Bocar Sy, DG Bhs : « 2 329 logements financés par la Bhs à Diamniadio seront livrés en décembre 2017 »

Rédigé par Dakarposte le Lundi 28 Aout 2017 à 22:38 modifié le Lundi 28 Aout 2017 22:39

La Banque de l’habitat du Sénégal (Bhs) a organisé, récemment, la première édition de ses Rencontres professionnelles, un rendez-vous qui se veut annuel avec les acteurs du secteur. Cette édition a été l’occasion de faire un bilan d’étape du Pôle urbain de Diamniadio, projet phare du Pse. Nous revenons sur le sujet pour aller plus loin avec M. Bocar Sy, directeur général de la Bhs et surtout nouveau président de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Sénégal (Apbef).

Monsieur le directeur général, pouvez-vous revenir sur le concept des « Rencontres professionnelles » organisé par la banque, il y a deux mois, et sur le thème de cette année, le bilan d’étape de Diamniadio, qui s’est invité, en passant, dans la campagne des législatives ?

Nous avions, en 2015, lors d’un symposium sur les Pôles urbains organisé à l’occasion des 35 ans de la banque, parlé des enjeux et perspectives. Il s’agissait, à travers un dialogue avec les acteurs, de nous approprier les enjeux et de relever les défis. Monsieur le président de la République avait, rappelons-le, présidé l’ouverture des travaux. L’engagement avait été pris par la Bhs d’institutionnaliser ce type de rencontres baptisées « Rencontres professionnelles de la Bhs ». Il était donc important que l’édition 2017 porte sur le Bilan desdits pôles. Sur le concept des Journées professionnelles, il s’agit d’un cadre de réflexion des acteurs d’un secteur, celui de l’immobilier. Sur le thème, il fallait évaluer un projet majeur, une ambition du président Macky Sall et qui, aujourd’hui, est devenue une réalité concrète.

Nous ne sommes plus dans un projet, mais dans une réalité concrète, cohérente, planifiée et organisée autour d’activités, de services et d’habitations. C’est le lieu de vous féliciter pour la qualité de votre dossier sur Diamniadio, le renouveau industriel, paru dans le Soleil Business du 14 août dernier. Comme indiqué, les réalisations du Pôle de Diamniadio sont devenues une réalité : les premiers logements sont disponibles, le parc industriel est opérationnel et les sphères ministérielles sont lancées, etc.

Quel est le dispositif mis en place pour accompagner les projets du Pôle, compte tenu de son importance et des attentes ?

Afin d’accélérer la prise en charge des projets de Diamniadio, nous avons mis en place un dispositif dédié aux promoteurs qui ont désormais un interlocuteur unique. Ce dispositif est complété par une plateforme spécialisée pour le traitement des dossiers acquéreurs sur les programmes financés par la Bhs. Ladite plateforme sera ventilée sur différents espaces, modulés en fonction des contraintes de nos clients et prospects. Les premiers espaces de cette plateforme sont logés à l’agence Léopold Sédar Senghor et sur la Vdn, en attendant celui de Diamniadio très prochainement. Notre leitmotiv est d’être au service de nos compatriotes, où qu’ils se trouvent, au Sénégal comme à l’extérieur.

La Bhs est la banque leader dans le financement du Pôle urbain de Diamniadio. Quelle est la nature de votre implication dans ce projet et les montants que vous prévoyez d’y investir ?

Nous avons accompagné, à ce jour, quatre projets promoteurs pour 2.329 logements, avec un volume de crédit de 20 milliards de FCfa. Nous avons, en premier temps, dans le pipeline, un portefeuille de projets à l’étude pour un volume de crédits de 26 milliards de FCfa. Dans un deuxième temps, nous allons financer les particuliers désireux d’acquérir les logements construits par les promoteurs. Les besoins sont ici estimés à 74 milliards de FCfa. Les besoins sont là, il faut les anticiper et s’organiser en conséquence. Nous avons une longueur d’avance, car c’est notre métier. Nous sommes heureux d’y avoir cru dès le départ, quand il n’y avait rien. Aujourd’hui, Diamniadio est facile à vendre aux bailleurs de fonds, car les immeubles sont visibles, les routes faites, les premiers services sont réceptionnés, etc.

Nous y sommes et nous y resterons, car il est prévu, à Diamniadio et sur les autres Pôles, d’ici les cinq années à venir, plus de 50.000 logements, soit une moyenne de 10.000 par an. Nous y sommes leaders et nous le resterons dans la partie logements, car c’est la mission à nous assignée par les autorités. Et dans ce défi, nos atouts sont notre expérience et notre expertise, aujourd’hui exportées.

Comment appréhendez-vous la nature du « risque » lié au financement de l’immobilier dans la mesure où certains projets peuvent rester longtemps sans trouver acquéreur ?

