La dernière session de chambre criminelle de Diourbel a été marquée par des renvois et des annulations pour vice de procédure. Me Assane Dioma Ndiaye, avocat à la cour et militant des droits humains, y voit les failles d’une justice qui n’a pas les moyens de sa politique.
Maître quelle analyse faites-vous des renvois prononcés par la chambre criminelle dont celui de votre client pour indisponibilité du rapport d’expertise ?
Mon client souffre actuellement de troubles mentaux. C’est pourquoi, lors de la dernière session, le président avait ordonné son renvoi, car l’accusé n’était pas en mesure de répondre aux questions qui lui ont été posées. Mais l’affaire a été encore reportée à la prochaine session, parce que l’expertise n’a pas été diligentée. Cela démontre encore les difficultés auxquelles notre justice est confrontée. Actuellement, nos prisons ne disposent pas d’un suivi psychiatrique. Le gouvernement doit affecter dans les maisons d’arrêt et de correction des assistants psychologiques, des experts psychiatres pour assurer le suivi médical et psychiatre des détenus. L’autre problème est noté au niveau de la chaîne judiciaire. Les tribunaux ne disposent pas de fonds pour effectuer certaines opérations. Aujourd’hui, ce sont les juges d’instruction qui utilisent leurs voitures personnelles pour les reconstructions des faits, les perquisitions, etc. Dans le budget du ministère de la Justice, il n’y a pas de fonds destinés à ces frais de justice.
La justice est une chaîne. Donc, il faut que l’Etat veille à ce que le processus de distribution soit bien garanti aux justiciables. Cela permet de ne plus se retrouver dans des situations pareilles. Notre justice souffre de dysfonctionnement de fonds qu’il faut régler. C’est bien de faire des réformes, mais il faut qu’on ait les moyens de les mettre en œuvre, sinon notre justice ne sera jamais modernisée. Elle ne répondra jamais aux aspirations profondes des justiciables et des populations. Et on se retrouvera toujours devant ces situations de dysfonctionnement.
Comment analysez-vous les cas d’annulation pour vice de procédure, suite à la violation des droits des accusés par les juges d’instruction ?
On ne peut disculper les juges d’instruction relativement à ces nullités qui ont été constatées. Mais la difficulté, c’est que l’Etat a une propension très facile à aller vers des réformes sans avoir les moyens de leur application. La cause de ces annulations de procédure, c’est la non-commission d’un avocat pendant la première phase de comparution. A ce niveau de la procédure, le code de procédure pénale dit que le juge d’instruction doit aviser l’avocat et accomplir un certain nombre de formalités. Mais, on a constaté que devant l’impossibilité de commettre ces avocats dans un délai court, les juges ont tendance à ne pas s’entourer de ces formalismes exigés par la loi. C’est pourquoi, nous estimons que l’Etat doit accompagner les juges par la démultiplication des avocats et leur meilleure répartition géographique sur le territoire. Mais aussi, en leur octroyant des fonds de justice et des frais criminels beaucoup plus conséquents.
Actuellement, le constat est que, face aux nouvelles réformes, les juges d’instruction n’ont pas les moyens pour appliquer les lois. C’est ce qui explique la violation des droits de certains accusés par les magistrats instructeurs. Et le juge du fond, devant une exception fondée, est obligé d’annuler la procédure. Donc, si on peut incriminer les magistrats instructeurs qui ont failli à un moment de leur travail, nous devons aussi déplorer les situations matérielles dans lesquelles ils travaillent et qui ne leur permettent pas d’appliquer correctement la loi. L’Etat n’a pas les moyens de sa politique judicaire. Quand on constate trois annulations sur une session de chambre criminelle, c’est qu’il y a des problèmes dans notre justice.
Il est reproché à certains avocats de s’absenter lors des audiences des chambres criminelles ou d’attendre le jour du procès pour s’imprégner du dossier de leur client. Qu’est-ce qui explique cela ?
Le principe en matière criminelle, c’est que tout accusé doit être défendu par un avocat. On peut dire sous ce rapport que l’Etat du Sénégal a fait un effort, en mettant à la disposition de tous les inculpés un conseiller. Mais le problème, c’est que l’avocat est souvent commis une semaine avant l’audience. Il ne peut pas voir l’accusé, trois jours avant le jour du procès. Il est obligé de venir la veille de l’audience ou le matin pour s’entretenir brièvement avec son client et essayer de défendre son dossier. Dans ces conditions, même si la présence de l’avocat est assurée, la qualité de l’assistance pose problème. Donc, nous préconisons que la commission se fasse très tôt, au niveau de l’instruction, et qu’il y ait un suivi du dossier jusqu’à la session. Mais si le président du tribunal attend l’audience d’interrogatoire de la chambre criminelle pour faire la commission d’office, il ne pourra pas avoir un avocat qui puisse s’imprégner du dossier de manière à pouvoir défendre convenablement l’accusé. L’avocat a souvent une connaissance superficielle du dossier criminel et tente tant bien que mal d’assister son client.
