Al Hassane Hane a produit un rapport circonstancié sur les insuffisances de la flotte aérienne de Sénégalair. Il a tenté de dessiller une cécité administrative qui a conduit à la catastrophe, toujours pas élucidée, de l’aéronef de la compagnie, le 5 septembre 2015. Mal lui en a pris. Le technicien supérieur avionique, ancien militaire, dit subir toutes sortes de ‘‘persécutions’’ depuis. Des ennuis qui ont commencé en 2010 avec l’armée de l’air pour des histoires de terres. Son manque de compromission dans le dossier du crash le place à la croisée de difficultés. Avec ses qualifications aussi rares pour un métier aussi exigeant, Hane, au bout du rouleau, cherche boulot depuis quatre ans. Sa patience de Job sérieusement érodée, il pousse un coup de gueule dans nos locaux. En compagnie de sa femme et deux de leurs six enfants.
Venir à une interview avec femme et enfants est quelque chose d’inhabituel. Qu’est-ce qui se passe ?
Je voudrais m’adresser à tous les Sénégalais pour leur faire part d’une injustice dont je suis victime. Il s’agit d’un problème qui connaît ses débuts depuis mon passage à l’armée de l’air où j’ai été persécuté principalement par deux officiers supérieurs pour des histoires de terres. Je suis agent de l’Etat. Pour les besoins de la réussite de ma mission, j’avais demandé à loger à proximité du cantonnement, car c’était difficile de rejoindre le lieu de travail. Il fallait des fois intervenir d’urgence sur les aéronefs. Le commandement militaire aérien avait même diligenté ce dossier pour que je loge avec ma famille à Terme Sud, Ouakam. Mais il y eut un contentieux entre la coopérative militaire de construction (Comico) et Terme Sud. Quand je venais prendre ce logement, c’était pour fuir les tracasseries des logeurs civils. Si on demande de quitter le logement, il fallait au moins des mesures d’accompagnement, me donner le temps de me préparer. De surcroît, c’était un terrain qui appartenait à l’Etat du Sénégal, donc, qui n’était plus sous administration militaire. Si ces logements doivent être rétrocédés à des Sénégalais, ni le droit, la loi, ni les us et coutumes ne peuvent exclure les résidents légaux. Surtout si ces derniers demandent à l’Etat de leur accorder le droit de préemption. Nous avons reçu la visite de la Comico qui s’est appuyée sur nos supérieurs hiérarchiques, ceux qui m’ont attaqué de front, en demandant de quitter le logement, sinon je n’aurais droit ni à un avancement, ni à un quelconque stage.
Qu’est-ce qui est à la base de ces persécutions à votre avis ?
Je ne parlerais pas d’armée. Il s’agit simplement d’un groupe de personnes qui avaient pour ambition de faire partir des gens régulièrement installés pour s’approprier les terrains. Indigné, j’ai rencontré le chef d’état-major de l’armée de l’air et le chef de corps pour leur signifier qu’il ne s’agit pas d’un problème militaire. C’était à la justice de se prononcer, l’armée n’aurait pas dû se prononcer dessus. On ne devait me priver ni d’avancement, ni de stages. Ils m’ont fait comprendre qu’ils avaient reçu des ordres du Cemga Abdoulaye Fall. Je lui ai adressé une correspondance. J’ai été convoqué au bureau de la sécurité militaire pour enquête en 2010. J’ai tout fait pour leur expliquer qu’ils torpillaient ma carrière. Quand j’ai su que c’était une animosité, j’ai adressé une correspondance à l’Etat du Sénégal, au chef d’Etat et chef suprême des armées qu’est le Président de la République, au ministre des Forces armées, au Cemga, et au médiateur de la République. Je ne voulais pas d’intervention, mais leur arbitrage. Le médiateur m’a demandé d’attendre l’intervention du Chef de l’Etat. Mais, à cause d’obstructions, il n’y a pas eu de suites. Sauf qu’au ministère des Forces armées, j’ai été convoqué par un chef de cabinet civil, un certain M. Sonko, qui m’a fait part de son indignation et m’a dit qu’il avait même reçu l’ordre de déclasser le dossier, du moment que j’étais militaire. Il a refusé et je sais qu’il y a eu des tiraillements. Il se sont emparés du dossier tout de même et m’ont fait parvenir une réponse dérobée dans laquelle le ministre des Forces armées m’interdit à moi, citoyen sénégalais, la sortie du territoire national pour un quelconque stage. Ce qui n’était pas le cas pour les autres résidents de la cité. J’ai compris par la suite qu’il s’agissait d’un lobby. Aucune autorité n’a ce droit.
Est-ce que c’est dans ce contexte particulier que vous aviez décidé de quitter l’armée de l’air pour travailler dans le privé ?
