Du bon vin français pour le Président Macron !

Rédigé par Dakarposte le Jeudi 1 Février 2018 à 10:49 modifié le Jeudi 1 Février 2018 13:10

C'est l'ancien ministre Habjb Sy qui m'inspire le titre de ma contribution. Dans au moins deux quotidiens, il en a publié une avec pour titre : "Une calebasse de noix de cola pour le Président Macron". C'est ce titre, qu'il justifie par la tradition africaine, qui m'a inspiré le mien. Par respect pour la tradition française donc, nous accueillerons le président Macron avec du bon vin français.
Je rassure tout de suite notre M. SY : celle inspiration ne saurait signifier, ni de près, ni de loin, une appréciation (positive ou négative) de sa contribution ou de son titre. Je suis animé par d'autres préoccupations et il le comprendra en me lisant, si toutefois il prendra le temps de me lire.
Ce qui me préoccupe, c'est le ridicule qui tue dans notre pars, le ridicule qui ne tue malheureusement pas nos gouvernants, ni notre président-politicien. Il voyage, voyage beaucoup, en particulier en France, notre "mère-patrie". Il y va, son avion bourré d'une forte délégation dont l'écrasante majorité des membres n'ont vraiment rien à faire dans une visite d'État, pas même dans une visite simple.
Le ridicule, qui nous fait honte, c'est que chaque fois qu'il va en visite officielle au pays de nos "nos ancêtres les Gaulois", il n'est jamais accueilli par le Président de la République, mais plutôt par des ministres au bas fond de l'ordre protocolaire du Gouvernement. Lors de son voyage d'État du 19 décembre 2016, il est accueilli à Orly par Mme Annick Girardin, Ministre de la Fonction publique (15ème dans l'ordre protocolaire du Gouvernement français). Ce manque de respect notoire vis-à-vis du président-politicien, et malheureusement aussi du Sénégal, dérange nombre de nos compatriotes. L'un d'entre eux, Tahirou Sarr (conseiller et analyste politique), lui aussi vraiment outré par l'indifférence notoire dans laquelle les autorités françaises tiennent notre président-politicien publiait, le 3 janvier 2018, une contribution ayant pout titre : "Le Président Macky Sall en France : l'accueil de la honte". Dans cette contribution, il rappelle que "Thomas Sankara avait refusé d'être reçu par un ministre et le Président Mitterrand s'était déplacé lui-même pour l'accueillir". Ce n'est pas tout : il précise encore que lors de la COP 21, le Roi Mohamed VI a refusé de sortir de sa voiture "tant que le Président Hollande (ne venait pas) pour le recevoir".
Notre président-politicien n'a malheureusement pas cette force de caractère : il se contente de très peu, convaincu qu'il est qu'il se rattrapera largement avec "l'accueil chaleureux" que ses nombreux militants lui réserveront. Il convient de signaler quand même que lors de ses nombreux voyages en France comme dans d'autres pays, les ambassades et les consulats deviennent, pendant tout son séjour, le siège du parti-État l'APR. S'y ajoute que les Français ne sont même pas au courant de ses nombreuses visites, même d'État. Les principales chaînes de télévision française (France 2, TF1, France 5, etc.,) ne rendent compte de ses visites que le temps d'une rose : rarement plus de 30 secondes.
C'est alors tout le contraire quand le Président français est en visite au Sénégal. Une semaine avant la visite, le pays, tout le pays ne vit que pour l'événement. Le jour de l'arrivée à Dakar, les embouteillages sont multipliés par deux ou trois. Les grandes artères sont formellement interdites au public. Toutes les institutions de la République rivalisent d'ardeur à être parmi les premières arrivées à l'aéroport qui grouille de monde. Des cars transportent des militants des quatre coins du pays, parfois par temps de très grande chaleur. Tous les instruments de musique sont de la fête. Quand l'avion de notre très respecté Président s'arrête sur le tarmac, notre couple présidentiel l'accueille à la descente. Peut-être qu'un jour, par respect pour son statut et non par notre tradition, leur premier geste sera de lui offrir du bon vin français. Sait-on jamais ?
Le cérémonial commence alors, par des salutations notamment. Le pauvre Président et son épouse passent une épreuve très dure, et dont ils se seraient volontiers passés : serrer toutes les mains. Après, c'est le départ vers Dakar avec les deux présidents debout sur un véhicule décapotable, qui saluent de la main les pauvres populations mobilisées pour la circonstance. En un clin d'œil, le cortège disparaît de leur vue et c'est le retour parfois chaotique. De l'aéroport au palais présidentiel, ce sont les mêmes longues files de "militants" applaudissant à tout rompre et criant à tue-tête, parfois sous un soleil de plomb.
Quand il visite la ville ou le pays, c'est le même ridicule et fatigant cérémonial. Ainsi, notre Macron et son épouse vont se rendre samedi à Saint-Louis. Depuis plusieurs jours déjà, le cœur de la ville ne bat que pour la visite de nos distingué hôtes. Le couple n'est pas encore arrivé que c'est déjà la guéguerre entre factions du PDS, les unes ayant choisi de prendre part à l'accueil du couple présidentiel, les autres pas du tout. C'est aussi la guéguerre entre le PDS (hostile à la visite), l'APR et son gouvernement, des militants libéraux ayant décidé d'accueillir le Président Macron avec des brassards rouges. Ne sommes-nous plus en pays démocratique ? Le port de brassards rouges est quand même un moyen, pour les Libéraux, d'accueillir à leur façon le couple présidentiel ! Les manifestations d'hostilités sont choses banales dans les grandes démocraties. Ne serions-nous qu'une démocratie tropicale, une démocratie formelle, une démocratie de façade ? Certains de nos compatriotes qui se distinguent par leur certitude que nous sommes une grande démocratie répondront à cette question.
Pour revenir à l'accueil de nos illustres hôtes par les Saint-Louisiens, ces derniers s'imaginent-ils un seul instant le président-politicien en visite d'État en France, visitant avec son épouse Bordeaux, Montpellier, Lille, Rouen, Caen ou Strasbourg ? Les habitants de ces différentes villes ne se rendraient même pas compte de leur existence. N'est-il quand même pas temps que nous devenions un pays adulte ? Cela va faire 58 ans que nous sommes indépendants, même de façon seulement formelle. Nous en avons vraiment assez de ces accueils folkloriques qui nous dérangent, nous prennent tout notre temps pour rien, ou presque. Ils n'existent dans aucune grande démocratie, dans aucun pays sérieux. Les Angela Merkel, Emmanuel Macron et autres chefs d'État ou de Gouvernement ont vraiment d'autres chats à fouetter que d'organiser des accueils ridiculement folkloriques pour leurs pairs d'autres pays, fussent-ils de très grands pays. Ils consacrent plutôt une partie de leur temps précieux à lutter contre le chômage, l'inflation, etc., et l'autre partie à faire baisser les différents déficits publics.
Pour terminer, je me demande si le Président Macron, son épouse et sa délégation nous prendront vraiment au sérieux avec nos "thiakhaaneries". Je me demande s'ils ne se moqueront pas finalement de nous et peut-être même, s'ils ne seront pas tentés de nous considérer comme "un pays de merde". Ne l'aurions-nous pas mérité d'ailleurs, par la faute de l'attachement morbide de nos gouvernants, et du premier d'entre eux, à ces accueils folkloriques et tonitruants pour rien, qui peut-être même, incommodent nos hôtes ?
 
Auteur: Par Mody Niang
Cheikh Amidou Kane
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