Émergence - Insuffisance des réformes : Le Pse sous la critique de Grant Thornton

Rédigé par Dakarposte le Jeudi 26 Mai 2016 à 09:50 modifié le Jeudi 26 Mai 2016 09:52

Son dernier document ne devrait pas susciter autant de polémique que celui de l’année dernière. Néanmoins, le cabinet Grant Thornton reste toujours aussi critique en ce qui concerne la mise en œuvre de certaines réformes indispensables aux objectifs de croissance fixés par le Pse. Il indique notamment que le pays devra travailler toujours plus dur, pour espérer arriver en 30 ans, aux portes de l’émergence.

Le Sénégal a-t-il pris le bon chemin pour atteindre la croissance à moyen terme ? Le Plan Sénégal émergent (Pse), qui a pris la place du Yoonu Yokutee du jour au lendemain en 2014, ambitionne de réaliser cet objectif. Mais si des réalisations sortent de terre en termes d’infrastructures, justifiées par la mobilisation sur le budget de l’Etat, de près de 1000 milliards de francs pour 2015, consacrés aux dépenses d’investissement, les réformes structurelles, dont a besoin l’environnement des affaires, sont encore trop faibles pour pouvoir inverser les choses de manière significative. On le voit de manière nette avec la 156ème place du Sénégal dans le classement Doing Business de la Banque mondiale, qui montre que si le pays est félicité pour certaines réformes, cela ne l’empêche pas de patauger dans les bas-fonds du classement, même comparativement à certains concurrents africains. Toutefois, certains signes indiquent que les autorités voudraient aller dans le bon sens, même si c’est de manière timide.

Dialogue national, bon pour le Pse
Ainsi en est-il du Dialogue national auquel le président Macky Sall a appelé, et qui devrait s’ouvrir le 28 mai prochain. Dans la dernière publication du cabinet d’audit Grant Thornton Sénégal (Gt), portant sur les «Objectifs de croissance et orientations budgétaires» pour 2016, l’avant-propos montre le bien-fondé d’une telle initiative pour l’économie. Le document assure que «de manière générale, la polémique autour des chiffres de croissance n’est pas de nature à favoriser le consensus nécessaire entre les différentes parties prenantes pour une mise en œuvre harmonieuse des projets et programmes inscrits dans le Pse». Ce document ayant été publié avant l’appel du président Macky Sall, on aurait presque tendance à croire que ce dernier avait été conseillé par Mansour Gaye et ses collaborateurs, qui ont indiqué qu’«il apparaît donc urgent pour le Gouvernement d’appeler à l’instauration d’un dialogue national inclusif entre toutes les parties prenantes, seul à même de créer les conditions d’un consensus…»
Ledit dialogue, finalement convoqué, pourra-t-il permettre de surmonter les obstacles auxquels se heurte encore la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent (Pse), et que relève le document de Grant Thornton ? Ce dernier s’appuie sur des travaux de la Dpee, qui soulignent que «la faible progression de la Formation brute de capital fixe (Fbcf) en 2015, est imputable aux lenteurs observées dans la mise en œuvre du Pse. Un tel constat prend en compte sans nul doute les retards accusés dans les réformes et la livraison des projets dans le secteur de l’énergie, jugés vitaux pour le succès du Pse». Si beaucoup parmi les 27 projets phares inscrits dans le Pse ont vu un début de lancement, il n’en reste pas moins constaté que beaucoup de pans de ce plan, ainsi que les réformes qu’il induit, restent encore à être entamés ou achevés.

Faibles réformes, Ide fantômatique
Or, le document de Grant Thornton rappelle que le Sénégal a besoin de réaliser des réformes dans l’environnement des affaires, afin de pouvoir attirer des investissements étrangers. Si le pays a été, avec le Botswana, l’Ile Maurice, le Cap Vert, la Namibie et les Seychelles, retenu pour être éligible à un second Compact dans le cadre du Mille­nnium challenge account (Mca) américain, il n’en reste pas moins qu’il est, dans la liste, celui qui a attiré le moins d’Investissement direct étranger (Ide). Le document souligne que le Fmi classe le taux des Ide obtenus par ces pays entre 4,3% et 10,8%, tandis que le Sénégal n’a pu faire mieux que 2,1% en 2015. La conclusion du document ? «Un tel résultat reflète à l’évidence le retard important accusé dans la mise en œuvre des réformes indispensables pour faire du Sénégal une destination privilégiée des capitaux privés étrangers, en vue d’une croissance forte et durable.»

7,3% pendant 28 ans…
Cette nécessité de réformes est d’une urgente acuité, si le pays tient à réaliser ses objectifs de croissance économique. En effet, le Pse a été mis en place pour permettre au pays d’atteindre des taux d’au moins 7% pendant une durée assez longue. Les économistes jugent en effet qu’avec le niveau d’accroissement de la population, ce n’est que ce niveau de croissance de 7% pendant dix ans au moins, qui pourrait permettre une création de richesse et une répartition plus ou moins équitable. Malheu­reusement, dans sa brochure, Grant Thorn­ton souligne : «Au regard de toutes ces contraintes, le taux moyen de croissance de 7.1% initialement retenu dans le cadre du Pse pour la période 2014-2018, reste un défi majeur. Aussi, le temps est de plus en plus compté pour le Sénégal, qui doit nécessairement diligenter et amplifier les réformes pour atteindre ses objectifs à long terme.»
Le cabinet de conseil ajoute que des études indiquent que le pays aurait plutôt besoin de réaliser 7,3% de croissance pendant 28 ans, pour atteindre le niveau de pays à revenu intermédiaire, aspirant à l’Emergence.
Pour 2016, les autorités ont projeté le niveau de croissance à 6,5%, et assuré que cela dépassait les prévisions d’origine pour la période.  
Le document de Grant Thornton sur les Objectifs de croissance et les orientations budgétaires pour 2016, s’inscrit dans ce qui est devenu maintenant une tradition de la part de ce cabinet d’audit et de conseil, dirigé par Mansour Gaye, d’analyser de manière libre et objective, les options stratégiques du gouvernement à la lecture de son budget annuel et de ses réalisations.

Cheikh Amidou Kane
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