Dans un climat de peur des attentats, la désaffection des touristes français pour l'Afrique du Nord

Rédigé par Dakarposte le Vendredi 19 Aout 2016 à 23:49 modifié le Vendredi 19 Aout 2016 23:51

Le nombre de voyageurs français a continué de chuter en Tunisie, en Turquie et en Égypte en juillet. Craignant pour leur sécurité, les Français, selon le syndicat des entreprises de voyage, ont préféré les vacances dans des pays du sud de l'Europe.

Cet été, les Français qui ont choisi de partir en vacances à l’étranger ont préféré la rive nord de la Méditerranée (Espagne, Italie, Portugal) aux pays du Maghreb, à l’Égypte ou à la Turquie, d’après les chiffres de juillet du syndicat Les Entreprises de voyages (ex Snav), communiqués à France 24 mercredi 17 août.

En cause, la multiplication d'attentats qui a durablement écorné l'image des pays de la région, traditionnellement appréciée par la clientèle française avant ces troubles.

À peine un an est passé depuis l'attaque revendiquée par l'organisation de l’État islamique (EI), qui avait directement ciblé des touristes étrangers, dont des Français, sur une plage de Sousse en Tunisie, le 26 juin 2015. En Égypte, après l'explosion en vol d'un avion russe avec ses 224 occupants en 2015, c'est un hôtel de la mer Rouge et un car de touristes près des Pyramides qui ont été attaqués par des jihadistes de l'EI en janvier. 

Reste en mémoire également, le triple attentat suicide à l'aéroport d'Istanbul le 28 juin, dans lequel 43 personnes dont de nombreux touristes ont perdu la vie. Ces événements dramatiques qui touchent des zones touristiques ne cessent de se multiplier depuis quelques années, faisant craindre le pire aux voyageurs français qui – après une année marquée par le terrorisme y compris sur le territoire français –recherchent la sécurité avant tout pendant leurs vacances.

Dommage collatéral pour le Maroc

Dans ce contexte, les départs ont chuté de 42 % pour la Tunisie et de 48 % pour la Turquie en juillet, d’après le baromètre des entreprises de voyage, après une année marquée par une baisse de plus de 70 % des réservations françaises vers la Turquie et de près de 80 % vers la Tunisie selon le syndicat des tours opérateurs (SETO).

Devant le phénomène, les voyagistes ont rapidement adapté leur offre aux exigences de leur clientèle française. Sur la côte portugaise notamment, sont apparues de nouveaux clubs, identiques à ceux qui ne désemplissaient pas il y a quelques années encore sur les plages du Maroc et de la Tunisie. Résultat, cette année le Portugal a attiré 22 % de touristes supplémentaires en juillet par rapport à 2015.

Le Maroc n’est pas épargné par la baisse de la fréquentation touristique française avec une diminution de 21% du nombre de passagers cumulée depuis janvier 2015, même si le mois de juillet a vu revenir ponctuellement une partie d'entre eux (+7 %). "Dans le contexte actuel, il est difficile de dire qu’un lieu est sûr, étant donné que le terrorisme frappe partout, tant les capitales européennes, que des pays asiatiques. Mais le Maroc, n’a pas connu d’évènements notables depuis quelques années et pourtant la fréquentation touristique française chute", constate Jean-Marc Rosé, secrétaire général des Entreprises de voyage, qui fait référence à l'attentat du 28 avril 2011 sur une place très fréquentée de Marrakech. Revendiqué par Al-Qaïda, celui-ci avait fait 17 morts dont 8 Français.

Cinq ans après cette attaque terroriste, sur la carte des conseils aux voyageurs publiée par le ministère des Affaires étrangères françaises, le pays figure désormais en "vigilance normale", comme la plupart des pays européens. "Dans le cas du Maroc, les motifs des touristes français ne sont pas toujours rationnels", estime le secrétaire général des voyagistes français pour qui le royaume de Mohammed VI subit les dommages collatéraux de l'instabilité de ses voisins. Il perçoit plus globalement "une désaffection des touristes pour le monde musulman" liée à la crainte d'attaques terroristes.

Des destinations irremplaçables pour petits budgets

Les touristes qui partaient en Tunisie pour des raisons budgétaires ne se sont en revanche pas tous rabattus sur les nouvelles destinations, même proches de la France – l’Espagne, en tête depuis quelques années, l’Italie, le Portugal et la Grèce ont en effet bénéficié d’une partie des désistements de départs vers le Maghreb et le Moyen-Orient. "Les prix des voyages que nous proposions en Tunisie, on ne les retrouve nulle part ailleurs", regrette Jean-Marc Rosé.

"Ceux qui s’offraient des vacances là-bas ne pourront pas tous partir en voyage cette année", conclut-il. Les chiffres lui donnent raison. Cette année, moins de Français ont voyagé à l’étranger. Seul un vacancier sur quatre a passé ses vacances hors des frontières, d’après l’enquête annuelle du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) parue en juillet.

Pour les privilégiés qui ont pu prendre des vols en long courrier, les destinations qui progressent sont les États-Unis (+9 %) et le Canada (+20 %), bénéficiant sans doute d’un "sentiment de sécurité", selon Jean-Marc Rosé. Cuba a été particulièrement prisé par les Français avec une fréquentation spectaculaire en hausse de 124 % par rapport à juillet 2015, alors même que c’est une destination recommandée en hiver.
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