Né à Msaken, dans la banlieue de Sousse, le 3 janvier 1985, ce ressortissant tunisien est arrivé en France en 2005. Titulaire en 2009 d’une carte de séjour valable dix ans, il a épousé une niçoise franco-tunisienne avec qui il a eu trois enfants. Le couple, séparé depuis dix-huit mois, était en instance de divorce. L’homme âgé de 31 ans avait déménagé dans un quartier de l’est de Nice où il exerçait le métier de chauffeur-livreur.
Mohamed Lahouaiej Bouhlel avait appelé son frère, Jabeur, qui vit en Tunisie quelques heures seulementavant l’attentat, a raconté ce dernier à l’agence de presse Reuters. « Il a dit qu’il était à Nice avec ses amis européens pour célébrer la fête nationale », a déclaré Jabeur depuis la Tunisie. Sur la photo qu’il lui a envoyée, il apparaît « très heureux et content, il riait »… Le frère du tueur de Nice a par ailleurs rapporté au Daily Mailque Mohamed Lahouaiej Bouhlel avait fait parvenir 240 000 dinars (près de 98 000 euros) à sa famille en Tunisie, quelques jours seulement avant l’attentat.
Interviewé par l’AFP devant son domicile de Msaken, le père de Mohamed Lahouaiej Bouhlel a déclaré qu’il n’avait quasiment plus de contact avec son fils depuis son départ en France, sans pouvoir en préciser la date. Cheveux blancs, le visage tendu, il décrit un homme « toujours seul, toujours déprimé ». Mohamed Lahouaiej Bouhlel n’avait « aucun lien avec la religion », a-t-il ajouté. « Il ne faisait pas la prière, il ne jeûnait pas, il buvait de l’alcool, il se droguait même », a-t-il ajouté. Son père a par ailleurs indiqué qu’il n’était pas en bons termes avec son ex-femme.
Des liens « certains » avec la mouvance islamiste radicale
Les nouveaux éléments de l’enquête font ressortir le « profil sadique ultraviolent » de l’auteur de l’attentat de Nice, a-t-on appris lundi après-midi par l’AFP. Mohamed Lahouaiej Bouhlel consultait sur internet des vidéos ultraviolentes, dont des exécutions parfois commises par l’État islamique, rapporte l’AFP, confirmant des informations d’Europe 1. Selon la radio, les enquêteurs ont découvert son obsession pour les vidéos les plus abominables diffusées sur internet par l’organisation État islamique. « Mohamed Lahouaiej Bouhlel regardait en boucle les séquences les plus épouvantables, celles où les atrocités sont filmées en détail », rapporte Europe 1.
Lors d’une conférence de presse tenue lundi 18 juillet, le procureur de Paris François Molins confirme l’intérêt du terroriste pour l’EI. Du 1er au 13 juillet, Mohamed Lahouaiej Bouhlel a visionné « quasi quotidiennement des vidéos de sourates du Coran et des anachid, ces chants religieux détournés par la propagande de l’État islamique », a indiqué le procureur. Ont également été retrouvées dans son ordinateur des photos « de cadavres, des combattants de l’EI arborant le drapeau de l’organisation, des couvertures de Charlie Hebdo, des portraits de Ben Laden et de Mokhtar ben Mokhtar ». Ce qui illustre, selon François Molins, « un intérêt certain mais récent pour la mouvance islamiste radicale », sans qu’aucun élément ne prouve pour l’instant son allégeance à une organisation terroriste.
Le procureur a également rapporté les propos d’un témoin qui a raconté que « depuis huit jours », le tueur de Nice « s’était laissé pousser la barbe ». « Une signification religieuse », selon lui. « Il ne comprenait pas pourquoi Daech ne pouvait pas prétendre à un État », a-t-il rapporté aux enquêteurs.
François Molins a également confirmé que l’attentat avait été « pensé et préparé ». Les enquêteurs ont ainsi retrouvé dans son ordinateur un article de Nice Matin daté du 1er janvier 2016 titré : « Il fonce volontairement dans la terrasse d’un restaurant. » Avant l’attaque, Mohamed Lahouaiej Bouhlel s’est également rendu à plusieurs reprises sur la Promenade des Anglais à bord du camion, loué le 11 juillet. Il a été repéré sur les vidéos surveillance et plusieurs photos de lui à bord du camion ont été retrouvées dans son téléphone portable.
Interviewé lundi matin sur RTL, Bernard Cazeneuve avait déclaré qu’à ce stade, les liens entre le tueur de Nice et d’éventuels réseaux jihadistes n’ont pas été établis. Samedi, le ministre de l’intérieur avait évoqué la radicalisation rapide du conducteur du camion, dont l’attentat a été revendiqué par le groupe jihadiste État islamique (EI).
Selon les informations du Monde, certains noms « intéressants » sont apparus parmi les contacts du tueur. Une autre source évoque des relations communes avec Omar Diaby, une figure du jihadisme niçois proche d’Al Nosra, et non de l’EI. « On est en train de travailler dessus, mais il est encore trop tôt pour en tirer la moindre conclusion », rapporte une source proche de l’enquête, citée par le quotidien.