Nous évoluons principalement dans le financement des primo-accédant, mais pas dans le spéculatif. En termes plus simples, nous accompagnons plutôt les Sénégalais qui cherchent un logement au titre de leur résidence principale que ceux qui veulent investir. Le risque de crédit, dans ce dernier cas, est lié au marché de l’immobilier, moins maîtrisé, alors pour le premier type de clients, le risque de crédit repose essentiellement sur sa solvabilité financière (revenus réguliers). L’accompagnement bancaire se fait sur une évaluation des revenus personnels. Il n’y a donc pas de risque direct si les choses sont bien cernées et le logement ciblé compatible avec les revenus. Et c’est l’effort que doivent faire les promoteurs pour réaliser des logements compatibles avec les revenus de nos compatriotes et non en fonction des marges ciblées. Maintenant, le risque est inhérent à l’activité de crédit, il n’est jamais absent à 100 %. Dans l’immobilier, il est plus présent dans les investissements immobiliers, basés sur le marché locatif qui, comme tout marché, peut être volatile, par moment. Pour ce qui est de la frange sociale de la promotion immobilière, il est vrai que les expériences malheureuses sont plus rares. Les cas vécus jusque-là sont plus imputables à des retards dans la satisfaction des conditions d’habitabilité des logements, qui ne dépendent pas que des promoteurs, mais qui impliquent aussi les sociétés concessionnaires.

Bon nombre de Sénégalais jugent « élevés » les prix proposés par les promoteurs dans la plupart des projets immobiliers, ainsi que les taux pratiqués par les banques. A votre avis, sur quels leviers l’Etat doit-il agir pour rendre « accessible » le logement à la plupart des Sénégalais ? Et quelle peut être la contribution du secteur bancaire ?

Il faut noter, pour le saluer, que certains de nos promoteurs se professionnalisent de plus en plus et que le dispositif fiscal et administratif d’accompagnement de l’Etat s’est amélioré. L’implication de l’Etat s’est accélérée depuis 2012 par l’aménagement des Pôles urbains, la disponibilité des assiettes foncières induites et les incitations fiscales pour les logements sociaux. Les prix des logements devraient baisser si les acteurs jouent le jeu. Sur les taux, c’est un mauvais procès fait aux banques, car nous ne gérons que le loyer de l’argent et n’avons aucune prise sur le coût des autres composantes de l’investissement immobilier. Il convient de ne pas perdre de vue la dimension temporelle dudit loyer, car il s’agit de crédits acquéreurs à long terme. Ce qui peut entretenir la fausse impression de cherté du crédit.

Pour le cas de la Bhs, en 25 ans, nos taux ont été divisés par plus de 2 et nos durées de crédit sont passées de 10 à 25 ans. L’allègement des conditions de financement a concerné également le niveau d’implication financière du demandeur de crédit sous la forme d’un apport personnel. Aujourd’hui, certains crédits acquéreurs sont accordés sans apport. Pour vous dire que la charge mensuelle de remboursement doit baisser si les prix des logements sont raisonnables. Or, le prix d’un logement de standing sur 220 m² d’il y a 25 ans, ne permet même plus d’acheter un terrain de 150 m² à Keur Massar.

On vous reproche de ne financer que les travailleurs du secteur formel, alors que l’informel représente 90 % de nos activités. Comment comptez-vous être la Banque de l’habitat de tous les Sénégalais ?

Je pense qu’il y a un problème de définition, il faut plutôt faire le distinguo entre le salarié et l’auto-entrepreneur. Car certains tailleurs et bijoutiers sont plus prospères que des médecins privés et avocats qui démarrent. Alors qu’ils ont un point commun, ils sont leur propre employeur. Nous finançons cette catégorie avec des instruments d’évaluation des revenus et des garanties de remboursement spécifiques, car le remboursement de leur engagement dépend souvent de leur bon vouloir. Là également, les choses devraient évoluer positivement avec des instruments mis en place par le Fongip, avec notre implication, pour financer l’accès au logement des populations à revenus faibles et/ou irréguliers. Nous y reviendrons très prochainement.

Vous venez d’être élu à la tête de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Sénégal (Apbef). Que signifie, pour vous, cette élection dans un paysage bancaire dominé par des groupes étrangers et quelles sont vos ambitions pour l’Apbef ?
C’est toujours un honneur d’être choisi par ses pairs pour servir la profession. Je dois d’abord rendre hommage au président Camara pour le travail accompli et rappeler aussi que j’étais le premier vice-président du bureau sortant. Ensuite, à l’Apbef, ce que vous appelez groupes bancaires étrangers sont des banques sénégalaises avec des actionnaires étrangers majoritaires. Elles travaillent avec les clients sénégalais (personnes physiques et morales) et ont également une présence historique, d’avant notre indépendance pour certains. Certaines sont même actionnaires des banques perçues comme locales.

Je ne suis pas en train de dire qu’elles n’ont pas d’avantages comparatifs liés à leur appartenance à un groupe. Cela a aussi des inconvénients. A l’Apbef, toutes les banques sont d’égale importance et sont confrontées aux mêmes difficultés, contraintes et opportunités de place. 