EnQuête
Maître quelle analyse faites-vous des renvois prononcés par la chambre criminelle dont celui de votre client pour indisponibilité du rapport d’expertise ?
Mon client souffre actuellement de troubles mentaux. C’est pourquoi, lors de la dernière session, le président avait ordonné son renvoi, car l’accusé n’était pas en mesure de répondre aux questions qui lui ont été posées. Mais l’affaire a été encore reportée à la prochaine session, parce que l’expertise n’a pas été diligentée. Cela démontre encore les difficultés auxquelles notre justice est confrontée. Actuellement, nos prisons ne disposent pas d’un suivi psychiatrique. Le gouvernement doit affecter dans les maisons d’arrêt et de correction des assistants psychologiques, des experts psychiatres pour assurer le suivi médical et psychiatre des détenus. L’autre problème est noté au niveau de la chaîne judiciaire. Les tribunaux ne disposent pas de fonds pour effectuer certaines opérations. Aujourd’hui, ce sont les juges d’instruction qui utilisent leurs voitures personnelles pour les reconstructions des faits, les perquisitions, etc. Dans le budget du ministère de la Justice, il n’y a pas de fonds destinés à ces frais de justice.
La justice est une chaîne. Donc, il faut que l’Etat veille à ce que le processus de distribution soit bien garanti aux justiciables. Cela permet de ne plus se retrouver dans des situations pareilles. Notre justice souffre de dysfonctionnement de fonds qu’il faut régler. C’est bien de faire des réformes, mais il faut qu’on ait les moyens de les mettre en œuvre, sinon notre justice ne sera jamais modernisée. Elle ne répondra jamais aux aspirations profondes des justiciables et des populations. Et on se retrouvera toujours devant ces situations de dysfonctionnement.
Comment analysez-vous les cas d’annulation pour vice de procédure, suite à la violation des droits des accusés par les juges d’instruction ?
On ne peut disculper les juges d’instruction relativement à ces nullités qui ont été constatées. Mais la difficulté, c’est que l’Etat a une propension très facile à aller vers des réformes sans avoir les moyens de leur application. La cause de ces annulations de procédure, c’est la non-commission d’un avocat pendant la première phase de comparution. A ce niveau de la procédure, le code de procédure pénale dit que le juge d’instruction doit aviser l’avocat et accomplir un certain nombre de formalités. Mais, on a constaté que devant l’impossibilité de commettre ces avocats dans un délai court, les juges ont tendance à ne pas s’entourer de ces formalismes exigés par la loi. C’est pourquoi, nous estimons que l’Etat doit accompagner les juges par la démultiplication des avocats et leur meilleure répartition géographique sur le territoire. Mais aussi, en leur octroyant des fonds de justice et des frais criminels beaucoup plus conséquents.
Actuellement, le constat est que, face aux nouvelles réformes, les juges d’instruction n’ont pas les moyens pour appliquer les lois. C’est ce qui explique la violation des droits de certains accusés par les magistrats instructeurs. Et le juge du fond, devant une exception fondée, est obligé d’annuler la procédure. Donc, si on peut incriminer les magistrats instructeurs qui ont failli à un moment de leur travail, nous devons aussi déplorer les situations matérielles dans lesquelles ils travaillent et qui ne leur permettent pas d’appliquer correctement la loi. L’Etat n’a pas les moyens de sa politique judicaire. Quand on constate trois annulations sur une session de chambre criminelle, c’est qu’il y a des problèmes dans notre justice.
Il est reproché à certains avocats de s’absenter lors des audiences des chambres criminelles ou d’attendre le jour du procès pour s’imprégner du dossier de leur client. Qu’est-ce qui explique cela ?
Le principe en matière criminelle, c’est que tout accusé doit être défendu par un avocat. On peut dire sous ce rapport que l’Etat du Sénégal a fait un effort, en mettant à la disposition de tous les inculpés un conseiller. Mais le problème, c’est que l’avocat est souvent commis une semaine avant l’audience. Il ne peut pas voir l’accusé, trois jours avant le jour du procès. Il est obligé de venir la veille de l’audience ou le matin pour s’entretenir brièvement avec son client et essayer de défendre son dossier. Dans ces conditions, même si la présence de l’avocat est assurée, la qualité de l’assistance pose problème. Donc, nous préconisons que la commission se fasse très tôt, au niveau de l’instruction, et qu’il y ait un suivi du dossier jusqu’à la session. Mais si le président du tribunal attend l’audience d’interrogatoire de la chambre criminelle pour faire la commission d’office, il ne pourra pas avoir un avocat qui puisse s’imprégner du dossier de manière à pouvoir défendre convenablement l’accusé. L’avocat a souvent une connaissance superficielle du dossier criminel et tente tant bien que mal d’assister son client.
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