Après l’échec de l'expérience Michel Barnier, que va décider Emmanuel Macron ?

Rédigé par Dakarposte le Jeudi 5 Décembre 2024 à 14:08 modifié le Jeudi 5 Décembre 2024 14:12

Trois mois après avoir nommé Premier ministre Michel Barnier, renversé mercredi soir par une motion de censure, le président de la République est contraint de lui trouver un remplaçant à Matignon. Alors qu’il doit s’adresser aux Français jeudi soir, à 20 h, quelles sont les options sur la table pour Emmanuel Macron ? Tour d’horizon.


Emmanuel Macron avait choisi début septembre Michel Barnier car il souhaitait de la stabilité. Alors que le Nouveau Front populaire (NFP) était arrivé en tête des élections législatives anticipées, le 7 juillet 2024, le président de la République avait refusé de nommer à Matignon la candidate de l’alliance de gauche, Lucie Castets, pour éviter de voir son gouvernement renversé par une motion de censure. Il lui avait préféré, après deux mois de suspense, un représentant du parti Les Républicains (LR), formation arrivée en quatrième position des législatives et seul parti politique à ne pas avoir appelé au "front républicain" contre l’extrême droite.

Mercredi 4 décembre, après 90 jours durant lesquels le Premier ministre n’a cessé de chercher à obtenir les bonnes grâces de Marine Le Pen – notamment en recadrant son ministre de l'Économie qui avait exclu le Rassemblement national (RN) de l'arc républicain, en évoquant une nouvelle loi immigration ou en acceptant de diminuer les soins pris en charge par l'Aide médicale d'État –, le RN a finalement voté la motion de censure déposée par le NFP, mettant ainsi fin aux fonctions de Michel Barnier.

Les regards sont désormais tournés vers Emmanuel Macron, qui a prévu de s’adresser aux Français, jeudi 5 décembre à 20 h, lors d’une allocution télévisée. Tout juste rentré d’un voyage en Arabie saoudite, le chef de l'État souhaite, cette fois-ci, désigner un Premier ministre rapidement, selon l'agence Reuters, si possible avant samedi, jour de la cérémonie de réouverture de la cathédrale de Notre-Dame de Paris.


Pour autant, avec une Assemblée nationale toujours divisée en trois blocs – l’alliance de gauche, le "socle commun" qui soutenait Michel Barnier, l'extrême droite –, l'équation reste aussi complexe que l'été dernier, avec l'impossibilité d'une nouvelle dissolution et de nouvelles élections législatives avant sept mois.

Dans ce contexte, que va décider Emmanuel Macron ? Tour d’horizon des différentes options sur la table.


Renommer Michel Barnier ou opter pour un profil similaire

Le président de la République aurait tout à fait le droit, constitutionnellement, de renommer Michel Barnier comme Premier ministre. Emmanuel Macron pourrait invoquer l’urgence de la situation politique, économique et financière, tout en assurant que Michel Barnier, soutenu par le "socle commun" constitué des partis Renaissance, Horizons, MoDem et Les Républicains, saurait, en ayant une seconde chance, mieux manœuvrer pour passer son budget.

Cette option semble toutefois peu probable, mais celle de la nomination d’un profil similaire circule, le nom de François Baroin ayant été mentionné par Le Parisien. Lui aussi issu du parti Les Républicains, l'ancien président de l’Association des maires de France (AMF) coche les mêmes cases que Michel Barnier – homme politique de droite, capable de discuter avec tout le monde, en phase avec la politique économique de l’offre portée par Emmanuel Macron –, avec toutefois moins d’expérience. Le nom du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a aussi été évoqué. Mais tous deux possèdent les mêmes handicaps que le Premier ministre démissionnaire : ils n’ont pas de légitimité démocratique et seraient également menacés d’une censure votée conjointement par le NFP et le RN.



Nommer un proche en qui il a toute confiance

Après l’expérience Michel Barnier, qui le tenait à distance des décisions gouvernementales, Emmanuel Macron pourrait être tenté de reprendre la main en nommant l’un de ses proches. Le nom du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a notamment beaucoup circulé depuis le début de la semaine. "Ce n'est vraiment pas le sujet", a répondu mardi le ministre dans Le Parisien, évoquant "le jeu pas toujours bienveillant" de ceux qui font fuiter son nom.

