L’homme est du sérail, le monsieur un technocrate pur jus. Un stakhanoviste connu pour sa rigueur et son sérieux dans le travail.
Directeur général des Impôts et domaines, Cheikh Ahmet Tidiane Bâ a presque révolutionné le secteur, avec des résultats plus que favorables, d’année en année.
Contacté par L’Obs pour aborder avec lui les questions de l’heure, l’enfant de la Médina évoque, dans cette interview exclusive, les recettes fiscales de la Dgid, sa disponibilité à dialoguer avec les agents, les mesures prises par le chef de l’Etat pour mieux normer le foncier.
Cheikh, comme on l’appelle affectueusement, parle aussi de son ministre, Amadou Bâ, des constructions sur le domaine maritime et de son engagement politique au côté du chef de l’Etat.
Monsieur le Directeur général des Impôts et domaines, votre parole est rare. Pourquoi on ne vous entend pas, bien que votre nom est souvent évoqué dans la presse ?
Je suis d’avis qu’au regard de notre position stratégique et de la technicité de notre métier, nos prises de parole doivent être mesurées, justifiées et motivées par la seule volonté d’interagir avec nos usagers, pour leur apporter les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs devoirs citoyens.
Nos prises de parole doivent aussi être motivées par une volonté de rétablir la vérité, lorsque des faits, issus de personnes dont on ignore encore les motivations réelles, entachent l’image de la Dgid, celle de son personnel ou remettent en cause, sans raison, ses performances, fruit d’efforts collectifs.
Je rappelle également que nous sommes astreints à une obligation de réserve, eu égard à la sensibilité des domaines dans lesquels nous intervenons et à l’étendue des pouvoirs d’investigation conférés aux cadres des Impôts, des Domaines et Cadastre dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.
Un ensemble de facteurs qui font que, sauf nécessité, nous préférons orienter notre communication vers la sensibilisation de nos concitoyens au civisme fiscal qui doit être le ciment d’une citoyenneté agissante.
Mais parfois, le mutisme de vos services face à des questions très sensibles peut présager d’un aveu. Faisant référence aux déballages sur vos supposés résultats en baisse, quel est votre sentiment ?
La mobilisation de recettes fiscales et non fiscales au profit du Budget de l’Etat et des Collectivités locales, est l’une des premières missions de la Direction générale des Impôts et des Domaines.
En termes de ressources intérieures, la Dgid assure près de deux tiers des recettes. Les performances enregistrées en matière de recettes peuvent se mesurer par le niveau de progression des recouvrements d’une année à l’autre.
A titre d’exemple, en 2016, les recettes brutes recouvrées s’élevaient à plus de 1 230 milliards contre 1 032 en 2015 ; soit une progression de plus de 170 milliards en valeur absolue, et 17% en valeur relative.
Ce taux de progression prend un relief particulier, si on le compare à celui du Produit intérieur Brut (plus de 6,5% sur deux années successives) qui est une variable de référence pour la projection des recettes.
Par ailleurs, depuis 2014, fait qu’il convient de relever, nous parvenons à réaliser nos objectifs et même à les dépasser. Outre l’appui constant et décisif de notre tutelle, le ministre de l’Economie, des finances et du plan et le ministre délégué Chargé du Budget, je dois dire que ces bonnes performances sont le fruit de politiques et réformes dont certaines ont été engagées par mes prédécesseurs à qui, je rends un vibrant hommage, mais surtout, par l’engagement des agents de la Dgid.
Malgré tout ce dispositif, la presse continue à faire état d’une baisse des recettes de 25 milliards, au premier trimestre 2017 et qui se situerait maintenant à 38 milliards…
En vérité, il n’y a pas eu de baisse de recettes au terme du premier trimestre 2017. Je vous renvoie d’ailleurs, au point mensuel de la conjoncture (pour mars 2017) qui est publié par la Dgppe, lequel fait état plutôt d’une augmentation des recettes budgétaires.
Poursuivant dans l’analyse, le document ajoute que les recettes tirées du Fonds de soutien à l’importation des produits pétroliers ont connu un repli de près de 33 milliards, du fait de la décision de maintenir les prix des produits à la pompe, alors qu’au même moment, le cours du baril du pétrole s’apprécie.
Malgré les difficultés sur cette ligne Fsipp que nous pensons d’ailleurs pouvoir combler avant la fin de l’année, il est important de noter qu’à la fin du mois de mai 2017, nos recettes ont augmenté de près de 40 milliards par rapport à la même période de 2016.