Non, c’était avant de rejoindre le privé. Donc j’étais retenu, je n’avançais plus. A chaque fois que j’étais désigné pour un stage, les gens le bloquaient. Je voyais mes cadets me dépasser. Face à ces humiliations, et compte tenu qu’on ne peut rester dans l’armée en tenant tête à sa hiérarchie, ce qui est insensé et irrespectueux, j’ai décidé d’interrompre ma carrière militaire, malgré moi. Ceci, en faisant une demande de résiliation de contrat. Lorsque cette demande adressée au Cemga est parvenue au chef de corps, ce dernier n’a pas hésité à l’interrompre en y mentionnant : ‘‘ou que je sorte ou il ne laisserait pas passer cette demande’’. On est parti cacher cette demande au secrétariat de mon unité d’appartenance, en leur demandant de ne rien me dire. L’un d’eux m’a averti. Une semaine après, j’ai pu me procurer cette demande, en faire une copie et l’envoyer au Cemga. Ce dernier, surpris, a donné l’ordre de lui faire parvenir la résiliation le lendemain. C’était un mercredi, j’ai déposé la résiliation à 11 heures et à 15 heures, elle a été traitée. En mai 2011, j’ai finalement quitté l’armée de l’air. Malheureusement, lorsqu’il a fallu me donner les documents permanents d’un militaire à la retraite, ils ont bloqué mon certificat de bonne conduite. Ce devait être systématique. J’ai fait la demande pour qu’elle me soit restituée, mais le chef de corps a refusé. J’ai saisi la brigade prévôtale qui a saisi ce dernier, il a dit que ce certificat était en établissement. Jusqu’au moment où je vous parle, après six ans, ce document est retenu au niveau du corps de l’armée de l’air. Je demande la restitution immédiate et sans délais de ces documents.
Malgré tout vous avez quitté l’armée…
J’ai quitté. C’était au moment où la compagnie Sénégalair devait assurer la desserte régulière Dakar-Ziguinchor. Il y avait des impératifs : à savoir assurer la sécurité des vols, la réparation des aéronefs. Il n’y avait pas de véritables spécialistes. Le Dg de la compagnie a mandaté quelqu’un pour lui en chercher. Ce dernier, après des indications, est venu me trouver chez moi. De prime abord, j’avais refusé. Connaissant les antécédents de cette compagnie, avec des crashs où j’ai perdu des collègues, j’avais catégoriquement refusé. Je croyais même cette compagnie radiée de la plate-forme. C’était en septembre 2010, j’étais encore dans l’armée où j’étais en phase transitoire avec mes problèmes. Finalement, j’ai rencontré le Dg. Il m’a fait part de ses inquiétudes.
Dans un premier temps, j’ai accepté de l’aider. J’ai trouvé des Sénégalais qui devaient prendre tous les jours leurs vols et revenir. Pour moi, c’était une profession de foi. Pas de techniciens, alors que les gens prenaient l’avion. ‘‘Dama ci doon jaamu Yàllà’’. Je l’ai accompagné pendant cinq mois, jusqu’en mars 2011. C’est là qu’il m’a supplié de quitter l’armée pour venir assurer la maintenance de ses avions. Il a accepté de me fournir un contrat, alors que j’étais sous les drapeaux, un salaire, et une nomination comme chef des ateliers de maintenance. J’ai quitté l’armée pour venir le rejoindre. J’espérais, comme c’était convenu, que tout allait rentrer dans l’ordre. A ma grande surprise, il a renoué avec son comportement peu enviable de non-respect des normes. En tant que technicien, ayant étudié dans les académies d’aviation et travaillé pendant près de 30 ans, nous ne pouvons pas accepter certaines choses. On ne peut pas suspendre la vie des usagers en l’air et se permettre de jouer avec. C’est pourquoi je me suis battu, j’ai essayé de tout faire pour le ramener à la raison. Malheureusement pour moi, il bénéficiait de complicités.
Quand vous dites comportement peu enviable, à quoi faites-vous référence exactement ?
Là où il faut respecter la règlementation aéronautique, les impératifs de la maintenance, de l’exploitation des avions, on privilégie le profit.
Concrètement, cela veut dire que les avions prenaient les airs alors qu’ils n’étaient pas aux normes ?
J’essaie plus ou moins de ne pas révéler certaines choses, car le dossier est en instruction au tribunal, après le crash. Je ne peux pas divulguer certaines choses. Sachez tout simplement que rien de normal ne se passait dans la compagnie. Redoutant des accidents, j’en étais convaincu, je me suis battu d’abord avec ce Dg. Ensuite, avec les membres de la direction technique dont j’étais membre. Les autres étaient des gens qui n’avaient aucun contrat, cooptés comme ça, et qui ne pouvaient pas se permettre de tenir tête au directeur. Dans cette optique, je me suis rendu à la direction générale de l’aviation civile, où j’avais d’anciens collègues de l’armée, officiant en tant qu’inspecteurs. Je leur ai tenu un langage très clair. Malgré tout, les choses ont continué. Je ne voyais que des morts. J’ai alors pris sur moi l’initiative de faire un rapport circonstancié adressé au directeur général de l’Anacim, en avril 2013. J’ai été victime des rouages de l’administration. J’ai alors pris le soin d’en faire des ampliations au chef de l’Etat, au Premier ministre et à d’autres autorités. J’ai essayé de sensibiliser tous ceux qui pouvaient intervenir pour faire entendre raison au directeur. A la Primature, le dossier a été diligenté. Dans les autres ministères, ils m’ont bien reçu et m’ont demandé de rencontrer le Dg de l’Anacim, Maguèye Marame Ndao. C’est par la suite que l’actuel Dg a pris le dossier. Je suis technicien de maintenance, j’ai été témoin de faits suffisamment graves. Je n’avais pas le droit de fermer les yeux, alors que de paisibles citoyens risquaient de perdre la vie. J’ai rencontré deux élus à l’Assemblée nationale, rencontré le colonel Sow de l’Ofnac, en l’absence de Nafi Ngom Ndour. Ce dernier m’a reçu et m’a demandé de ne pas porter plainte. Qu’il allait diligenter le dossier. J’ai saisi les organismes de défense des droits de l’Homme pour les persécutions. Après la production de ce rapport, je me suis rendu compte qu’à tous les niveaux du système de l’aviation civile, j’étais victime de blocages.
