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Allocution du SG du PS Ousmane Tanor Dieng lors de la table ronde commémorant la 15 ème édition de l'anniversaire de décès du Président Léopold Sédar Senghor.

Rédigé par Dakarposte le Mardi 20 Décembre 2016 à 18:55

Trente-six ans se sont écoulées depuis le retrait volontaire de Léopold Sédar Senghor de la présidence de la République du Sénégal, devant un monde stupéfait par la rareté et l’élégance du geste. Seize années se sont écoulées depuis sa disparition. Léopold Sédar Senghor était poète et Homme d’Etat. Or les poètes, dit-on, fondent ce qui demeure. Aujourd’hui, sa pensée, son œuvre et son action restent encore d’une brulante actualité. Ce poète sérère, sénégalais, africain et universel a effectivement fondé une solide demeure, je veux dire plusieurs solides demeures, au nombre desquelles je voudrais citer notre parti, le Parti socialiste et l’Etat du Sénégal, deux demeures dont l’équilibre et la stabilité, à l’épreuve du temps et de bien d’autres facteurs, se mesurent à la solidité du socle sur lequel ils reposent.Aujourd’hui, en ces temps troubles, face à la montée de l’intolérance et de l’ignorance, face à l’exclusion et au repli sur soi qui contribuent au dérèglement du monde, comment ne pas penser à Senghor dont nombre de discours étaient emmaillés de la formule « notre commun vouloir de vie commune » et qui ne manquait jamais de saluer ces « hôtes étrangers qui vivez parmi nous ». Ces paroles, dans sa grande sagesse d’homme d’Etat, il leur avait donné la force d’une loi fondatrice de notre « vivre ensemble ». L’évocation de l’actualité de la pensée et de l’œuvre de Senghor passe aussi par l’évocation de ce que le Sénégal et l’Afrique lui doivent en matière de démocratie, de droits de l’homme et des libertés fondamentales, un sujet encore d’une brulante actualité en maints endroits du monde. De ce point de vue, je tiens à rappeler la contribution de Léopold Sédar Senghor à la lutte contre toutes les formes d’aliénation. Senghor a toujours soutenu que le mouvement de la Négritude, lancé par Aimé Césaire, Léon Gontran Damas et lui-même, a pour socle commun avec le socialisme le fait que l’un et l’autre ont pour fondement la prise de conscience des différentes formes d’aliénation de l’homme et la volonté de libérer celui-ci de toutes les formes d’oppression qui portent atteinte à sa dignité et à son existence. C’est sous ce rapport qu’il faut analyser sa critique du capitalisme, moteur et vecteur d’un ordre économique inégal plus soucieux d’accumulation que de promotion de l’homme. Les Congrès et Conseils nationaux du Parti socialiste comme les réunions de l’Internationale Socialiste à Genève en 1976, puis à Vancouver en 1978 et enfin à Madrid en 1980 ont été des tribunes pour dénoncer l’échange inégal dans une formulation devenue emblématique et passée à la postérité sous l’expression « détérioration des termes de l’échange. », l’endettement des pays pauvres et la menace qui plane sur l’humanité du fait de l’égoïsme des riches, de la recherche effrénée des valeurs matérielles et de profits au détriment du social et donc de l’humain. Tout le monde se souvient de son allocution à la tribune des Nations Unies où il défendait la réforme du système monétaire international afin de donner aux pays du tiers monde un rôle plus important dans ce domaine. Il préconisait également la multiplication des relations commerciales entre ces mêmes pays du tiers- monde, ainsi que des efforts plus soutenus d’intégration économique régionale. L’actualité de sa pensée est tout à fait frappante dans un contexte marqué par les excès d’une mondialisation ultralibérale. Il faut lire ou relire Senghor pour se rendre compte de la vulnérabilité du monde libéral et de la fragilité de toutes ses prétendues valeurs. Peu de penseurs auront pressenti comme lui l’implacable déterminisme des valeurs humaines derrière le vernis des sociétés post modernes qui poursuivaient leur trajectoire d’accumulation de richesses et de biens matériels. En effet, alors que l’on faisait croire à l’humanité qu’il n’y a pas d’horizon au-delà du capitalisme, Léopold Sédar Senghor enseignait que l’histoire était un processus indéfini avec pour unique moteur les valeurs humaines. Sur un autre point, il me semble important de souligner qu’en ces temps où la question du genre est souvent agitée, chez certains, avec une bonne dose de tonalité politicienne, le Code sénégalais de la Famille reste un exemple qui confirme, si besoin en était encore, le courage politique, le sens de la mesure et les qualités de visionnaire de Senghor Homme d’Etat. Une véritable politique de l’enfant, de la femme et de la famille se trouve en gestation dans cette loi qui porte la marque des efforts inlassables qu’il déploya pour la modernisation de notre droit et de notre législation. Pour souligner l’actualité de sa pensée, comment ne pas rappeler que l’agrégé de grammaire, professeur de lettres classiques avait mené un combat rédempteur en faveur de nos langues nationales en s’attelant à leur transcription. Il me plaît de rappeler que c’est à lui que l’on doit l’instauration des semaines nationales d’alphabétisation, la réorganisation et la programmation des émissions en langues nationales à la radio et à la télévision nationales. Et je voudrais souligner et rappeler l’attention toute particulière qu’il accordait à la fameuse émission « Disso » au cours de laquelle le monde rural était invité à s’exprimer librement. Avec le recul, cet exercice s’assimile à ce que notre modernité appelle « la démocratie participative ». Educateur expérimenté et homme politique avisé, il avait donc très pris conscience de l’importance de la question des langues nationales. Dans une conférence à la Chambre de Commerce de Dakar pour le Foyer France-Sénégal tenu le 10 septembre 1937 et intitulée « Le problème culturel en A.O.F », il posait déjà le problème des langues nationales.



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