Des politiques spécifiques d’accompagnement sont-elles mises en place pour favoriser ces résultats ?
Bien entendu, nous avons connu en 2012, une réforme fiscale certes, généreuse, avec une forte baisse de la fiscalité pour les salariés et pour toutes les personnes physiques en général, mais qui commence à porter ses fruits, grâce à des mesures de simplification et rationalisation de certains dispositifs fiscaux, l’amélioration des techniques de contrôle.
Dans le même temps, notre organisation a été réformée en 2014, avec une nouvelle segmentation de la population fiscale qui a permis de mieux sécuriser les recettes par des mesures de lutte contre la fraude et la défaillance fiscales.
Par ailleurs, nous pensons qu’il y a de plus en plus, une prise de conscience par les Sénégalais de leur devoir de s’acquitter de leurs contributions fiscales. Nous y travaillons encore avec différentes initiatives pour sensibiliser et informer nos concitoyens sur les obligations de déclarer leurs revenus.
Nous invitons du reste, la presse et tous les porteurs de voix à nous accompagner dans ce combat éminemment citoyen. De notre côté, nous avons lancé beaucoup d’outils et de plateformes pour améliorer l’information fournie à nos usagers.
Nous avons une plateforme web 2 sms à travers laquelle, nous envoyons gratuitement des informations à nos usagers telles que les rappels d’échéance. Tout récemment, nous avons mis en place un centre d’appels pour répondre à toutes les questions d’ordre fiscal, domanial ou cadastral.
Nous allons, dans les prochaines semaines, lancer une nouvelle version de notre plateforme de téléprocédures (télédéclaration et télépaiement) qui permet aux contribuables de s’acquitter de leurs différentes obligations fiscales en ligne.
Et pour être toujours plus proactifs, nous travaillons actuellement sur des projets innovants qui permettront à des usagers devant payer de petits montants ou situés dans des zones non couvertes par l’internet, de pouvoir payer par mobile ou par carte (Mtax).
Malgré ces efforts, nous sommes conscients qu’il reste beaucoup à faire notamment, en termes d’équité fiscale. Le constat est qu’aujourd’hui, nombreux sont les Sénégalais qui ne déclarent pas du tout leurs revenus ou qui ne le font pas correctement et, par ricochet, ne paient pas leur juste cotisation fiscale, de sorte que la charge fiscale pèse essentiellement sur les grandes entreprises et les salariés.
C’est pourquoi, en même temps que nous déployons des efforts importants pour informer et sensibiliser les populations sur leurs obligations fiscales, nous mettons en place des plateformes qui nous permettront de bien contrôler les activités et les flux et faciliter l’élargissement de l’assiette.
A titre d’exemple, je suis moi-même, Vice-président du groupe de pilotage du projet Beps (Base Erosion and profit Shifting) porté par l’Oce et qui lutte contre le challendage fiscal et les techniques agressives d’optimisation.
En plus, l’échange automatique de renseignements au niveau mondial permettra aussi d’appréhender les avoirs détenus à l’étranger (surtout immobiliers et bancaires) des contribuables sénégalais et d’assurer l’équité fiscale tant recherchée.
En interne, nous avons aujourd’hui un centre de traitement de données et une banque de données fiscales qui, à terme, permettront de croiser les données issues de différentes sources et ainsi d’identifier tous ceux qui ne déclarent pas leurs activités et revenus.
A cet effet, nous collaborons déjà avec plusieurs administrations sœurs, telles que la Douane, le Trésor, la Direction générale du Budget, les institutions sociales, les concessionnaires de services publics,…
Les exonérations fiscales dont bénéficient certaines personnes ou entreprises, ne constituent-elles pas une entrave à la bonne santé des recettes ?
Dans un sens assez simple, à la limite même simpliste, les exonérations entraînent une absence de recettes. Ce qui, à première vue, peut paraître dommageable à la mobilisation des ressources pour financer les politiques publiques.
Cependant, il ne faut perdre de vue que la fiscalité à deux fonctions : une fonction budgétaire (collecte de recettes) et une fonction de politique économique. C’est dire que les motivations et mécanismes des exonérations, quels que soient les secteurs d’ailleurs, obéissent à des logiques de gouvernance plus englobante qu’il n’y paraît.