Finalement, ce rapport vous a créé beaucoup de problèmes… ?
Il m’a énormément porté préjudice au lieu de rendre service à tout le monde. J’en suis actuellement à ma quatrième année de chômage.
Quelle application pratique en a été faite ?
Le rapport ne pouvait pas être négligé. La véritable application pratique est que, au vu de toutes les spécifications que j’ai eu à donner, les experts de l’aviation civile se sont transportés sur les lieux et ont constaté énormément de manquements. La compagnie a été mise à l’arrêt. De 2013 à 2015, elle n’a eu aucune exploitation. Elle disposait de trois avions. L’un d’eux, que j’ai décrit comme une épave dans le rapport, a été radié de la flotte. Le deuxième a simplement été arrêté, le troisième, dernier venu, qui n’avait qu’un an de présence dans la compagnie, devait faire l’objet de réparations. Ce qu’ils disent avoir fait. A ma grande surprise, c’est cet avion qui a crashé le 5 septembre 2015.
Mais pourquoi le Dg de l’Anacim ne vous a pas reçu, malgré les consignes supérieures ?
C’est étonnant. A un moment, j’y ai vu des gens qui m’ont pris pour un ennemi. Je n’en étais pas un. J’ai même essayé de les sauver. Dans le rapport, j’ai magnifié le travail qu’ils abattent sur la plate-forme. Ce que je voulais leur faire comprendre, c’est qu’il y avait des risques et qu’il ne fallait pas qu’ils laissent faire. Malheureusement, c’est arrivé. On déplore des orphelins, des veuves et des gens qui ne peuvent pas faire leur deuil, car les corps sont dans l’océan. Si ceux qui me reprochent de faire des sorties dans la presse, en me qualifiant de délateur, avaient daigné me recevoir, nous n’en serions pas là. Dans tout autre pays au monde, un acte aussi citoyen aurait été encouragé. Je ne demande pas à être reçu ou à être récompensé. Je demande à être rétabli dans mes droits. Personne n’a le droit de persécuter ma famille ou de la prendre pour de la chair à pâtée. Si les gens avaient suivi mes indications, cette compagnie n’aurait pas dû exister. Ils ont peut-être voulu bien faire, mais ont failli. Qu’ils acceptent que ce que je disais est là. Le temps de la maintenance n’est pas le temps de la palabre.
Vos compétences, technicien supérieur avionique, sont plutôt recherchées, mais vous êtes quand même au chômage ?
Dans aucun autre pays, je ne me permettrais d’être au chômage. C’est valable pour le Sénégal. Il n’y a pas une seule structure qui ne voudrait pas m’engager, au vu de mon expérience et de mes qualifications. On me bloque injustement. Je demande au chef de l’Etat de revoir cette situation. L’Etat du Sénégal ne doit pas laisser faire cette situation. Ma famille en pâtit et ce n’est pas juste. Je suis là, depuis quatre ans que ça dure. Toutes les autorités sont au courant de ce dossier et absolument rien n’est fait. [Ndlr : il perd le fil de son raisonnement devant son fils qui s’énerve. L’entretien s’arrête pendant quelques minutes].
Vous avez été initialement contacté pour l’enquête sur le crash du 5 septembre 2015. Qu’est-ce qui s’est passé depuis ?
