El Hadji Diouf dans les couloirs de l’Assemblée nationale, où il siège depuis 2007. © Sylvain Cherkaoui pour JA
Amateur de dossiers sulfureux, l’enfant terrible du barreau dakarois, El Hadji Diouf, a défendu jusqu’au bout l’ex-dictateur gambien Yahya Jammeh. Envers et contre tous.
«Il est excessif et tapageur mais c’est un vrai tribun. » « Il a toujours eu ce style, c’est un avocat qui dit ce qu’il pense. » « Il n’a aucune limite, et la vulgarité de ses sorties salit la profession. » Au palais de justice de Dakar, les confrères d’El Hadji Diouf, 57 ans, naviguent entre respect, admiration et agacement lorsqu’on évoque l’enfant terrible du barreau sénégalais.
Silhouette trapue et voix rocailleuse, adepte depuis toujours de la provocation XXL, Diouf a enfourché en décembre un cheval de bataille controversé en devenant l’avocat médiatique – et bénévole, assure-t-il – de Yahya Jammeh, qui a fini par céder son fauteuil de président de la Gambie à son successeur, Adama Barrow, le 21 janvier.
Tapageur et excessif
« Le mensonge l’a emporté sur la vérité, s’emporte l’homme de loi. On ne jugeait pas son régime mais un contentieux électoral, et Yahya Jammeh avait parfaitement le droit de former un recours devant la Cour suprême. » Coqueluche des médias pour ses déclarations au lance-flammes, Me El Hadji Diouf, fondateur d’une éphémère Coalition contre la guerre en Gambie, a donc multiplié les plaidoiries hors prétoire, indifférent aux quolibets de ceux qui voient en lui un « avocat du diable » suspecté de vénalité. « Je ne défendais pas Yahya Jammeh, nous n’étions pas en contact. Je défends des principes », fait-il valoir.
Je suis une arme non conventionnelle.»
Depuis 2007, cet autoproclamé « député du peuple » siège par ailleurs à l’Assemblée nationale. Véritable électron libre, non inscrit même s’il est rattaché depuis 2012 à la coalition gouvernementale Benno Bokk Yakaar (BBY), il y est coutumier d’outrances verbales mémorables, dont se souvient encore la députée Aïssatou Diouf : « Tu es vilaine, tu es sale ! Espèce d’ordure ! » Lors d’un procès connexe à l’affaire Karim Wade, en avril 2015, il avait traité ses confrères de la partie adverse de « moins que rien », avant d’enfoncer le clou en assénant à l’un d’eux : « Tu es trop petit pour me demander de modérer mon langage. Prenez-en acte mille fois : je n’en ai rien à cirer, de tes remarques ! Il n’existe pas en ce monde un avocat qui puisse m’intimider ! »
« Lorsqu’un dossier a un potentiel médiatique, il finit toujours par s’en mêler », ironise une consœur qui ne supporte pas son style. « Il est iconoclaste, explosif et tapageur, c’est vrai qu’il exagère, mais il vaut mieux l’avoir avec soi que contre soi », estime, pragmatique, un avocat qui le connaît de longue date.
Longtemps, El Hadji Diouf fut le principal avocat de Hissène Habré, avant d’être sèchement remercié. Il se targue d’avoir, de 2000 à 2015, bloqué un nombre important d’initiatives visant à juger au Sénégal ou à extrader l’ancien président tchadien. « Je me suis même battu contre des policiers sénégalais lors d’une perquisition, ce qui m’a valu d’être suspendu trois mois par l’ordre des avocats. Quand je défends une cause, je me donne entièrement, je suis prêt à mourir ! » assure, grandiloquent, ce guérillero en robe noire.