Juste pour exemple, prenons les exonérations pour motif économique que semble suggérer votre interpellation. Sans entrer dans les dispositifs techniques, ce qu’il faut en comprendre et retenir, c’est la finalité recherchée.
Si des secteurs d’activité doivent être accompagnés pour favoriser leur croissance, je pense notamment, à l’agrobusiness et au secteur extractif, entre autres, l’Etat, en raison de la forte demande d’investissement en capitaux, peut renoncer temporairement à des droits dans un équilibre qui ne frustre pas les règles de concurrence.
Je peux citer une autre décision forte du président de la République d’accompagner la relance du tourisme en Casamance, par d’importantes mesures d’incitation en faveur des opérateurs qui décident de s’y installer.
Le ministre de l’Economie, des finances et du plan, Amadou Bâ, a été désigné comme meilleur ministre d’Afrique, comment analysez-vous cette distinction ?
Nous félicitons vivement le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, M. Amadou Bâ, qui a été désigné meilleur ministre des Finances d’Afrique. Cette distinction parmi ses pairs de toute l’Afrique, est le signe que notre pays bénéficie d’une grande crédibilité sur la scène économique et financière internationale.
Et le ministre l’a suffisamment expliqué, en attribuant ce grand succès au président de la République qui définit la politique économique du Sénégal. Pour ma part, la reconnaissance de la grande expertise du Mefp ne me surprend guère, pour avoir été son collaborateur à différentes stations, pendant plusieurs années.
Enfin, j’exprime toute la fierté de l’Administration fiscale de voir les qualités d’un de ses membres éminents, magnifiées et reconnues à travers l’Afrique.
Des remous sont dernièrement notés dans votre administration. Pouvez-vous édifier l’opinion sur les causes des fréquentes sorties du secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l’Administration fiscale ?
J’aborderai ce point en précisant deux choses : d’une part, ce n’est point faute d’éléments de réponse que la Direction générale ne s’est pas prononcée à la suite de sorties médiatiques de responsables syndicaux, d’autre part, il faut préciser qu’en raison de sa position de premier interlocuteur des partenaires sociaux, la Direction générale ne peut entretenir une polémique quelconque, par voie de presse, sur des points tranchés ou en examen interne.
Cela dit, si vous faites allusion au problème soulevé par le responsable du Syndicat des agents de l’Administration fiscale (ndlr : à distinguer du syndicat qui regroupe les inspecteurs des Impôts et Domaines et dirigé par Elimane Pouye) et qui est relatif à la répartition du fonds d’intéressement, il y a lieu de faire quelques précisions.
Je rappelle que ce système n’a été ni imposé par la Direction générale, encore moins par le ministre des Finances ou le ministre du Budget, souvent accusés à tort. Ce système a été adopté suite à des concertations avec le personnel.
Par la suite, certains agents ont créé un syndicat et attaqué l’instruction qui organise le système de répartition. La Cour suprême a rendu un arrêt qui a validé le caractère légal de l’acte. Les décisions de justice s’appliquant à tous les sujets de droit dont l’administration elle-même, il faudrait bien comprendre cela et être conséquent.
Des solutions de sortie de crise ?
A proprement parler, le terme crise me paraît inapproprié, car jusque-là, aucun dysfonctionnement des services n’est noté, du fait de comportement individuel ou concerté d’agents.
Je rappelle souvent à ceux qui me posent la question que depuis 2014, il n’y a pas eu un seul mouvement de grève à la Dgid. C’est ça, le fait. Maintenant, qu’il y ait des désaccords entre un syndicat et la Direction générale, c’est aussi une réalité.
Cela dit, une administration comme la nôtre ne peut céder à aucune forme de pression ou de menace. J’appelle les uns et les autres à faire preuve de responsabilité et adopter une posture digne de l’administration et de nos usagers que nous devons servir.
Les décisions de justice s’imposent à tous. Néanmoins, les avis et observations portés à mon niveau sont versés au débat interne, seule alternative fondatrice de consensus solides et bénéfiques.
Je n’ai jamais fermé les portes d’un dialogue, mais d’un dialogue franc, sans aucune forme de chantage et basé sur la vérité. Pour ce qui est du préavis de grève auquel vous faites allusion, je tiens à affirmer que, quelle que soit la situation, nous assurerons un fonctionnement normal des services.
Le président de la République a récemment instruit vos services de diligenter la transformation des titres précaires et des baux en titres fonciers. Que pensez-vous de cette mesure et quelles stratégies seront déroulées pour atteindre les objectifs assignés ?