J’ai été convoqué à l’aéroport pour faire partie de la commission d’enquête. J’ai été entendu par la gendarmerie. A la fin, un procès-verbal a été dressé à mon endroit et à l’endroit de tous ceux qui ont eu à passer devant la commission. Le dossier ficelé, un rapport a été adressé au président de la République. Depuis 2015, ceux qui sont censés avoir été entendus, devant s’expliquer pour leur responsabilité dans le crash, n’ont pas le droit de porter atteinte aux intérêts de ma famille. Dans tout autre pays, ces personnes impliquées dans le dossier seraient mises à l’écart. Aucune d’entre elles ne devrait continuer à jouer son rôle, histoire de ne pas avoir les possibilités de maquiller ce qui s’est réellement passé. La plupart de ceux qui me pourchassent sont de ces individus. Je ne suis pas un ennemi de la République. J’ai servi dans l’armée pendant plus de 25 ans. Je suis respectueux des autorités, puisque je leur rendais les honneurs quotidiennement. Contrairement à la déclaration du Dg de l’Anacim, je ne suis pas quelqu’un qui a égratigné la personnalité des autorités. Je ne peux pas me comparer à n’importe quel civil, après ce que j’ai fait pour ces autorités. Je demande au ministre [Ndlr : Thierno Alassane Sall dans un débat télévisé le 31 décembre 2015 dénonçant la sortie du technicien] de reconsidérer sa position. S’il est convaincu que je me suis attaqué à sa personne pour des faits aussi graves, il a la latitude de me traîner devant les tribunaux. Qu’il le fasse ou qu’il considère que cela n’est que pure invention. Qu’il réécoute la bande sonore et il verra que j’ai magnifié le travail de ses services. Le traitement qui en a été fait par la presse, je n’en suis pas responsable. Ce que j’ai dit, je l’ai consigné dans la bande sonore. [Pour cet entretien, il a également activé son dictaphone, ndlr]. Quant au frère cadet du Dg de la compagnie, me traitant de délateur méchant, c’est quelqu’un que je ne connaissais pas, du temps où j’y travaillais. J’évoluais dans le sens du respect des normes. Malheureusement, je n’ai pas été compris. Toutes ces persécutions à mon endroit n’ont pas leur raison d’être. Je dis à tous les Sénégalais épris de paix et de justice que je ne lâcherai ce dossier que quand l’Etat me restituera mes droits et reconsidérera le traitement qui est fait à ma famille. Que les autres veuillent remettre en cause mes compétences, ça les engage. Mais, aucun élément de l’air ne le fera, car j’ai eu à les instruire, à les tirer d’affaire. Je demande juste à être rétabli dans mes droits
Vous demandez quoi exactement ?
Quand l’Asecna lance un avis de vacances de poste, que je fournisse ma candidature, on me convoque à la direction générale, puis on me dit que l’entretien d’embauche a été reporté, quelques minutes après m’avoir reçu. Dans la plate-forme, je remarque tout est mis en œuvre pour que je ne sois embauché nulle part. J’ai beaucoup été victime de ces cas. Je n’accuse personne, mais on doit savoir qu’aucune compagnie, aucun service d’aviation ne rejetterait la candidature de quelqu’un qui a travaillé durant tout ce temps. Tout Sénégalais aurait pu se trouver dans ces avions. Le rapport que j’ai fourni a fouetté les consciences. Donc, je pense mériter plus de considération.
Je travaillais avec une licence décernée par la direction générale. Elle pouvait me permettre d’évoluer n’importe où. A l’heure actuelle, j’aurais pu aller travailler dans la sous-région ou dans les pays du Golfe. Je sais qu’aucune compagnie aérienne ne me rejettera. Mais avec ces tracasseries, la licence est dure à obtenir. Qu’ils me rétablissent dans mes droits ! Je ne suis pas dans les dispositions de traîner mon pays d’appartenance devant les juridictions. La situation est facile à gérer. Je rends grâce au Bon Dieu pour ces épreuves. Je sais que la vie de mes enfants n’est entre les mains de personne d’autre. Mon devoir est de me battre pour que cette situation ne les atteigne pas. J’ai confié ce dossier à la direction des retraités civils et militaires, récemment, dont le président a saisi les autorités. C’est le moment de demander au président de la République de se saisir de ce dossier, car la situation est inacceptable. Je n’accepterais pas d’être humilié pour des choses que je n’ai pas faites.
ENCADRE
AISSATOU DIOUF, SA FEMME
‘‘Je lui avais demandé de ne pas en parler’’
Nourrisson au dos, l’autre enfant en main, l’épouse de Al Hassane Hane a tenu elle aussi à s’exprimer sur des quotidiens à problème, depuis quatre ans.
Nous, membres de sa famille, sommes les grands perdants. Nous subissons les affres de cette triste situation. Voilà quatre ans que nous traversons des moments difficiles. D’ailleurs, un de mes fils est psychologiquement affecté par cette situation. Al Hassane n’a plus les moyens d’entretenir nos enfants. Il a été détruit de manière arbitraire. Et pourtant, je l’avais mis en garde. Nous sommes au Sénégal. On n’aime pas les gens qui ne font pas de compromis avec la vérité. Si vous dites des choses telles qu’elles sont, vous en subissez les conséquences. Vous ne serez jamais soutenu par ceux qui bénéficient du sacrifice dont vous avez fait montre. Je l’ai averti plusieurs fois de ne pas parler. Malheureusement, il n’a pas suivi mes conseils. Dans cette affaire, il a toujours mis en avant l’intérêt des autres en oubliant sa propre personne. Aujourd’hui, il paie le prix de son engagement. Actuellement, en tant que femme, je me débrouille pour entretenir la famille et nos six enfants. C’est une situation très difficile que j’essaie d’assumer péniblement. Nous voulons qu’il soit dédommagé par l’Etat, parce qu’il n’a jamais agi dans le but de compromettre les intérêts de ce dernier. S’il avait été écouté, je pense que cette situation n’allait pas avoir lieu. Malheureusement, il a été snobé par les autorités. Et pourtant, c’est un homme du sérail qui maîtrise son métier. Nous ne pouvons plus continuer à demander des soutiens. C’est un bon citoyen sénégalais. Donc, l’Etat doit faire en sorte qu’il puisse retrouver son travail, qu’il soit rétabli dans ses droits dignement. C’est quelqu’un qui se respecte. Il est resté quatre ans sans activités professionnelles.
