L’opération de communication de l’état-major de l’armée burkinabè n’a pas fait illusion bien longtemps. Samedi 26 septembre, alors que la capitale bruissait de rumeurs alarmistes sur d’éventuels mouvements de troupes, l’armée invitait dans la soirée les journalistes à constater que le désarmement du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), dissous la veille par le gouvernement de transition, avait bien débuté. Les caméras avaient filmé quelques caisses d’armes censées provenir du camp Naba Koom, où sont cantonnés les éléments du RSP.
Il s’agissait en fait d’une infime part des armes et munitions dont disposent les ex-putschistes et, tout compte fait, d’images en trompe l’œil : ce lundi 28 septembre au matin, l’état-major a annoncé dans un communiqué que le désarmement était dans l’impasse depuis la veille. En cause, selon ce communiqué : « le refus des militaires de l’ex-RSP de poursuivre le désarmement en créant des incidents et en agressant le personnel chargé de cette mission », ainsi que « le comportement ambigu du général Diendéré Gilbert ».
Le RSP n’aurait jamais accepté d’être désarmé dans ces conditions
L’état-major appelle « les vaillantes populations du Burkina et particulièrement celles de la ville de Ouagadougou » à « rester vigilantes » et à « se tenir prêtes à appliquer les mesures de sécurité qui pourraient être données incessamment ». Un appel à manifester sur la place de la Révolution (bouclée par l’armée depuis plusieurs jours) a été lancé dans la foulée. Puis les communiqués accusant le camp adverse de vouloir faire dérailler le processus se sont succédé dans la journée. Le gouvernement de transition a notamment accusé Diendéré et « une poignée d’irréductibles » d’avoir « pris en otage » les hommes chargés de les désarmer, et même d’être en lien avec « des forces étrangères » et « des groupes jihadistes »…
En fait, il semble que les éléments du RSP n’aient jamais accepté d’être désarmés. « Pas dans ces conditions », explique un commandant du régiment. S’ils ont « libéré » quelques armes et munitions le 26 septembre, « c’était pour donner un gage de bonne volonté », poursuit cette même source.
Les éléments du RSP « se sentent trahis »
Selon cet officier, « les hommes [du RSP] demandent des garanties pour leur sécurité ». Pour eux, mais aussi pour leurs familles qui vivent dans d’autres camps que le leur, ou en ville. « Certains ont été arrêtés alors qu’ils rendaient visite à leur femme et leurs enfants. D’autres sont obligés de déménager à cause des menaces du voisinage », indique notre source.
Mais le mal est plus profond. Les éléments du RSP « se sentent trahis », explique une autre source militaire issue des rangs loyalistes. « Nous avons donné des gages depuis plusieurs jours, dit un sous-officier du RSP. Nous avons libéré le président et le Premier ministre. Nous avons accepté le cantonnement. Nous avons commencé à désarmer. Qu’avons-nous eu en retour ? La dissolution du régiment, nos mutations, des arrestations de certains d’entre nous, les menaces… On a tout donné, on n’a rien reçu. Les hommes sont en colère. Ce n’est pas ce qui avait été prévu dans le document initial ».
Les hommes du RSP se réfèrent au projet d’accord de sortie de crise présenté par le président sénégalais Macky Sall au nom de la Cedeao – projet rejeté par une grande partie des forces vives du pays -, ainsi qu’au texte signé par les putschistes et les loyalistes en présence du Mogho Nabaa, le 22 septembre. Pour eux, l’avenir de leur régiment aurait dû être tranché par le futur gouvernement issu des urnes, et non par les autorités de transition.
Nouvelle venue d’une mission de le Cedeao ?
En dépit du fossé qui existe entre le RSP d’un côté, et l’état-major de l’autre, et de la colère qui gronde dans les rues de Ouagadougou, où l’on ne comprend pas pourquoi les chefs des putschistes n’ont toujours pas été arrêtés, le dialogue ne semble pas rompu. « Le problème va se régler », disait en fin de matinée un membre de l’état-major. « On ne veut pas d’un affrontement », assurait quelques minutes plus tard un sous-officier du RSP.
Pour « instaurer un vrai dialogue et rétablir la confiance », les ex-putschistes exigent la venue au plus vite d’une mission de la Cedeao. Plusieurs chefs d’Etat de la sous-région, qui se trouvent pour la plupart à New York pour l’assemblée générale de l’ONU, en ont été informés.