Ce fidèle macroniste, au gouvernement depuis 2017, serait toutefois vu d'un bon œil par Marine Le Pen, qui a dîné secrètement à la mi-mars avec lui au domicile de Thierry Solère, l’un des proches du ministre et conseiller d’Emmanuel Macron, selon Libération. L’ancienne candidate du RN à l’élection présidentielle a par ailleurs promis, mercredi soir sur TF1, de laisser travailler le "Premier ministre qui va être nommé".

Une telle nomination ne correspondrait toutefois pas au "parfum de cohabitation" recherché par les stratèges présidentiels après la double défaite aux européennes et aux législatives, les Français ayant alors clairement sanctionné la ligne politique d’Emmanuel Macron.

François Bayrou, possible point d’équilibre

Le nom du patron du MoDem revient aussi à chaque remaniement – souvent promu par l'intéressé lui-même. "Évidemment que François Bayrou est dans cette disposition d'esprit", souligne le chef des députés du parti centriste, Marc Fesneau.


Cette fois, des proches de l'allié historique du président pensent que "l'alignement" des astres est peut-être propice, si Emmanuel Macron fait le choix d'un poids lourd politique. François Bayrou s'est même entretenu la semaine dernière avec le secrétaire général de l'Élysée, Alexis Kohler, alors que le courant est rarement passé entre eux.

Pour ses partisans, le centriste ne serait pas le plus mal placé pour convaincre au moins une partie des socialistes de ne pas censurer d'emblée le futur exécutif, tout en n'étant pas un irritant pour le RN. La question de sa légitimité serait toutefois posée, lui aussi représentant la ligne politique d'une macronie doublement sanctionnée aux élections européennes et législatives.

Préférer un Premier ministre de gauche

Après avoir refusé durant l’été de nommer à Matignon Lucie Castets, candidate du Nouveau Front populaire, ou même l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, Emmanuel Macron pourrait décider de finalement laisser sa chance à la gauche. D’autant qu’une petite musique sur un "accord de non censure" a été jouée ces derniers jours, notamment par les députés socialistes Boris Vallaud et Olivier Faure ou par l’ancien Premier ministre et désormais chef de file des députés Renaissance Gabriel Attal.


Les lignes politiques entre macronistes et bloc de gauche apparaissent toutefois peu compatibles : les premiers ne veulent pas entendre parler de hausses des impôts pour les plus riches ou d’abrogation de la réforme des retraites quand les seconds en faisaient, il y a encore quelques jours, un préalable. Sans parler du fait que les macronistes n’envisagent un tel accord que si les socialistes, les écologistes et les communistes acceptent de rompre avec les insoumis ; ces derniers, de leur côté, rejetant fermement toute "forme d'alliance gouvernementale avec les macronistes".

Enfin, nommer un représentant du Nouveau Front populaire pour aboutir à un gouvernement 100 % NFP ne semble toujours pas une option. Cela reviendrait pour Emmanuel Macron à reconnaître dans les faits la double défaite des européennes et des législatives et à accepter de voir son bilan être en partie détricoté.

Démissionner

La dernière option sur la table est réclamée à grands cris par La France insoumise : "Par la censure de ce gouvernement, c'est toute la politique d'Emmanuel Macron qui est battue. Nous demandons à Emmanuel Macron de s'en aller", a déclaré Mathilde Panot, la patronne du groupe LFI à l’Assemblée nationale, après la censure du gouvernement Barnier. "Même avec un Barnier tous les trois mois, Macron ne tiendra pas trois ans", a renchéri Jean-Luc Mélenchon sur le réseau social X.


L’idée fait également son chemin à droite, puisque des personnalités comme le maire de Meaux Jean-François Copé, le maire de Cannes et actuel président de l’AMF David Lisnard ou encore le député Charles de Courson ont eux aussi estimé qu’Emmanuel Macron devrait démissionner avant la fin de son mandat prévue en 2027.

En revanche, même si elle estime que "la pression" sur le président "sera évidemment de plus en plus forte" si "on ne prend pas la voix du respect des électeurs", Marine Le Pen ne demande pas la démission du chef de l’État, qui a de toute façon balayé cette idée qui relève selon lui "de la politique fiction".




















France 24
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