Venir à une interview avec femme et enfants est quelque chose d’inhabituel. Qu’est-ce qui se passe ?
Je voudrais m’adresser à tous les Sénégalais pour leur faire part d’une injustice dont je suis victime. Il s’agit d’un problème qui connaît ses débuts depuis mon passage à l’armée de l’air où j’ai été persécuté principalement par deux officiers supérieurs pour des histoires de terres. Je suis agent de l’Etat. Pour les besoins de la réussite de ma mission, j’avais demandé à loger à proximité du cantonnement, car c’était difficile de rejoindre le lieu de travail. Il fallait des fois intervenir d’urgence sur les aéronefs. Le commandement militaire aérien avait même diligenté ce dossier pour que je loge avec ma famille à Terme Sud, Ouakam. Mais il y eut un contentieux entre la coopérative militaire de construction (Comico) et Terme Sud. Quand je venais prendre ce logement, c’était pour fuir les tracasseries des logeurs civils. Si on demande de quitter le logement, il fallait au moins des mesures d’accompagnement, me donner le temps de me préparer. De surcroît, c’était un terrain qui appartenait à l’Etat du Sénégal, donc, qui n’était plus sous administration militaire. Si ces logements doivent être rétrocédés à des Sénégalais, ni le droit, la loi, ni les us et coutumes ne peuvent exclure les résidents légaux. Surtout si ces derniers demandent à l’Etat de leur accorder le droit de préemption. Nous avons reçu la visite de la Comico qui s’est appuyée sur nos supérieurs hiérarchiques, ceux qui m’ont attaqué de front, en demandant de quitter le logement, sinon je n’aurais droit ni à un avancement, ni à un quelconque stage.
Qu’est-ce qui est à la base de ces persécutions à votre avis ?
Je ne parlerais pas d’armée. Il s’agit simplement d’un groupe de personnes qui avaient pour ambition de faire partir des gens régulièrement installés pour s’approprier les terrains. Indigné, j’ai rencontré le chef d’état-major de l’armée de l’air et le chef de corps pour leur signifier qu’il ne s’agit pas d’un problème militaire. C’était à la justice de se prononcer, l’armée n’aurait pas dû se prononcer dessus. On ne devait me priver ni d’avancement, ni de stages. Ils m’ont fait comprendre qu’ils avaient reçu des ordres du Cemga Abdoulaye Fall. Je lui ai adressé une correspondance. J’ai été convoqué au bureau de la sécurité militaire pour enquête en 2010. J’ai tout fait pour leur expliquer qu’ils torpillaient ma carrière. Quand j’ai su que c’était une animosité, j’ai adressé une correspondance à l’Etat du Sénégal, au chef d’Etat et chef suprême des armées qu’est le Président de la République, au ministre des Forces armées, au Cemga, et au médiateur de la République. Je ne voulais pas d’intervention, mais leur arbitrage. Le médiateur m’a demandé d’attendre l’intervention du Chef de l’Etat. Mais, à cause d’obstructions, il n’y a pas eu de suites. Sauf qu’au ministère des Forces armées, j’ai été convoqué par un chef de cabinet civil, un certain M. Sonko, qui m’a fait part de son indignation et m’a dit qu’il avait même reçu l’ordre de déclasser le dossier, du moment que j’étais militaire. Il a refusé et je sais qu’il y a eu des tiraillements. Il se sont emparés du dossier tout de même et m’ont fait parvenir une réponse dérobée dans laquelle le ministre des Forces armées m’interdit à moi, citoyen sénégalais, la sortie du territoire national pour un quelconque stage. Ce qui n’était pas le cas pour les autres résidents de la cité. J’ai compris par la suite qu’il s’agissait d’un lobby. Aucune autorité n’a ce droit.
Est-ce que c’est dans ce contexte particulier que vous aviez décidé de quitter l’armée de l’air pour travailler dans le privé ?