Mon ambition est d’être un bon porte-parole de la profession face aux autorités (tutelle et régulateur) et aux clients qui sont nos partenaires, et l’on a tendance à l’oublier. En un mot, être partout où la profession bancaire est attendue et doit être entendue. La profession bancaire doit améliorer la communication avec ses clients et les autres parties prenantes. Nous avons, dans ce domaine, un lourd handicap, insurmontable : le secret professionnel et notre professionnalisme qui nous obligent à être muets devant des attaques. La réalité telle qu’exposée est souvent tout autre. Les banques sont fières d’avoir accompagné des réussites individuelles souvent fêtées et décrites comme parties de rien ou d’un faible capital. Mais, il y a toujours une banque devant, derrière ou à côté !

En tant que président de l’Apbef, quelle analyse faites-vous de la problématique du financement bancaire au Sénégal et du débat sur le nombre élevé de banques ?

Le financement bancaire des entreprises est un vieux débat. Il arrive même que des hommes d’affaires pensent créer leur banque à la suite du rejet de leur projet par une banque. Ce qu’ils ignorent, c’est que la solution n’est pas de créer sa banque qui, une fois mise en place, est régie par des normes, les mêmes pour tout le monde et même plus lourdes dans le cas du financement des administrateurs/propriétaires. Je pense que la solution, c’est la restauration de la base de la banque, la confiance et surtout la transparence dans les relations banque/clients. Nous sommes condamnés à nous entendre ou à changer de schémas de financement pour eux et de métier pour nous.

Sur le nombre de banques, le débat doit être posé différemment : il y a peut-être beaucoup de banques, mais pas assez de guichets. En effet, la répartition géographique des réseaux des banques est à revoir et les autorités comme la profession ont leurs rôles et responsabilités à jouer. En effet, certaines banques, par leur mission, sont obligées d’étendre leur réseau sur tout le pays, alors que d’autres restent confinées à Dakar et quelques régions sans aucune obligation d’extension de leur réseau.

Nous avons trop de guichets à Dakar et dans certaines villes, alors qu’il y a un désert bancaire dans certaines régions, dont s’est fait récemment l’écho le Médiateur de la République lors de sa dernière tournée. A cet égard, les efforts de bancarisation et d’inclusion financière doivent être soutenus par l’ensemble des acteurs, au bénéfice de l’économie nationale et des populations partout au Sénégal.

Comment expliquez-vous les débuts laborieux du Bureau d’information sur le crédit (Bic), surtout la réticence des particuliers, mais aussi de certaines grandes sociétés à donner leur consentement pour le partage de leurs données personnelles ?

Comme tout projet transversal, les débuts sont laborieux, avec un temps d’acceptation de la pertinence et des raisons par nos clients, qui pensent que l’administration fiscale est toujours derrière ce type de projets. Il s’agit également de la méfiance naturelle face à la nouveauté, surtout pour un concept dont les résultats et avantages ne sont pas mesurables immédiatement, mais sur le long terme. L’origine de la réticence et plus liée à l’absence de communication de masse. En effet, lors de la conception, seuls les acteurs directs étaient impliqués. La plupart des clients a découvert le Bic par le biais de leur conseiller clientèle, au moment de solliciter un crédit, ou d’ouvrir un compte, lorsque ce dernier recueille leur consentement, pour les besoins d’alimentation des données du Bic, ce qui peut apparaître comme une contrainte et une forme de « chantage ».

A l’issue de la Conférence internationale sur le Bic tenue à Dakar, le 1er juin dernier, la Bceao, la Sfi, en collaboration avec l’Etat du Sénégal, se sont engagées à prendre en charge cette communication de masse. Cela a d’ailleurs commencé avec la mise à disposition de dessins animés, à diffuser dans les espaces commerciaux dédiés, et il est prévu une traduction dans les langues nationales du pays.

Comment, selon vous, surmonter ces écueils qui freinent l’installation des Bureaux d’information sur le crédit (Bic) ?

Par l’information et la sensibilisation à grande échelle, prévues d’ailleurs lors des journées de consultations au courant du mois de septembre prochain.

L’Apbef s’est également engagée à accompagner les efforts de communication et a déjà mis sur pied un comité de suivi composé des différents responsables de projets Bic dans les banques. Ce comité travaille en étroite collaboration avec la Direction de la monnaie et du crédit (Dmc) chargée, entres autres, de remonter les problèmes rencontrés dans la mise en application de la loi sur le Bic. Nous allons renforcer ce dispositif, nous assurer l’appui des services de l’Etat (Apix) et des autres acteurs comme le Cnp pour les entreprises, les associations de Drh, pour recueillir le consentement des salariés, etc.
 

Auteur: Cheikh THIAM, Seydou KA - Le Soleil

Cheikh Amidou Kane
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