Un mari violent, à la sexualité débridée, connu pour des faits de délinquance
Inconnu des services de renseignement pour des faits de radicalisation, il était connu des services de police uniquement pour des faits de violence commis entre 2010 et 2016, notamment sur son épouse, mise en garde à vue durant 48 heures. Il avait été condamné le 25 mars 2016 à six mois d’emprisonnement avec sursis.
Trois personnes ont été arrêtés samedi, et trois autres dimanche. Un homme de 37 ans, membre de l’entourage de Mohamed Lahouaiej Bouhlel a été interpellé dimanche et un couple d’Albanais, dont l’homme est désigné par un témoignage comme le fournisseur du pistolet automatique, a été arrêté.
Dans la petite salle de sport que ce chauffeur-livreur fréquentait à Nice jusqu’à il y a deux ans environ, Lahouaiej-Bouhlel a laissé le souvenir d’un « frimeur », un « dragueur » un peu « lourd », rapporte un témoin. Là, le jeune homme avait même pris des cours de salsa, et « venait faire du sport pour faire le beau ».
Les auditions des témoins tracent le portrait d’un jeune homme à la sexualité débridée. Un homme de 74 ans entendu par les enquêteurs est même présenté par certains comme un de ses amants.
Des troubles psychologiques
Dans un entretien accordé à l’AFP et à la BBC, le père de Mohamed Lahouaiej Bouhlel a raconté que son fils avait souffert d’une dépression en 2004, alors qu’il avait 19 ans, ce qui lui a valu une consultation chez un psychiatre de Sousse, ville portuaire de l’est de la Tunisie. L’Express a retrouvé ce spécialiste, le Dr Chemceddine Hamouda, qui n’a été consulté qu’une seule fois. Selon lui, Mohamed Lahouaiej Bouhlel souffrait d’ « un début de psychose », mais « rien dans son comportement ne laissait présager un tel massacre ».
Ce n’est pas l’acte d’un fou
« C’est son père qui l’a forcé à venir me voir. Il ne comprenait pas pourquoi son fils, qui était jusqu’ici brillant, était devenu violent avec lui et n’arrivait plus à travailler à l’école », explique le psychiatre, interviewé samedi par l’hebdomadaire. « Il souffrait d’une altération de la réalité, du discernement et de troubles du comportement. Un début de psychose, donc », poursuit-il. Pour autant, ces troubles n’expliquent « pas du tout » son passage à l’acte. « Une telle violence nécessite forcément un endoctrinement, un délire de radicalisation en parallèle de ses problèmes psychologiques. ce n’est pas l’acte d’un fou, c’est un acte prémédité et exécuté », conclut le spécialiste.
Son témoignage a été recoupé sur place par le journal Le Monde, qui a pu rencontrer son oncle, Abdelfattah Lahouaiej Bouhlel, à Msaken, sa ville natale, dans la banlieue de Sousse. Selon ce dernier, son neveu « n’était pas normal ». « Il aimait exhiber ses muscles de manière bizarre », précise un voisin, cité par le quotidien. « On sentait qu’il n’avait pas toute sa tête », renchérit un autre de ses voisins.
Ses éventuels complices
A 22 h 27, soit quelques minutes avant le massacre, Mohamed Lahouaiej Bouhlel a envoyé un SMS dans lequel « il mentionne l’acquisition d’un pistolet », a indiqué le procureur François Molins. Selon l’AFP, il félicite son interlocuteur pour le pistolet qu’il lui a donné la veille. « Alors on ramène cinq de chez ton copain », ajoute-t-il avant d’indiquer que c’est pour une autre personne « et ses amis ». À bord du véhicule, Mohamed Lahouaiej Bouhlel a bien tiré sur trois policiers avec un pistolet automatique calibre 7,65 mm, mais alors à qui auraient pu être destinées les autres armes ?
Le destinataire du SMS, un homme de 22 ans, fait partie des six personnes placées en garde-à-vue, dont trois ont été transférées dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), à Levallois-Perret, près de Paris, ont indiqué des sources proches de l’enquête.
Les derniers jours de Mohamed Lahouaiej Bouhlel avant le massacre :
Le 28 juin, un prêt à la consommation de 5 000 euros lui est refusé. Le 8 juillet, Mohamed Lahouaiej Bouhlel vide son compte en banque. Le 11 juillet, il loue à 8h30 le poids lourd de 19 tonnes, réservé le 4 juillet auprès d’une entreprise de Saint-Laurent-du-Var, dans les Alpes-Maritimes, près de Nice. Il laisse un chèque de caution de 1 600 euros. Le 13 juillet, il vend sa voiture. Les 12 et 13 juillet, il fait des repérages à bord du poids lourd sur la promenade des Anglais, selon les images enregistrées par les caméras de vidéo-surveillance. Le 14 juillet, il tente de retirer à un distributeur 1 000 euros mais ne parvient à obtenir que 550 euros. Selon une source policière, citée par Le Journal du dimanche , le tueur de Nice avait « vidé son compte en une semaine ».