Non, c’était avant de rejoindre le privé. Donc j’étais retenu, je n’avançais plus. A chaque fois que j’étais désigné pour un stage, les gens le bloquaient. Je voyais mes cadets me dépasser. Face à ces humiliations, et compte tenu qu’on ne peut rester dans l’armée en tenant tête à sa hiérarchie, ce qui est insensé et irrespectueux, j’ai décidé d’interrompre ma carrière militaire, malgré moi. Ceci, en faisant une demande de résiliation de contrat. Lorsque cette demande adressée au Cemga est parvenue au chef de corps, ce dernier n’a pas hésité à l’interrompre en y mentionnant : ‘‘ou que je sorte ou il ne laisserait pas passer cette demande’’. On est parti cacher cette demande au secrétariat de mon unité d’appartenance, en leur demandant de ne rien me dire. L’un d’eux m’a averti. Une semaine après, j’ai pu me procurer cette demande, en faire une copie et l’envoyer au Cemga. Ce dernier, surpris, a donné l’ordre de lui faire parvenir la résiliation le lendemain. C’était un mercredi, j’ai déposé la résiliation à 11 heures et à 15 heures, elle a été traitée. En mai 2011, j’ai finalement quitté l’armée de l’air. Malheureusement, lorsqu’il a fallu me donner les documents permanents d’un militaire à la retraite, ils ont bloqué mon certificat de bonne conduite. Ce devait être systématique. J’ai fait la demande pour qu’elle me soit restituée, mais le chef de corps a refusé. J’ai saisi la brigade prévôtale qui a saisi ce dernier, il a dit que ce certificat était en établissement. Jusqu’au moment où je vous parle, après six ans, ce document est retenu au niveau du corps de l’armée de l’air. Je demande la restitution immédiate et sans délais de ces documents.
Malgré tout vous avez quitté l’armée…
J’ai quitté. C’était au moment où la compagnie Sénégalair devait assurer la desserte régulière Dakar-Ziguinchor. Il y avait des impératifs : à savoir assurer la sécurité des vols, la réparation des aéronefs. Il n’y avait pas de véritables spécialistes. Le Dg de la compagnie a mandaté quelqu’un pour lui en chercher. Ce dernier, après des indications, est venu me trouver chez moi. De prime abord, j’avais refusé. Connaissant les antécédents de cette compagnie, avec des crashs où j’ai perdu des collègues, j’avais catégoriquement refusé. Je croyais même cette compagnie radiée de la plate-forme. C’était en septembre 2010, j’étais encore dans l’armée où j’étais en phase transitoire avec mes problèmes. Finalement, j’ai rencontré le Dg. Il m’a fait part de ses inquiétudes.
Dans un premier temps, j’ai accepté de l’aider. J’ai trouvé des Sénégalais qui devaient prendre tous les jours leurs vols et revenir. Pour moi, c’était une profession de foi. Pas de techniciens, alors que les gens prenaient l’avion. ‘‘Dama ci doon jaamu Yàllà’’. Je l’ai accompagné pendant cinq mois, jusqu’en mars 2011. C’est là qu’il m’a supplié de quitter l’armée pour venir assurer la maintenance de ses avions. Il a accepté de me fournir un contrat, alors que j’étais sous les drapeaux, un salaire, et une nomination comme chef des ateliers de maintenance. J’ai quitté l’armée pour venir le rejoindre. J’espérais, comme c’était convenu, que tout allait rentrer dans l’ordre. A ma grande surprise, il a renoué avec son comportement peu enviable de non-respect des normes. En tant que technicien, ayant étudié dans les académies d’aviation et travaillé pendant près de 30 ans, nous ne pouvons pas accepter certaines choses. On ne peut pas suspendre la vie des usagers en l’air et se permettre de jouer avec. C’est pourquoi je me suis battu, j’ai essayé de tout faire pour le ramener à la raison. Malheureusement pour moi, il bénéficiait de complicités.
Quand vous dites comportement peu enviable, à quoi faites-vous référence exactement ?
Là où il faut respecter la règlementation aéronautique, les impératifs de la maintenance, de l’exploitation des avions, on privilégie le profit.
Concrètement, cela veut dire que les avions prenaient les airs alors qu’ils n’étaient pas aux normes ?
J’essaie plus ou moins de ne pas révéler certaines choses, car le dossier est en instruction au tribunal, après le crash. Je ne peux pas divulguer certaines choses. Sachez tout simplement que rien de normal ne se passait dans la compagnie. Redoutant des accidents, j’en étais convaincu, je me suis battu d’abord avec ce Dg. Ensuite, avec les membres de la direction technique dont j’étais membre. Les autres étaient des gens qui n’avaient aucun contrat, cooptés comme ça, et qui ne pouvaient pas se permettre de tenir tête au directeur. Dans cette optique, je me suis rendu à la direction générale de l’aviation civile, où j’avais d’anciens collègues de l’armée, officiant en tant qu’inspecteurs. Je leur ai tenu un langage très clair. Malgré tout, les choses ont continué. Je ne voyais que des morts. J’ai alors pris sur moi l’initiative de faire un rapport circonstancié adressé au directeur général de l’Anacim, en avril 2013. J’ai été victime des rouages de l’administration. J’ai alors pris le soin d’en faire des ampliations au chef de l’Etat, au Premier ministre et à d’autres autorités. J’ai essayé de sensibiliser tous ceux qui pouvaient intervenir pour faire entendre raison au directeur. A la Primature, le dossier a été diligenté. Dans les autres ministères, ils m’ont bien reçu et m’ont demandé de rencontrer le Dg de l’Anacim, Maguèye Marame Ndao. C’est par la suite que l’actuel Dg a pris le dossier. Je suis technicien de maintenance, j’ai été témoin de faits suffisamment graves. Je n’avais pas le droit de fermer les yeux, alors que de paisibles citoyens risquaient de perdre la vie. J’ai rencontré deux élus à l’Assemblée nationale, rencontré le colonel Sow de l’Ofnac, en l’absence de Nafi Ngom Ndour. Ce dernier m’a reçu et m’a demandé de ne pas porter plainte. Qu’il allait diligenter le dossier. J’ai saisi les organismes de défense des droits de l’Homme pour les persécutions. Après la production de ce rapport, je me suis rendu compte qu’à tous les niveaux du système de l’aviation civile, j’étais victime de blocages.