L’accès à la pleine propriété, c’est-à-dire, en termes plus simples, disposer d’un titre foncier, a été jusque-là, comme un privilège réservé à certaines catégories de personnes.
C’est en cela que la mesure annoncée par le président de la République en février dernier, est à la fois, salutaire et symbolique. C’est aussi un signal fort lancé en direction d’une équité dans la prise en charge des préoccupations des populations. Il est vrai que plusieurs tentatives ont existé dans le passé.
La décision hautement salutaire du président de la République se singularise par sa volonté d’aller beaucoup plus loin et de rendre effectif le souhait longtemps exprimé des populations de disposer rapidement de titres fonciers.
Lors d’une réunion d’explication et de partage de cette mesure organisée il y a quelques mois, Me Doudou Ndoye qui connaît bien l’évolution du droit foncier au Sénégal, a qualifié cette décision d’historique, qui fera donc entrer son auteur, le chef de l’Etat, dans l’histoire.
Nous avons reçu des instructions de notre hiérarchie d’allier célérité et efficacité dans la mise en œuvre. C’est pourquoi, le ministère a proposé de remplacer les dispositifs épars et parfois complexes qui permettaient l’obtention d’un titre foncier, par une loi unique.
Le projet de loi préparé par nos services a d’ailleurs été adopté lors du Conseil des ministres du 03 mai dernier.
D’un autre côté, nous travaillons sur les aspects opérationnels, car nous voulons déplacer nos services dans les communes et quartiers, expliquer aux populations la procédure, les accompagner dans la constitution de leurs dossiers. Nous avons déjà bénéficié du soutien de l’Union européenne, à travers le Projet d’appui à la modernisation de la gestion du foncier urbain (Pagef) et nous souhaitons que cette collaboration se renforce.
Justement, quels sont les bénéficiaires et quand tout cela démarrera-t-il ?
Ce travail débutera dès que le projet de loi sera voté. Je peux même ajouter que selon nos projections, les premiers titres pourraient intervenir un ou deux mois après le vote de la loi.
En termes de bénéficiaires, la décision du chef de l’Etat a une portée générale, donc toutes les populations de toutes les régions, quelle que soit leur condition sociale, en bénéficieront.
Quelles solutions pour les fréquentes constructions sur le domaine public maritime, privant les populations l’accès à la mer. Avez-vous une stratégie d’amélioration du dispositif de gestion ?
Sur le domaine maritime auquel vous faites cas, notre administration n’assure pas la police de la construction. Notre rôle se limite juste à délivrer un titre, selon les procédures en vigueur, si toutes les conditions sont réunies et après avis conforme de tous les autres services concernés.
Cela ne veut pas dire que rien ne peut nous être reproché, en matière foncière ; ce n’est pas le sens de mon propos. Il est vrai que les méthodes de gestion du foncier sont jusque-là largement déterminées par un traitement manuel qui ne garantit pas la célérité et ne nous met à l’abri d’erreurs, parfois cause de conflits en matière foncière.
C’est pourquoi, nous avons travaillé depuis plusieurs années, sur une réponse structurelle, c’est-à-dire l’informatisation complète de la chaîne de traitement des dossiers fonciers (…) Tout cela nous permettra de raccourcir les délais de traitement, d’améliorer l’information foncière et d’éviter les contentieux.
De plus en plus, on vous prête, dans les médias, des velléités de descendre dans l’arène politique, notamment à la Médina, vous êtes d’avis ?
Je vais vous surprendre, le dilemme ne s’est jamais posé à mon niveau, pour deux raisons essentiellement. Me concernant, je n’ai jamais arrimé la conscience de ma responsabilité envers mes concitoyens de la Médina à mes positions professionnelles.
Ensuite, je comptabilise déjà près de deux décennies d’activités associatives totalement consacrées à l’appui des jeunes et à la formation à l’auto-emploi dans ma localité. Il est vrai que mes responsabilités actuelles semblent donner plus d’échos à cet engagement, qui traduit mon estime pour les Médinois qui me le rendent bien.
Comme par le passé, aucun sacrifice de ma part ne sera de trop pour la Médina et pour accompagner le Président Macky Sall dans ses politiques publiques visant un mieux-être pour les Sénégalais. Si faire de la politique est synonyme d’engagement au profit de sa communauté, j’y suis donc déjà depuis bien longtemps.
