Des soldats lors des funérailles, le 31 août 2018 à Ouagadougou, des sept militaires tués lors de l'explosion d'une mine dans l'est du Burkina Faso.
C’est la confusion au Burkina Faso après une attaque à l’engin explosif dans l’est du pays. "Un cargo militaire de démineurs en partance pour Pama (à 326 km à l'est de Ouagadougou) a sauté sur une mine artisanale dans la localité de Kabonga", a indiqué, mercredi 5 septembre, une source sécuritaire sous le couvert de l'anonymat. Bilan : deux militaires ont été tués et six blessés. Le groupe responsable de l'attaque contre une équipe de démineurs de l’armée burkinabè n'a pas encore été identifié.
L’équipe de démineurs avait été déployée dans la zone pour "rechercher et neutraliser" les engins explosifs utilisés dans la région par des présumés terroristes.
C’est la troisième fois en un mois que des personnes décèdent à la suite d’explosion d’engins artisanaux dans l’est du pays. Il y a juste une semaine, sept soldats burkinabè ont trouvé la mort après que leur véhicule a sauté sur une mine à une trentaine de kilomètres de Fada N'Gourma.
Des attaques non revendiquées
"Ce n'est pas un phénomène nouveau. Tous les mois, il y a des attaques un peu partout au Burkina Faso. Elles sont devenues quotidiennes. Elles se sont intensifiées dans la région de l'Est depuis le mois de février", explique Sidi Kounté, sociologue spécialiste du jihadisme dans le Sahel. Au point où l’inquiétude a commencé à gagner les populations. "On se pose beaucoup de questions. Est-ce que ce sont des terroristes ou des rebelles ?", s’interroge Rodrigue Tagnan, un journaliste de la presse locale.
Des questions légitimes, d’autant plus que les attaques n'ont jamais été revendiquées. "Mais le recours à des engins explosifs improvisés, les attaques des forces de sécurité, des brigades de gendarmerie ou de commissariats sont autant d'éléments qui font penser à une menace de nature jihadiste. Mais il faut rester prudent", pense William Assanvo, chercheur spécialiste en sécurité et défense de l'institut spécialisé sur la sécurité ISS Africa. Pour Sidi Kounté, "les attaques terroristes peuvent ne pas être revendiquées. Cela peut être stratégique pour un nouveau groupe qui s’installe et n’a pas encore une base solide. Mais nul doute que dans l'est du pays, il y a un groupe actif".
Depuis la chute du régime de Blaise Compaoré en octobre 2014, le Burkina Faso, jadis ilôt de tranquilité, est devenu une cible privilégiée des mouvements jihadistes. Mais les attaques ont souvent été circonscrites dans le nord du pays, où elles étaient souvent perpétrées par des individus venus du Mali. Jusqu'à l'attentat terroriste du Cappucino, un café très fréquenté par des expatriés, en janvier 2016 en plein centre de Ouagadougou, qui a fait 30 morts. L’attaque terroriste avait été revendiquée par l’organsation terroriste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
En mars 2018, une double-attaque terroriste a aussi été perpétrée contre l’ambassade de France à Ouagadougou et l’État-major des armées, faisant huit morts parmi les militaires et une soixantaine de blessés. Assez suffisant pour montrer la vulnérabilité d’un pays en transition démocratique sortant de 27 ans de dictature. L’attaque a été revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim). Mené par Iyad Ag Ghaly, l’homme le plus recherché du Sahel, le mouvement terroriste, qui vient d’être mis sur la liste noire américaine des organisations terroristes, est né en mars 2017 de la fusion entre Ansar Dine, des forces d’Al-Qaïda au Sahel et de quelques autres groupes qui sévissent dans le nord du Mali et du Burkina Faso.
Mais pressées par des milices antiterroristes et par les forces françaises, burkinabè et maliennes, "ils se sont repliés à d’autres endroits et probablement dans l'est du Burkina Faso", pense Sidi Kounté.