Finalement, ce rapport vous a créé beaucoup de problèmes… ?
Il m’a énormément porté préjudice au lieu de rendre service à tout le monde. J’en suis actuellement à ma quatrième année de chômage.
Quelle application pratique en a été faite ?
Le rapport ne pouvait pas être négligé. La véritable application pratique est que, au vu de toutes les spécifications que j’ai eu à donner, les experts de l’aviation civile se sont transportés sur les lieux et ont constaté énormément de manquements. La compagnie a été mise à l’arrêt. De 2013 à 2015, elle n’a eu aucune exploitation. Elle disposait de trois avions. L’un d’eux, que j’ai décrit comme une épave dans le rapport, a été radié de la flotte. Le deuxième a simplement été arrêté, le troisième, dernier venu, qui n’avait qu’un an de présence dans la compagnie, devait faire l’objet de réparations. Ce qu’ils disent avoir fait. A ma grande surprise, c’est cet avion qui a crashé le 5 septembre 2015.
Mais pourquoi le Dg de l’Anacim ne vous a pas reçu, malgré les consignes supérieures ?
C’est étonnant. A un moment, j’y ai vu des gens qui m’ont pris pour un ennemi. Je n’en étais pas un. J’ai même essayé de les sauver. Dans le rapport, j’ai magnifié le travail qu’ils abattent sur la plate-forme. Ce que je voulais leur faire comprendre, c’est qu’il y avait des risques et qu’il ne fallait pas qu’ils laissent faire. Malheureusement, c’est arrivé. On déplore des orphelins, des veuves et des gens qui ne peuvent pas faire leur deuil, car les corps sont dans l’océan. Si ceux qui me reprochent de faire des sorties dans la presse, en me qualifiant de délateur, avaient daigné me recevoir, nous n’en serions pas là. Dans tout autre pays au monde, un acte aussi citoyen aurait été encouragé. Je ne demande pas à être reçu ou à être récompensé. Je demande à être rétabli dans mes droits. Personne n’a le droit de persécuter ma famille ou de la prendre pour de la chair à pâtée. Si les gens avaient suivi mes indications, cette compagnie n’aurait pas dû exister. Ils ont peut-être voulu bien faire, mais ont failli. Qu’ils acceptent que ce que je disais est là. Le temps de la maintenance n’est pas le temps de la palabre.
Vos compétences, technicien supérieur avionique, sont plutôt recherchées, mais vous êtes quand même au chômage ?
Dans aucun autre pays, je ne me permettrais d’être au chômage. C’est valable pour le Sénégal. Il n’y a pas une seule structure qui ne voudrait pas m’engager, au vu de mon expérience et de mes qualifications. On me bloque injustement. Je demande au chef de l’Etat de revoir cette situation. L’Etat du Sénégal ne doit pas laisser faire cette situation. Ma famille en pâtit et ce n’est pas juste. Je suis là, depuis quatre ans que ça dure. Toutes les autorités sont au courant de ce dossier et absolument rien n’est fait. [Ndlr : il perd le fil de son raisonnement devant son fils qui s’énerve. L’entretien s’arrête pendant quelques minutes].
Vous avez été initialement contacté pour l’enquête sur le crash du 5 septembre 2015. Qu’est-ce qui s’est passé depuis ?
J’ai été convoqué à l’aéroport pour faire partie de la commission d’enquête. J’ai été entendu par la gendarmerie. A la fin, un procès-verbal a été dressé à mon endroit et à l’endroit de tous ceux qui ont eu à passer devant la commission. Le dossier ficelé, un rapport a été adressé au président de la République. Depuis 2015, ceux qui sont censés avoir été entendus, devant s’expliquer pour leur responsabilité dans le crash, n’ont pas le droit de porter atteinte aux intérêts de ma famille. Dans tout autre pays, ces personnes impliquées dans le dossier seraient mises à l’écart. Aucune d’entre elles ne devrait continuer à jouer son rôle, histoire de ne pas avoir les possibilités de maquiller ce qui s’est réellement passé. La plupart de ceux qui me pourchassent sont de ces individus. Je ne suis pas un ennemi de la République. J’ai servi dans l’armée pendant plus de 25 ans. Je suis respectueux des autorités, puisque je leur rendais les honneurs quotidiennement. Contrairement à la déclaration du Dg de l’Anacim, je ne suis pas quelqu’un qui a égratigné la personnalité des autorités. Je ne peux pas me comparer à n’importe quel civil, après ce que j’ai fait pour ces autorités. Je demande au ministre [Ndlr : Thierno Alassane Sall dans un débat télévisé le 31 décembre 2015 dénonçant la sortie du technicien] de reconsidérer sa position. S’il est convaincu que je me suis attaqué à sa personne pour des faits aussi graves, il a la latitude de me traîner devant les tribunaux. Qu’il le fasse ou qu’il considère que cela n’est que pure invention. Qu’il réécoute la bande sonore et il verra que j’ai magnifié le travail de ses services. Le traitement qui en a été fait par la presse, je n’en suis pas responsable. Ce que j’ai dit, je l’ai consigné dans la bande sonore. [Pour cet entretien, il a également activé son dictaphone, ndlr]. Quant au frère cadet du Dg de la compagnie, me traitant de délateur méchant, c’est quelqu’un que je ne connaissais pas, du temps où j’y travaillais. J’évoluais dans le sens du respect des normes. Malheureusement, je n’ai pas été compris. Toutes ces persécutions à mon endroit n’ont pas leur raison d’être. Je dis à tous les Sénégalais épris de paix et de justice que je ne lâcherai ce dossier que quand l’Etat me restituera mes droits et reconsidérera le traitement qui est fait à ma famille. Que les autres veuillent remettre en cause mes compétences, ça les engage. Mais, aucun élément de l’air ne le fera, car j’ai eu à les instruire, à les tirer d’affaire. Je demande juste à être rétabli dans mes droits
Vous demandez quoi exactement ?