Mamadou SECK
Directeur général des Impôts et domaines, Cheikh Ahmet Tidiane Bâ a presque révolutionné le secteur, avec des résultats plus que favorables, d’année en année.
Contacté par L’Obs pour aborder avec lui les questions de l’heure, l’enfant de la Médina évoque, dans cette interview exclusive, les recettes fiscales de la Dgid, sa disponibilité à dialoguer avec les agents, les mesures prises par le chef de l’Etat pour mieux normer le foncier.
Cheikh, comme on l’appelle affectueusement, parle aussi de son ministre, Amadou Bâ, des constructions sur le domaine maritime et de son engagement politique au côté du chef de l’Etat.
Monsieur le Directeur général des Impôts et domaines, votre parole est rare. Pourquoi on ne vous entend pas, bien que votre nom est souvent évoqué dans la presse ?
Je suis d’avis qu’au regard de notre position stratégique et de la technicité de notre métier, nos prises de parole doivent être mesurées, justifiées et motivées par la seule volonté d’interagir avec nos usagers, pour leur apporter les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs devoirs citoyens.
Nos prises de parole doivent aussi être motivées par une volonté de rétablir la vérité, lorsque des faits, issus de personnes dont on ignore encore les motivations réelles, entachent l’image de la Dgid, celle de son personnel ou remettent en cause, sans raison, ses performances, fruit d’efforts collectifs.
Je rappelle également que nous sommes astreints à une obligation de réserve, eu égard à la sensibilité des domaines dans lesquels nous intervenons et à l’étendue des pouvoirs d’investigation conférés aux cadres des Impôts, des Domaines et Cadastre dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.
Un ensemble de facteurs qui font que, sauf nécessité, nous préférons orienter notre communication vers la sensibilisation de nos concitoyens au civisme fiscal qui doit être le ciment d’une citoyenneté agissante.
Mais parfois, le mutisme de vos services face à des questions très sensibles peut présager d’un aveu. Faisant référence aux déballages sur vos supposés résultats en baisse, quel est votre sentiment ?
La mobilisation de recettes fiscales et non fiscales au profit du Budget de l’Etat et des Collectivités locales, est l’une des premières missions de la Direction générale des Impôts et des Domaines.
En termes de ressources intérieures, la Dgid assure près de deux tiers des recettes. Les performances enregistrées en matière de recettes peuvent se mesurer par le niveau de progression des recouvrements d’une année à l’autre.
A titre d’exemple, en 2016, les recettes brutes recouvrées s’élevaient à plus de 1 230 milliards contre 1 032 en 2015 ; soit une progression de plus de 170 milliards en valeur absolue, et 17% en valeur relative.
Ce taux de progression prend un relief particulier, si on le compare à celui du Produit intérieur Brut (plus de 6,5% sur deux années successives) qui est une variable de référence pour la projection des recettes.
Par ailleurs, depuis 2014, fait qu’il convient de relever, nous parvenons à réaliser nos objectifs et même à les dépasser. Outre l’appui constant et décisif de notre tutelle, le ministre de l’Economie, des finances et du plan et le ministre délégué Chargé du Budget, je dois dire que ces bonnes performances sont le fruit de politiques et réformes dont certaines ont été engagées par mes prédécesseurs à qui, je rends un vibrant hommage, mais surtout, par l’engagement des agents de la Dgid.
Malgré tout ce dispositif, la presse continue à faire état d’une baisse des recettes de 25 milliards, au premier trimestre 2017 et qui se situerait maintenant à 38 milliards…
En vérité, il n’y a pas eu de baisse de recettes au terme du premier trimestre 2017. Je vous renvoie d’ailleurs, au point mensuel de la conjoncture (pour mars 2017) qui est publié par la Dgppe, lequel fait état plutôt d’une augmentation des recettes budgétaires.
Poursuivant dans l’analyse, le document ajoute que les recettes tirées du Fonds de soutien à l’importation des produits pétroliers ont connu un repli de près de 33 milliards, du fait de la décision de maintenir les prix des produits à la pompe, alors qu’au même moment, le cours du baril du pétrole s’apprécie.
Malgré les difficultés sur cette ligne Fsipp que nous pensons d’ailleurs pouvoir combler avant la fin de l’année, il est important de noter qu’à la fin du mois de mai 2017, nos recettes ont augmenté de près de 40 milliards par rapport à la même période de 2016.
