelé, et maintenant, « face à ce monde de danger, rester spectateur serait une folie ».



Notre soutien passe par un soutien à l’armée ukrainienne » tout en travaillant "avec nos alliés européens", a assuré le locataire de l'Elysée, promettant de réunir la semaine prochaine à Paris les chefs d’état-major des pays prêts à garantir une future paix en Ukraine.

Emmanuel Macron a également promis des « investissements supplémentaires » en matière de défense, toutefois sans augmenter les impôts (rappelons-nous, il s'agissait de soigner "les inquiétudes des Français").

Et, finissant, encore, sur la note du rassemblement, le président a estimé que l’Europe possède la puissance et le talent«* pour rivaliser avec les États-Unis ou avec la Russie». « ÀLa patrie a besoin de vous et de votre engagement. Les décisions politiques, les équipements militaires, les budgets sont une chose, mais ils ne remplaceront jamais la force d’âme ».


« L’Europe est à un tournant de son histoire »
Le ton de la journée a été donné dès le matin par Sophie Primas, la porte-parole du gouvernement, pour qui « l’Europe est à un tournant de son histoire ».

À l’issue du Conseil des ministres ce mercredi 5 mars, Primas a suggéré que « depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, jamais notre continent n’avait connu une situation aussi grave et instable ».

En même temps, assure-t-elle, il n’est « de l’intérêt de personne » de « rompre les relations avec les États-Unis ».



Mais, sans doute, au vu de peu de résultats immédiats des derniers voyages effectués par les responsables européens à Washington - serait-ce Volodymyr Zelensky, Keir Starmer ou encore... Emmanuel Macron - l’Élysée a tempéré et démenti les propos de la même Sophie Primas sur un nouveau déplacement du président français outre-Atlantique.


La porte-parole avait auparavant affirmé à la presse, à l’issue du Conseil des ministres, qu’un tel déplacement du président français avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky et le Premier ministre britannique Keir Starmer était « envisagé » et qu’il pouvait avoir lieu « à court terme ».

Répondre à une "angoisse très forte des Français"
Dès le début de la journée, l'entourage du président précisait que, lors de son allocution, il doit avant tout mettre en perspective et en contexte l’accélération née de la détermination du président américain Donald Trump de mettre fin à tout prix à la guerre en Ukraine.

Trump fait pression sur Volodymyr Zelensky afin d'obtenir rapidement un accord sur les terres rares ukrainiennes et une position plus souple quant aux négociations avec Moscou - et, en même temps, négocie directement avec son homologue russe Vladimir Poutine, sans inclure Kyiv ou Bruxelles, en multipliant les ouvertures envers Moscou.

Notamment, selon certains médias, le Pentagone aurait ordonné l'arrêt d'opérations cyberoffensives visant la Russie, tandis que la Maison-Blanche a chargé les responsables financiers d'étudier l'allègement des sanctions américaines à l'encontre du Kremlin, tout fraîchement prolongées pour un an.



On sent une angoisse très forte chez les Français », avait précisé un proche du président à l'AFP, évoquant un nombre de courriers sur le sujet reçus par l’Élysée « multiplié par quinze » ces dernières semaines. « Le président parle pour y répondre, et transformer ces angoisses en volonté d’agir et d’avancer », a-t-il ajouté.

Le président français a, par ailleurs, salué la volonté de Volodymyr Zelensky de « réengager le dialogue » avec Donald Trump après leur mémorable prise de bec à la Maison-Blanche vendredi dernier.

Le chef de l’État, qui s’est entretenu au téléphone depuis lundi soir avec ses homologues ukrainien et américain, a « redit la détermination de la France à travailler avec toutes les parties prenantes à la mise en œuvre d’une paix solide et durable en Ukraine », a précisé la présidence.



Emmanuel Macron a également reçu mercredi soir à l'Élysée le premier ministre hongrois Viktor Orban, un critique réputé de toute aide européenne à l'Ukraine - l'opposition qu'il justifie par la "nécessité d'arrêter la guerre" en Ukraine, que l'aide militaire à Kyiv... ne fait qu'attiser, selon lui.




Ainsi, avant sa visite en France, le Premier ministre hongrois s'en est pris une nouvelle fois, sur X, à certains pays de l'UE qui veulent selon lui "prolonger la guerre" en Ukraine. Il estime qu'il y a "une rupture transatlantique entre la majorité de l'Europe et les États-Unis sous la présidence de Donald Trump".


Un tout à fait différent son de cloche à Paris : un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a estimé mercredi matin que la décision de Donald Trump de "suspendre" l'assistance militaire à Kyiv - "dont la portée et les conséquences ne sont pas parfaitement établies à ce stade" - devrait conduire à, "quoi qu’il en soit, renforcer notre soutien à l’Ukraine".

"C’est le sens de la séquence initiée par le président de la République il y a deux semaines et du sommet à Londres le 2 mars dernier. Ce sera également l’objet du Conseil européen extraordinaire du 6 mars où seront étudiées l’ensemble des modalités du soutien à l’Ukraine, d’une part, et de renforcement de notre effort de défense, de l’autre".

Et de conclure : "L’ensemble de ces événements confirment le besoin urgent d’investissement des Européens dans leur propre défense et dans le renforcement de leur autonomie stratégique".

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Le "niet" à la saisie des avoirs russes pour aider Kyiv ?


Face à la suspension d'aide militaire américaine à l'Ukraine, certains à Bruxelles regardent de plus près les avoirs russes gelés depuis le début de la guerre. Plus de 200 milliards d’euros amassés au gré des sanctions européennes contre Moscou.

S'ils ne peuvent pas les utiliser directement, les pays de l'Union européenne engrangent par contre les intérêts que ces actifs dégagent. Une manne de 2,5 à 3 milliards d'euros par an, fléchie vers le soutien à l'Ukraine.

Mais l’exécutif français se montre pourtant extrêmement frileux à cette idée. Les confisquer serait « contraire aux accords internationaux », a averti le patron de Bercy, Éric Lombard, ce mardi sur Franceinfo. « La position de la France, c’est que ces avoirs russes […] appartiennent notamment à la Banque centrale de Russie », a résumé le ministre de l’Économie.


En même temps, sous pression de députés de la majorité qui appellent à piocher dans les avoirs russes gelés, le gouvernement, qui s'y refuse pour l'instant, a fait savoir qu'"une étude" était en cours "pour savoir dans quelles mesures et sous quelles conditions ces avoirs pourraient en partie financer l'aide à l'Ukraine"

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Plusieurs voix au sein du camp présidentiel, comme Gabriel Attal, s'opposent à la position du gouvernement et plaident pour une utilisation de la totalité de ces avoirs russes.

L'image du président "rassembleur" redorée
À Washington, Londres ou Paris, Emmanuel Macron s'active pour tenter de résoudre la crise ukrainienne face au retournement stratégique de Donald Trump. En difficulté sur la scène nationale, le président français semble bénéficier d'un timide regain de popularité, relève Franceinfo.

"C'est un sans-faute pour lui en termes d'image, il a repris la main sur la scène internationale", assure Philippe Moreau Chevrolet, spécialiste de la communication politique. "Le président de la République redevient une figure de rassemblement et de protection." Quelles seront les conséquences sur le plan national ? "Il est bien trop tôt" pour le dire, estime un proche de François Bayrou.

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