Zone délaissée par l'État central
Zone frontalière avec le Ghana, le Togo, le Bénin et le Niger, l'est du Burkina-Faso, une région forestière, était connu pour être un bastion du grand banditisme. Son abandon par l'État central a permis à des milices d'autodéfense, les "koglweogo", de devenir les principaux agents de la sécurité des populations. Pour les jihadistes donc, la région est propice. Elle présente l’avantage aussi de n’avoir pas bénéficié d’un réseau routier adéquat et d’avoir des forêts denses, pratiquement inacessibles pour les forces de sécurité. "Tous les groupes jihadistes qui ont pu s’installer dans un endroit précis, c’est parce qu’il y a eu un abandon de cet endroit par les autorités", explique Sidi Kounté. "C'est une région où il y a beaucoup de forêts qui offrent à ses élements-là un refuge à partir duquel il peuvent s’installer, s’organiser et mettre en place une logistique", renchérit William Assanvo.
Mais face à ce qui ressemble à un nouveau foyer terroriste, la réponse des autorités se fait attendre. Dans une note sur la situation sécuritaire dans la région de l'Est, relayée par les médias locaux, le responsable régional de la police, le commissaire Karim Drabo, a alerté sur des "présences répétées d'hommes armés dans les zones de Kabonga, Kompienbiga, Tuiré, Nassougou, Natiaboani et la colline de Nadiagou, se prolongeant jusqu'à Kompienga".
"Il est à craindre que si des actions de riposte vigoureuse ne sont pas mises en œuvre diligemment, les assaillants auront le temps de s'installer et de parsemer des engins explosifs autour de sites qu'ils auront occupés", prévient-il, précisant que ces "individus armés qui tentent d'implanter des bases aux fins d'attaques terroristes dans la zone et ses environnants, gagnent du terrain".
Dans la note, il préconise aussi une intervention aérienne "pour déloger ses assaillants qui se trouveraient toujours tapis dans ses zones". Mais pour Sidi Kounté, "l'armée burkinabè est dépassée par la mutliplication des fronts". Et elle manque surtout de moyens matériels et d'effectifs. Quant à se tourner vers le G5 Sahel, la force antiterroriste africaine installée en 2014 qui regroupe la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Mais elle aussi peine à trouver ses marques, faute de financement.
L’équipe de démineurs avait été déployée dans la zone pour "rechercher et neutraliser" les engins explosifs utilisés dans la région par des présumés terroristes.
C’est la troisième fois en un mois que des personnes décèdent à la suite d’explosion d’engins artisanaux dans l’est du pays. Il y a juste une semaine, sept soldats burkinabè ont trouvé la mort après que leur véhicule a sauté sur une mine à une trentaine de kilomètres de Fada N'Gourma.
Des attaques non revendiquées
"Ce n'est pas un phénomène nouveau. Tous les mois, il y a des attaques un peu partout au Burkina Faso. Elles sont devenues quotidiennes. Elles se sont intensifiées dans la région de l'Est depuis le mois de février", explique Sidi Kounté, sociologue spécialiste du jihadisme dans le Sahel. Au point où l’inquiétude a commencé à gagner les populations. "On se pose beaucoup de questions. Est-ce que ce sont des terroristes ou des rebelles ?", s’interroge Rodrigue Tagnan, un journaliste de la presse locale.
Des questions légitimes, d’autant plus que les attaques n'ont jamais été revendiquées. "Mais le recours à des engins explosifs improvisés, les attaques des forces de sécurité, des brigades de gendarmerie ou de commissariats sont autant d'éléments qui font penser à une menace de nature jihadiste. Mais il faut rester prudent", pense William Assanvo, chercheur spécialiste en sécurité et défense de l'institut spécialisé sur la sécurité ISS Africa. Pour Sidi Kounté, "les attaques terroristes peuvent ne pas être revendiquées. Cela peut être stratégique pour un nouveau groupe qui s’installe et n’a pas encore une base solide. Mais nul doute que dans l'est du pays, il y a un groupe actif".