Des politiques spécifiques d’accompagnement sont-elles mises en place pour favoriser ces résultats ?
Bien entendu, nous avons connu en 2012, une réforme fiscale certes, généreuse, avec une forte baisse de la fiscalité pour les salariés et pour toutes les personnes physiques en général, mais qui commence à porter ses fruits, grâce à des mesures de simplification et rationalisation de certains dispositifs fiscaux, l’amélioration des techniques de contrôle.
Dans le même temps, notre organisation a été réformée en 2014, avec une nouvelle segmentation de la population fiscale qui a permis de mieux sécuriser les recettes par des mesures de lutte contre la fraude et la défaillance fiscales.
Par ailleurs, nous pensons qu’il y a de plus en plus, une prise de conscience par les Sénégalais de leur devoir de s’acquitter de leurs contributions fiscales. Nous y travaillons encore avec différentes initiatives pour sensibiliser et informer nos concitoyens sur les obligations de déclarer leurs revenus.
Nous invitons du reste, la presse et tous les porteurs de voix à nous accompagner dans ce combat éminemment citoyen. De notre côté, nous avons lancé beaucoup d’outils et de plateformes pour améliorer l’information fournie à nos usagers.
Nous avons une plateforme web 2 sms à travers laquelle, nous envoyons gratuitement des informations à nos usagers telles que les rappels d’échéance. Tout récemment, nous avons mis en place un centre d’appels pour répondre à toutes les questions d’ordre fiscal, domanial ou cadastral.
Nous allons, dans les prochaines semaines, lancer une nouvelle version de notre plateforme de téléprocédures (télédéclaration et télépaiement) qui permet aux contribuables de s’acquitter de leurs différentes obligations fiscales en ligne.
Et pour être toujours plus proactifs, nous travaillons actuellement sur des projets innovants qui permettront à des usagers devant payer de petits montants ou situés dans des zones non couvertes par l’internet, de pouvoir payer par mobile ou par carte (Mtax).
Malgré ces efforts, nous sommes conscients qu’il reste beaucoup à faire notamment, en termes d’équité fiscale. Le constat est qu’aujourd’hui, nombreux sont les Sénégalais qui ne déclarent pas du tout leurs revenus ou qui ne le font pas correctement et, par ricochet, ne paient pas leur juste cotisation fiscale, de sorte que la charge fiscale pèse essentiellement sur les grandes entreprises et les salariés.
C’est pourquoi, en même temps que nous déployons des efforts importants pour informer et sensibiliser les populations sur leurs obligations fiscales, nous mettons en place des plateformes qui nous permettront de bien contrôler les activités et les flux et faciliter l’élargissement de l’assiette.
A titre d’exemple, je suis moi-même, Vice-président du groupe de pilotage du projet Beps (Base Erosion and profit Shifting) porté par l’Oce et qui lutte contre le challendage fiscal et les techniques agressives d’optimisation.
En plus, l’échange automatique de renseignements au niveau mondial permettra aussi d’appréhender les avoirs détenus à l’étranger (surtout immobiliers et bancaires) des contribuables sénégalais et d’assurer l’équité fiscale tant recherchée.
En interne, nous avons aujourd’hui un centre de traitement de données et une banque de données fiscales qui, à terme, permettront de croiser les données issues de différentes sources et ainsi d’identifier tous ceux qui ne déclarent pas leurs activités et revenus.
A cet effet, nous collaborons déjà avec plusieurs administrations sœurs, telles que la Douane, le Trésor, la Direction générale du Budget, les institutions sociales, les concessionnaires de services publics,…
Les exonérations fiscales dont bénéficient certaines personnes ou entreprises, ne constituent-elles pas une entrave à la bonne santé des recettes ?
Dans un sens assez simple, à la limite même simpliste, les exonérations entraînent une absence de recettes. Ce qui, à première vue, peut paraître dommageable à la mobilisation des ressources pour financer les politiques publiques.
Cependant, il ne faut perdre de vue que la fiscalité à deux fonctions : une fonction budgétaire (collecte de recettes) et une fonction de politique économique. C’est dire que les motivations et mécanismes des exonérations, quels que soient les secteurs d’ailleurs, obéissent à des logiques de gouvernance plus englobante qu’il n’y paraît.
Juste pour exemple, prenons les exonérations pour motif économique que semble suggérer votre interpellation. Sans entrer dans les dispositifs techniques, ce qu’il faut en comprendre et retenir, c’est la finalité recherchée.
