La justice française doit-elle réviser la condamnation de l'ancien courtier de la Société générale ? La question est à l'ordre du jour après les révélations du site d'informations Mediapart, qui publie un nouveau témoignage, celui d'une enquêtrice de la brigade financière qui vient confirmer la thèse selon laquelle la Société générale ne pouvait pas ignorer les agissements de son employé. Retour sur cette affaire sans précédent.
Nous sommes le 4 janvier 2008, à Paris. La Société générale annonce une perte colossale sur les marchés de cinq milliards d'euros. Le PDG de l'époque, Daniel Bouton explique alors que cette perte est due à la négligence d'un seul homme : Jerome Kerviel un jeune trader d'une trentaine d'années qui investissait au-delà des plafonds autorisés. Et les chiffres donnent le tournis.
Ce jeune golden boy, en poste depuis trois ans, issu d'un milieu modeste, est parvenu à engager jusqu'à 50 milliards d'euros sur les marchés financiers. Au début, il réussit à faire des bénéfices : un milliard d'euros en 2007. Mais quand en 2008 les marchés se retournent avec la crise des subprimes, la crise des crédits immobiliers à risques, Kerviel subit une série de revers financiers. Cette énorme perte de cinq milliards est dramatique pour la Société Générale qui perd également deux milliards supplémentaires dans les subprimes. En quelques mois, la banque voit s'envoler sept milliards d'euros.
Les responsabilités de la banque
Une plainte est alors déposée par la banque devant la justice contre le courtier fautif, qui aurait déjoué tous les systèmes de contrôle et aurait agi seul. Jérôme Kerviel est mis en examen pour « abus de confiance, faux et usage de faux » et pour « tentative d'escroquerie ».
Le courtier se justifie. Il n'a pas fait cela pour spolier la banque, mais par ambition. Il espérait gagner des grosses primes en fin d'année. Et surtout, il pointe les responsabilités de sa hiérarchie dans cette affaire, qui connaissait le montant des opérations qu'il menait sur les marchés.
Le 5 octobre 2010, Kerviel écope de cinq ans de prison, dont trois ans ferme. Surtout, il doit rembourser le préjudice financier : 5 milliards d'euros. Quant à la Société générale, elle sort indemne, à l'exception d'un remaniement de son état-major. Mais Kerviel va continuer à se battre. A ses côtés, son avocat, le très médiatique David Koubbi, maintient que la Société générale s'est servie de Kerviel pour dissimuler des pertes subies sur le marché des subprimes.
Une révision du procès
Kerviel devient, lui, le symbole d'un système financier défaillant. Il rencontre le pape François, il entame une marche entre Rome et Paris pour dénoncer les dérives de la finance mondiale. Et rallie à sa cause des politiques, comme Jean-Luc Mélenchon du Parti de Gauche, et Eva Joly, la députée écologiste européenne. En mars 2014, il gagne en appel. Si sa condamnation est confirmée, les dommages et intérêts sont cassés par la justice.
Un nouveau témoignage pourrait relancer l'affaire. Selon une enquêtrice de la brigade financière, un ancien salarié de la banque aurait averti sa hiérarchie de l'activité de Jérôme Kerviel, par un email dont personne n'a retrouvé la trace.
Un témoignage qui remet en cause les accusations de la Société générale qui a affirmé que Kerviel avait agi seul. L'enquêtrice estime, également, avoir été « instrumentalisée » par la banque. Elle n'aurait pas pu mener son enquête comme elle le voulait. Des déclarations sur lesquelles s'appuie l'avocat de Kerviel pour demander une révision du procès.