L’affaire présentée par la presse comme «un scandale de trafic d’ordres de mise en liberté» est beaucoup plus vaste. Contrairement à la légende médiatique, c’est la Section de Recherches de Dakar, sous la supervision du Procureur, qui a mis la main sur cette mafia après avoir travaillé sur une information reçue de son réseau.
Libération est en mesure de révéler que l’affaire dite de trafic d’ordres de mise en liberté est beaucoup plus vaste que ce que la presse a écrit et décrit. Dans ce dossier, il ne s’agit pas que d’ordres de mise en liberté falsifiés, et tout l’honneur revient aux enquêteurs de la Section de Recherches et au Procureur de la République. Car contrairement à la légende médiatique, l’affaire n’a pas éclaté suite à des «vérifications» au niveau de la Cour d’appel. Ce sont les gendarmes qui ont reçu l’information grâce à une source avant de mettre en place un dispositif de recherches qui sera payant.
En effet, après plusieurs jours de filatures, recoupements, infiltration..., les hommes du commandant Diack ont exécuté une opération coordonnée le 6 septembre à 6 heures du matin après avoir «verrouillé» tous les «objectifs» et obtenu le feu vert du procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye.
De quoi s’agit-il ? En réalité, il s’agit d’un système de corruption qui a permis de «relaxer» des détenus à travers des audiences... fictives ou de réduire des peines ! Ainsi, de nombreux détenus ont été libérés des Maisons d’arrêt et de correction du Sénégal grâce aux agissements de cette bande conduite par Amadou Lamine Diagne, ex agent de l’administration pénitentiaire à la retraite, maintenu en fonction à la Cour d’appel de Dakar. Suivant les dossiers, ce dernier empochait entre 100 et 500.000 F Cfa pour «intervenir».
Selon nos informations, les gendarmes ont pu établir par exemple qu’un trafiquant de cocaïne du nom de C.C. Anene est sorti de prison après six... mois de détention. Ce, parce que son épouse Jacinta Anene- interceptée par les enquêteurs- avait remis 200.000 F Cfa à Amadou Lamine Diagne qui agissait en complicité avec ses deux intermédiaires, en l’occurrence Issa Lakhounne et Moussa Khaira Ndiaye approché pour faire libérer un prévenu détenu à Tivaouane pour viol sur mineure.
M. Diagne aurait encore fait des dégâts n’eut été le travail remarquable des enquêteurs de la SR mais aussi la ténacité du procureur de la République puisque ce dossier dépasse de très loin ce qui a été écrit jusque-là. À preuve, selon un décompte provisoire des enquêteurs, la mafia a réussi à faire libérer, réduire les peines ou à faire transférer plus de 60 détenus rien qu’en 2017.
Au total, six parentes de détenus ayant requis les services du groupe ont été écrouées et la plupart ont fait des aveux renversants. Tout comme Amadou Lamine Diagne qui, se sachant cerner par les preuves et témoignages, a fait une sacrée confession aux gendarmes.
Auteur: Cheikh Mbacké Guissé (Libération) - Seneweb.com