Si des secteurs d’activité doivent être accompagnés pour favoriser leur croissance, je pense notamment, à l’agrobusiness et au secteur extractif, entre autres, l’Etat, en raison de la forte demande d’investissement en capitaux, peut renoncer temporairement à des droits dans un équilibre qui ne frustre pas les règles de concurrence.
Je peux citer une autre décision forte du président de la République d’accompagner la relance du tourisme en Casamance, par d’importantes mesures d’incitation en faveur des opérateurs qui décident de s’y installer.
Le ministre de l’Economie, des finances et du plan, Amadou Bâ, a été désigné comme meilleur ministre d’Afrique, comment analysez-vous cette distinction ?
Nous félicitons vivement le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, M. Amadou Bâ, qui a été désigné meilleur ministre des Finances d’Afrique. Cette distinction parmi ses pairs de toute l’Afrique, est le signe que notre pays bénéficie d’une grande crédibilité sur la scène économique et financière internationale.
Et le ministre l’a suffisamment expliqué, en attribuant ce grand succès au président de la République qui définit la politique économique du Sénégal. Pour ma part, la reconnaissance de la grande expertise du Mefp ne me surprend guère, pour avoir été son collaborateur à différentes stations, pendant plusieurs années.
Enfin, j’exprime toute la fierté de l’Administration fiscale de voir les qualités d’un de ses membres éminents, magnifiées et reconnues à travers l’Afrique.
Des remous sont dernièrement notés dans votre administration. Pouvez-vous édifier l’opinion sur les causes des fréquentes sorties du secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l’Administration fiscale ?
J’aborderai ce point en précisant deux choses : d’une part, ce n’est point faute d’éléments de réponse que la Direction générale ne s’est pas prononcée à la suite de sorties médiatiques de responsables syndicaux, d’autre part, il faut préciser qu’en raison de sa position de premier interlocuteur des partenaires sociaux, la Direction générale ne peut entretenir une polémique quelconque, par voie de presse, sur des points tranchés ou en examen interne.
Cela dit, si vous faites allusion au problème soulevé par le responsable du Syndicat des agents de l’Administration fiscale (ndlr : à distinguer du syndicat qui regroupe les inspecteurs des Impôts et Domaines et dirigé par Elimane Pouye) et qui est relatif à la répartition du fonds d’intéressement, il y a lieu de faire quelques précisions.
Je rappelle que ce système n’a été ni imposé par la Direction générale, encore moins par le ministre des Finances ou le ministre du Budget, souvent accusés à tort. Ce système a été adopté suite à des concertations avec le personnel.
Par la suite, certains agents ont créé un syndicat et attaqué l’instruction qui organise le système de répartition. La Cour suprême a rendu un arrêt qui a validé le caractère légal de l’acte. Les décisions de justice s’appliquant à tous les sujets de droit dont l’administration elle-même, il faudrait bien comprendre cela et être conséquent.
Des solutions de sortie de crise ?
A proprement parler, le terme crise me paraît inapproprié, car jusque-là, aucun dysfonctionnement des services n’est noté, du fait de comportement individuel ou concerté d’agents.
Je rappelle souvent à ceux qui me posent la question que depuis 2014, il n’y a pas eu un seul mouvement de grève à la Dgid. C’est ça, le fait. Maintenant, qu’il y ait des désaccords entre un syndicat et la Direction générale, c’est aussi une réalité.
Cela dit, une administration comme la nôtre ne peut céder à aucune forme de pression ou de menace. J’appelle les uns et les autres à faire preuve de responsabilité et adopter une posture digne de l’administration et de nos usagers que nous devons servir.
Les décisions de justice s’imposent à tous. Néanmoins, les avis et observations portés à mon niveau sont versés au débat interne, seule alternative fondatrice de consensus solides et bénéfiques.
Je n’ai jamais fermé les portes d’un dialogue, mais d’un dialogue franc, sans aucune forme de chantage et basé sur la vérité. Pour ce qui est du préavis de grève auquel vous faites allusion, je tiens à affirmer que, quelle que soit la situation, nous assurerons un fonctionnement normal des services.
Le président de la République a récemment instruit vos services de diligenter la transformation des titres précaires et des baux en titres fonciers. Que pensez-vous de cette mesure et quelles stratégies seront déroulées pour atteindre les objectifs assignés ?