Récemment, l’homme d’affaires australo-roumain Frank Timis – attaqué de toutes parts au Sénégal pour avoir recruté Aliou Sall, le frère du chef de l’État, afin qu’il supervise une concession gazière – l’a choisi comme défenseur, non sans le qualifier au passage de « meilleur avocat du pays ». Ancien leader étudiant, alors surnommé « Lénine », Diouf revendique être « du côté de la vérité et du courage ». Et résume ainsi sa singularité : « Je suis une arme non conventionnelle. »
Mehdi Ba
Jeune Afrique
«Il est excessif et tapageur mais c’est un vrai tribun. » « Il a toujours eu ce style, c’est un avocat qui dit ce qu’il pense. » « Il n’a aucune limite, et la vulgarité de ses sorties salit la profession. » Au palais de justice de Dakar, les confrères d’El Hadji Diouf, 57 ans, naviguent entre respect, admiration et agacement lorsqu’on évoque l’enfant terrible du barreau sénégalais.
Silhouette trapue et voix rocailleuse, adepte depuis toujours de la provocation XXL, Diouf a enfourché en décembre un cheval de bataille controversé en devenant l’avocat médiatique – et bénévole, assure-t-il – de Yahya Jammeh, qui a fini par céder son fauteuil de président de la Gambie à son successeur, Adama Barrow, le 21 janvier.
Tapageur et excessif
« Le mensonge l’a emporté sur la vérité, s’emporte l’homme de loi. On ne jugeait pas son régime mais un contentieux électoral, et Yahya Jammeh avait parfaitement le droit de former un recours devant la Cour suprême. » Coqueluche des médias pour ses déclarations au lance-flammes, Me El Hadji Diouf, fondateur d’une éphémère Coalition contre la guerre en Gambie, a donc multiplié les plaidoiries hors prétoire, indifférent aux quolibets de ceux qui voient en lui un « avocat du diable » suspecté de vénalité. « Je ne défendais pas Yahya Jammeh, nous n’étions pas en contact. Je défends des principes », fait-il valoir.
Je suis une arme non conventionnelle.»
Depuis 2007, cet autoproclamé « député du peuple » siège par ailleurs à l’Assemblée nationale. Véritable électron libre, non inscrit même s’il est rattaché depuis 2012 à la coalition gouvernementale Benno Bokk Yakaar (BBY), il y est coutumier d’outrances verbales mémorables, dont se souvient encore la députée Aïssatou Diouf : « Tu es vilaine, tu es sale ! Espèce d’ordure ! » Lors d’un procès connexe à l’affaire Karim Wade, en avril 2015, il avait traité ses confrères de la partie adverse de « moins que rien », avant d’enfoncer le clou en assénant à l’un d’eux : « Tu es trop petit pour me demander de modérer mon langage. Prenez-en acte mille fois : je n’en ai rien à cirer, de tes remarques ! Il n’existe pas en ce monde un avocat qui puisse m’intimider ! »
« Lorsqu’un dossier a un potentiel médiatique, il finit toujours par s’en mêler », ironise une consœur qui ne supporte pas son style. « Il est iconoclaste, explosif et tapageur, c’est vrai qu’il exagère, mais il vaut mieux l’avoir avec soi que contre soi », estime, pragmatique, un avocat qui le connaît de longue date.
Longtemps, El Hadji Diouf fut le principal avocat de Hissène Habré, avant d’être sèchement remercié. Il se targue d’avoir, de 2000 à 2015, bloqué un nombre important d’initiatives visant à juger au Sénégal ou à extrader l’ancien président tchadien. « Je me suis même battu contre des policiers sénégalais lors d’une perquisition, ce qui m’a valu d’être suspendu trois mois par l’ordre des avocats. Quand je défends une cause, je me donne entièrement, je suis prêt à mourir ! » assure, grandiloquent, ce guérillero en robe noire.
Récemment, l’homme d’affaires australo-roumain Frank Timis – attaqué de toutes parts au Sénégal pour avoir recruté Aliou Sall, le frère du chef de l’État, afin qu’il supervise une concession gazière – l’a choisi comme défenseur, non sans le qualifier au passage de « meilleur avocat du pays ». Ancien leader étudiant, alors surnommé « Lénine », Diouf revendique être « du côté de la vérité et du courage ». Et résume ainsi sa singularité : « Je suis une arme non conventionnelle. »
Mehdi Ba
Jeune Afrique