ENQUÊTE Attentats: le pire des scénarios

Rédigé par Dakarposte le Dimanche 15 Novembre 2015 à 07:21 modifié le Dimanche 15 Novembre 2015 07:24

La police Francaise redoutait une telle vague d’attaques kamikazes, quasi impossible à déjouer. Elle enquête sur les trois équipes de terroristes qui ont fait 129 morts vendredi.


Plusieurs kamikazes lourdement armés, des attaques lancées simultanément à différents endroits, des corps déchiquetés difficilement identifiables, un passeport syrien retrouvé sur les lieux, la piste d’une équipe venue de Belgique : les attentats qui ont ensanglanté Paris dans la nuit de vendredi à samedi illustrent les difficultés des services de police, confrontés à des enquêtes de plus en plus complexes.

Samedi soir, le procureur de la République de Paris, François Molins, a livré les résultats des premières investigations, annonçant la mort de sept terroristes au cours de leurs actions. S’appuyant notamment sur des témoignages et l’analyse des images de vidéosurveillance, le procureur a révélé l’existence de «trois équipes de terroristes coordonnées»
Une enquête a été ouverte pour «assassinat en relation avec une entreprise terroriste en bande organisée» et «association de malfaiteurs terroristes». Après l’identification d’au moins une plaque d’immatriculation belge, le parquet fédéral de Bruxelles a par ailleurs été saisi de quatre demandes d’entraide internationale. Cette réactivité a permis l’interpellation de trois hommes soupçonnés d’avoir participé aux attaques parisiennes, dont un Français résidant en Belgique, qui avait loué la voiture utilisée pour commettre la tuerie du Bataclan. Ces suspects ne sont pas connus des services. Les prochaines investigations devront permettre d’établir avec précision l’identité des terroristes et de leurs complices, mais aussi de lever le voile sur le financement de ces opérations meurtrières. «L’enquête ne fait que débuter», a précisé François Molins.

«Plan blanc»
Depuis les premières attaques, des moyens colossaux ont été déployés. Dès vendredi soir, la direction de la PJ parisienne a rappelé 2 200 policiers pour auditionner rapidement un maximum de témoins. Une centaine ont déjà livré leur récit, permettant aux enquêteurs de s’approcher du déroulement exact des événements.

De son côté, la police technique et scientifique (PTS) a procédé à un titanesque inventaire des victimes et des blessés. Au Bataclan, lieu le plus durement frappé, dix heures ont été nécessaires pour extraire les corps. Un travail d’autant plus difficile que de nombreuses personnes venues assister au concert avaient déposé leurs papiers d’identité au vestiaire. A 00 h 40, au moment de la fin des assauts, la panique et l’horreur étaient telles que les secours ont traité les victimes sans relever leur identité, et les ont envoyées vers les différents hôpitaux participant au «plan blanc».

Concernant le corps des terroristes, parfois déchiquetés par l’explosion de leurs charges, un travail fastidieux a également été engagé. Il s’agit de procéder à des prélèvements ADN et de croiser les résultats avec les différents fichiers de police. Les autorités prévoient au moins deux jours de constatations au Bataclan.

Malgré ces moyens exceptionnels, de nombreux policiers ne cachent plus leur impuissance face à ce type d’opérations kamikazes. Cela fait des mois que les pontes du renseignement prédisent un attentat d’ampleur dans la capitale, la seule question étant jusqu’ici de savoir quand il aurait lieu. La simultanéité des attaques, perpétrées à six endroits différents, avait également été anticipée. Depuis longtemps, les services de police et de renseignement travaillent sur un scénario d’attentats coordonnés, comme à Madrid en 2004 et à Londres en 2005. Ces derniers mois, la BRI (Brigade de recherche et d’intervention) a tenté de s’adapter à ces nouveaux profils, des tueurs cherchant à faire le plus grand nombre de victimes et prêts à mourir en martyrs. Cet été, une force d’intervention rapide a été créée au sein de l’unité d’élite, avec des hommes mobilisables instantanément et capables de mener l’assaut rapidement, comme au Bataclan en coopération avec le Raid.

Cellules de crise
Au-delà des opérations d’intervention, ces nouveaux attentats mettent en lumière les difficultés à faire cohabiter des services enquêteurs n’ayant pas la même culture, et parfois rivaux. Plusieurs d’entre eux étant saisis conjointement, notamment la section antiterroriste de la préfecture de police, la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) et la Sdat (Sous-Direction antiterroriste), la coordination des investigations est d’autant plus complexe.

Un dossier suivi aussi bien au parquet qu’à l’Intérieur. Place Beauvau, une cellule interministérielle de crise se tient depuis vendredi soir. Le nouvel état-major opérationnel, mis en place après les attentats de janvier, se réunit également deux fois par jour dans le salon «fumoir» du ministère. Depuis le début des attaques, une cellule de crise a par ailleurs été activée au parquet de Paris, mobilisant 22 magistrats.

Mais l’instauration de l’état d’urgence par François Hollande a donné la priorité à l’administratif sur le judiciaire. Cette mesure exceptionnelle, d’application immédiate, a des conséquences directes sur les modalités de l’enquête. Elle permet notamment de placer les perquisitions sous la tutelle du préfet, et plus sous celle du procureur. En clair, la police a la possibilité de perquisitionner là où elle le souhaite sans l’aval des magistrats. Autre effet de cet état d’urgence : la possibilité de perquisitionner de nuit, une mesure interdite dans les enquêtes judiciaires classiques.

Reste une autre question épineuse, celle d’une faille éventuelle des services de renseignement. Déjà pointée du doigt lors des attentats de janvier, la DGSI pourrait à nouveau être dans la tourmente. Au moins un des terroristes identifiés, un Français d’une trentaine d’années, était suivi depuis 2010 et fiché par les services pour radicalisation.
 
Mamadou Ndiaye
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