L’accès à la pleine propriété, c’est-à-dire, en termes plus simples, disposer d’un titre foncier, a été jusque-là, comme un privilège réservé à certaines catégories de personnes.
C’est en cela que la mesure annoncée par le président de la République en février dernier, est à la fois, salutaire et symbolique. C’est aussi un signal fort lancé en direction d’une équité dans la prise en charge des préoccupations des populations. Il est vrai que plusieurs tentatives ont existé dans le passé.
La décision hautement salutaire du président de la République se singularise par sa volonté d’aller beaucoup plus loin et de rendre effectif le souhait longtemps exprimé des populations de disposer rapidement de titres fonciers.
Lors d’une réunion d’explication et de partage de cette mesure organisée il y a quelques mois, Me Doudou Ndoye qui connaît bien l’évolution du droit foncier au Sénégal, a qualifié cette décision d’historique, qui fera donc entrer son auteur, le chef de l’Etat, dans l’histoire.
Nous avons reçu des instructions de notre hiérarchie d’allier célérité et efficacité dans la mise en œuvre. C’est pourquoi, le ministère a proposé de remplacer les dispositifs épars et parfois complexes qui permettaient l’obtention d’un titre foncier, par une loi unique.
Le projet de loi préparé par nos services a d’ailleurs été adopté lors du Conseil des ministres du 03 mai dernier.
D’un autre côté, nous travaillons sur les aspects opérationnels, car nous voulons déplacer nos services dans les communes et quartiers, expliquer aux populations la procédure, les accompagner dans la constitution de leurs dossiers. Nous avons déjà bénéficié du soutien de l’Union européenne, à travers le Projet d’appui à la modernisation de la gestion du foncier urbain (Pagef) et nous souhaitons que cette collaboration se renforce.
Justement, quels sont les bénéficiaires et quand tout cela démarrera-t-il ?
Ce travail débutera dès que le projet de loi sera voté. Je peux même ajouter que selon nos projections, les premiers titres pourraient intervenir un ou deux mois après le vote de la loi.
En termes de bénéficiaires, la décision du chef de l’Etat a une portée générale, donc toutes les populations de toutes les régions, quelle que soit leur condition sociale, en bénéficieront.
Quelles solutions pour les fréquentes constructions sur le domaine public maritime, privant les populations l’accès à la mer. Avez-vous une stratégie d’amélioration du dispositif de gestion ?
Sur le domaine maritime auquel vous faites cas, notre administration n’assure pas la police de la construction. Notre rôle se limite juste à délivrer un titre, selon les procédures en vigueur, si toutes les conditions sont réunies et après avis conforme de tous les autres services concernés.
Cela ne veut pas dire que rien ne peut nous être reproché, en matière foncière ; ce n’est pas le sens de mon propos. Il est vrai que les méthodes de gestion du foncier sont jusque-là largement déterminées par un traitement manuel qui ne garantit pas la célérité et ne nous met à l’abri d’erreurs, parfois cause de conflits en matière foncière.
C’est pourquoi, nous avons travaillé depuis plusieurs années, sur une réponse structurelle, c’est-à-dire l’informatisation complète de la chaîne de traitement des dossiers fonciers (…) Tout cela nous permettra de raccourcir les délais de traitement, d’améliorer l’information foncière et d’éviter les contentieux.
De plus en plus, on vous prête, dans les médias, des velléités de descendre dans l’arène politique, notamment à la Médina, vous êtes d’avis ?
Je vais vous surprendre, le dilemme ne s’est jamais posé à mon niveau, pour deux raisons essentiellement. Me concernant, je n’ai jamais arrimé la conscience de ma responsabilité envers mes concitoyens de la Médina à mes positions professionnelles.
Ensuite, je comptabilise déjà près de deux décennies d’activités associatives totalement consacrées à l’appui des jeunes et à la formation à l’auto-emploi dans ma localité. Il est vrai que mes responsabilités actuelles semblent donner plus d’échos à cet engagement, qui traduit mon estime pour les Médinois qui me le rendent bien.
Comme par le passé, aucun sacrifice de ma part ne sera de trop pour la Médina et pour accompagner le Président Macky Sall dans ses politiques publiques visant un mieux-être pour les Sénégalais. Si faire de la politique est synonyme d’engagement au profit de sa communauté, j’y suis donc déjà depuis bien longtemps.
Mamadou SECK