Le gouvernement somalien poursuivait ses efforts lundi pour aider les familles des victimes de l’attentat de samedi à Mogadiscio, le plus meurtrier de l’histoire de la Somalie avec au moins 276 morts et 300 blessés, à retrouver la trace de leurs proches disparus.
Le ministère somalien de l’Information a communiqué dans la nuit le premier bilan officiel de l’attaque, indiquant que «276 personnes ont été tuées dans l’explosion (…) et 300 autres personnes blessées ont été admises dans les différents hôpitaux de Mogadiscio».
«Il y a encore une opération nationale de secours en cours et nous partagerons toute nouvelle information», a ajouté ce communiqué, laissant entendre que ce bilan pourrait encore augmenter.
Le gouvernement a précisé avoir mis en place un «comité d’urgence», pour «aider les familles à chercher leurs proches disparus et contribuer financièrement auprès de ceux dont les propriétés ont été détruites dans l’explosion».
Dès dimanche, les habitants de la capitale avaient commencé à partager des noms et des photos sur Facebook pour tenter de retrouver des proches disparus.
Cet attentat au camion piégé est survenu en milieu d’après-midi samedi au carrefour K5, dans le district de Hodan, un quartier commerçant très animé d’une capitale toujours bouillonnante d’activité en dépit des nombreux attentats.
Des bâtiments et véhicules ont été fortement endommagés sur des centaines de mètres par la très forte explosion, qui a laissé de nombreux corps brûlés ou déchiquetés. Plusieurs experts interrogés par l’AFP ont estimé que la charge était au minimum de 500 kg.
«Cela fait plus de 24 heures maintenant et nous n’avons aucune trace ou information au sujet de la sœur d’un ami. On peut supposer qu’elle est morte avec ses restes quelque part parmi les corps horriblement brûlés», a témoigné lundi un habitant de Mogadiscio, Abdulahi Nuradin.
– ‘Une scène terrible’ –
«Nous sommes allés dans plusieurs hôpitaux pour obtenir des informations, mais sans résultat. La famille est maintenant convaincue à 99% qu’elle est morte. J’ai vu tellement de morceaux de corps humains à l’hôpital, vous ne pouvez même pas les regarder», a-t-il ajouté.
Ayan Mohamed, une infirmière à l’hôpital Medina, a expliqué avoir vu s’évanouir plusieurs personnes venues chercher des proches parmi les corps morts.
«Certaines personnes sont devenues folles à cause de ce qu’elles ont vu. Certains ont reconnu leurs proches grâce à leurs doigts ou de petites parties de leurs corps et ont éclaté en pleurs. Je n’avais jamais vu une scène aussi terrible depuis que je travaille», a-t-elle raconté.
«Cent onze des corps morts ont été enterrées par leurs proches, alors que le gouvernement local à Mogadiscio a respectueusement enterré les autres. Il y aura un deuil national et des prières pour les victimes dans les jours à venir», a ajouté le ministère de l’Information.
Le précédent attentat le plus meurtrier en Somalie avait fait au moins 82 morts et 120 blessés en octobre 2011. Il avait déjà impliqué un camion piégé qui avait visé un complexe ministériel à Mogadiscio.
Des centaines de personnes sont descendues dimanche dans les rues de Mogadiscio pour exprimer leur colère après cette attaque qui a choqué les Somaliens, pourtant habitués aux attentats quasi quotidiens.
«Les gens ont en assez et maintenant il est temps de se lever ensemble et de dire non à la violence», avait déclaré le maire de Mogadiscio, Tabid Abdi Mohamed, à l’issue d’une marche dans le sud de la capitale.
Au moins 723 personnes ont été tuées et 1.116 blessées dans des attaques à la bombe en Somalie en 2016, selon le centre de réflexion Sahan, basé à Nairobi, des chiffres en nette hausse par rapport à 2015.
– Peut-être pas la cible visée –
L’attentat n’a pas été revendiqué. Mais les autorités et les experts interrogés par l’AFP n’ont aucun doute que islamistes somaliens shebab, liés à Al-Qaïda et qui lancent fréquemment des attentats-suicides dans Mogadiscio et ses environs, sont derrière cette attaque.
Les shebab ont juré la perte du fragile gouvernement central somalien, soutenu par la communauté internationale et par les 22.000 hommes de la force de l’Union africaine (Amisom).
Habituellement, les shebab visent plutôt les hôtels dans lesquels résident les responsables officiels, ce qui n’est pas le cas de l’hôtel Safari, un établissement populaire, devant lequel l’explosion s’est produite.
Selon une source sécuritaire régionale, la cible initialement visée pourrait n’avoir pas été celle-là. Une seconde explosion, d’une voiture piégée, qui n’a fait que deux blessés, a eu lieu samedi deux heures plus tard non loin de la première.
Cette source n’exclut pas un scénario dans lequel la voiture aurait eu pour rôle d’ouvrir la route au camion parmi l’un des nombreux barrages qui recouvrent la capitale, pour lancer ce dernier vers une cible non déterminée. Pour une raison inconnue, tout ne se serait pas passé comme prévu.
Des personnes grièvement blessées ont commencé à être évacuées lundi matin par un avion militaire turc, venu apporter de l’aide médicale, et qui devait les emmener en Turquie, a constaté un journaliste de l’AFP.
Les réactions internationales ont afflué, Paris, Londres, Washington, Ankara et l’Union africaine (UA), exprimant notamment leur «solidarité» avec la Somalie.