Quand l’Asecna lance un avis de vacances de poste, que je fournisse ma candidature, on me convoque à la direction générale, puis on me dit que l’entretien d’embauche a été reporté, quelques minutes après m’avoir reçu. Dans la plate-forme, je remarque tout est mis en œuvre pour que je ne sois embauché nulle part. J’ai beaucoup été victime de ces cas. Je n’accuse personne, mais on doit savoir qu’aucune compagnie, aucun service d’aviation ne rejetterait la candidature de quelqu’un qui a travaillé durant tout ce temps. Tout Sénégalais aurait pu se trouver dans ces avions. Le rapport que j’ai fourni a fouetté les consciences. Donc, je pense mériter plus de considération.
Je travaillais avec une licence décernée par la direction générale. Elle pouvait me permettre d’évoluer n’importe où. A l’heure actuelle, j’aurais pu aller travailler dans la sous-région ou dans les pays du Golfe. Je sais qu’aucune compagnie aérienne ne me rejettera. Mais avec ces tracasseries, la licence est dure à obtenir. Qu’ils me rétablissent dans mes droits ! Je ne suis pas dans les dispositions de traîner mon pays d’appartenance devant les juridictions. La situation est facile à gérer. Je rends grâce au Bon Dieu pour ces épreuves. Je sais que la vie de mes enfants n’est entre les mains de personne d’autre. Mon devoir est de me battre pour que cette situation ne les atteigne pas. J’ai confié ce dossier à la direction des retraités civils et militaires, récemment, dont le président a saisi les autorités. C’est le moment de demander au président de la République de se saisir de ce dossier, car la situation est inacceptable. Je n’accepterais pas d’être humilié pour des choses que je n’ai pas faites.
ENCADRE
AISSATOU DIOUF, SA FEMME
‘‘Je lui avais demandé de ne pas en parler’’
Nourrisson au dos, l’autre enfant en main, l’épouse de Al Hassane Hane a tenu elle aussi à s’exprimer sur des quotidiens à problème, depuis quatre ans.
Nous, membres de sa famille, sommes les grands perdants. Nous subissons les affres de cette triste situation. Voilà quatre ans que nous traversons des moments difficiles. D’ailleurs, un de mes fils est psychologiquement affecté par cette situation. Al Hassane n’a plus les moyens d’entretenir nos enfants. Il a été détruit de manière arbitraire. Et pourtant, je l’avais mis en garde. Nous sommes au Sénégal. On n’aime pas les gens qui ne font pas de compromis avec la vérité. Si vous dites des choses telles qu’elles sont, vous en subissez les conséquences. Vous ne serez jamais soutenu par ceux qui bénéficient du sacrifice dont vous avez fait montre. Je l’ai averti plusieurs fois de ne pas parler. Malheureusement, il n’a pas suivi mes conseils. Dans cette affaire, il a toujours mis en avant l’intérêt des autres en oubliant sa propre personne. Aujourd’hui, il paie le prix de son engagement. Actuellement, en tant que femme, je me débrouille pour entretenir la famille et nos six enfants. C’est une situation très difficile que j’essaie d’assumer péniblement. Nous voulons qu’il soit dédommagé par l’Etat, parce qu’il n’a jamais agi dans le but de compromettre les intérêts de ce dernier. S’il avait été écouté, je pense que cette situation n’allait pas avoir lieu. Malheureusement, il a été snobé par les autorités. Et pourtant, c’est un homme du sérail qui maîtrise son métier. Nous ne pouvons plus continuer à demander des soutiens. C’est un bon citoyen sénégalais. Donc, l’Etat doit faire en sorte qu’il puisse retrouver son travail, qu’il soit rétabli dans ses droits dignement. C’est quelqu’un qui se respecte. Il est resté quatre ans sans activités professionnelles.