Depuis la chute du régime de Blaise Compaoré en octobre 2014, le Burkina Faso, jadis ilôt de tranquilité, est devenu une cible privilégiée des mouvements jihadistes. Mais les attaques ont souvent été circonscrites dans le nord du pays, où elles étaient souvent perpétrées par des individus venus du Mali. Jusqu'à l'attentat terroriste du Cappucino, un café très fréquenté par des expatriés, en janvier 2016 en plein centre de Ouagadougou, qui a fait 30 morts. L’attaque terroriste avait été revendiquée par l’organsation terroriste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
En mars 2018, une double-attaque terroriste a aussi été perpétrée contre l’ambassade de France à Ouagadougou et l’État-major des armées, faisant huit morts parmi les militaires et une soixantaine de blessés. Assez suffisant pour montrer la vulnérabilité d’un pays en transition démocratique sortant de 27 ans de dictature. L’attaque a été revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim). Mené par Iyad Ag Ghaly, l’homme le plus recherché du Sahel, le mouvement terroriste, qui vient d’être mis sur la liste noire américaine des organisations terroristes, est né en mars 2017 de la fusion entre Ansar Dine, des forces d’Al-Qaïda au Sahel et de quelques autres groupes qui sévissent dans le nord du Mali et du Burkina Faso.
Mais pressées par des milices antiterroristes et par les forces françaises, burkinabè et maliennes, "ils se sont repliés à d’autres endroits et probablement dans l'est du Burkina Faso", pense Sidi Kounté.
Zone délaissée par l'État central
Zone frontalière avec le Ghana, le Togo, le Bénin et le Niger, l'est du Burkina-Faso, une région forestière, était connu pour être un bastion du grand banditisme. Son abandon par l'État central a permis à des milices d'autodéfense, les "koglweogo", de devenir les principaux agents de la sécurité des populations. Pour les jihadistes donc, la région est propice. Elle présente l’avantage aussi de n’avoir pas bénéficié d’un réseau routier adéquat et d’avoir des forêts denses, pratiquement inacessibles pour les forces de sécurité. "Tous les groupes jihadistes qui ont pu s’installer dans un endroit précis, c’est parce qu’il y a eu un abandon de cet endroit par les autorités", explique Sidi Kounté. "C'est une région où il y a beaucoup de forêts qui offrent à ses élements-là un refuge à partir duquel il peuvent s’installer, s’organiser et mettre en place une logistique", renchérit William Assanvo.
Mais face à ce qui ressemble à un nouveau foyer terroriste, la réponse des autorités se fait attendre. Dans une note sur la situation sécuritaire dans la région de l'Est, relayée par les médias locaux, le responsable régional de la police, le commissaire Karim Drabo, a alerté sur des "présences répétées d'hommes armés dans les zones de Kabonga, Kompienbiga, Tuiré, Nassougou, Natiaboani et la colline de Nadiagou, se prolongeant jusqu'à Kompienga".
"Il est à craindre que si des actions de riposte vigoureuse ne sont pas mises en œuvre diligemment, les assaillants auront le temps de s'installer et de parsemer des engins explosifs autour de sites qu'ils auront occupés", prévient-il, précisant que ces "individus armés qui tentent d'implanter des bases aux fins d'attaques terroristes dans la zone et ses environnants, gagnent du terrain".
Dans la note, il préconise aussi une intervention aérienne "pour déloger ses assaillants qui se trouveraient toujours tapis dans ses zones". Mais pour Sidi Kounté, "l'armée burkinabè est dépassée par la mutliplication des fronts". Et elle manque surtout de moyens matériels et d'effectifs. Quant à se tourner vers le G5 Sahel, la force antiterroriste africaine installée en 2014 qui regroupe la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Mais elle aussi peine à trouver ses marques, faute de financement.