Affaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar : la Justice sur la place publique

Rédigé par Dakarposte le Lundi 27 Février 2017 à 09:25 modifié le Lundi 27 Février 2017 09:29

Les auditions de Khalifa Sall au niveau de la Direction des investigations criminelles (Dic) et le rapport de l’Inspection générale d’Etat (Ige), à l’origine de l’enquête diligentée par le Procureur, passionnent énormément, actuellement les Sénégalais. Et pour cause ! Tous les éléments de l’affaire sont étalés sur la place publique. Nous savons ce que contient le rapport de l’Ige alors qu’il n’a été remis qu’au Président de la République qui vient de le transmettre au Parquet. Tout le monde est au courant de ce que l’on reproche à Khalifa Sall, le Maire de Dakar, ordonnateur des dépenses de la Mairie.

Pis, les noms des personnes interrogées par les enquêteurs sont connus. Et ce qui est plus étonnant même, c’est que nous savons exactement ce qu’ils ont dit par rapport à ce que l’on peut appeler les éléments à charge. Du coup, des fonctionnaires qui étaient dans l’anonymat jusqu’ici sont devenus subitement populaires. Il s’agit du coordonnateur de l’Inspection générale des affaires municipales, Amadou Moctar Diop, du Daf, Mbaye Touré, du Chef de la division financière et comptable, Ibrahima Yatma Diao, etc. A ces personnes, on a fait dire des choses et on les met subitement dans une posture de rebelles et de délateurs par rapport à leur premier employeur, le Maire de Dakar, qu’ils auraient mouillés.

Sans se soucier outre mesure des conséquences qui seront désormais très graves dans une Mairie qui avait d’autres priorités, on a organisé des fuites de procès-verbaux d’enquêtes pour les mettre à la disposition de journalistes qui n’ont fait que leur travail. Or, comme nous le savons tous, l’enquête ne peut pas se mener sur la place publique. Il en est de même de l’instruction qui a besoin d’un minimum de secret pour garder l’objectivité nécessaire. Pourtant, quand nos confrères du « Le Quotidien » avaient publié in extenso le Pv de l’audition de Thione Seck, ils ont été même convoqués pour cela. Et c’est loin d’être le seul exemple.

Manifestement, en haut lieu, on a voulu que tout le monde sache. Il s’agit de bâtir une opinion publique défavorable à un homme politique que l’on veut présenter comme quelqu’un de véreux. Et pour cela, on n’attend même pas de rassembler des preuves pour un procès qui sera public et contradictoire. Il faut faire mal et tout de suite, au risque de tordre le coup aux fondamentaux qui guident le fonctionnement de l’enquête dans ce genre d’affaire. Et il y a autre chose de grave dans cette affaire. C’est que tout le monde s’érige Procureur ou défenseur, selon le camp où il se trouve.

Certains disent tout haut que Khalifa a commis des actes graves de détournement de fonds publics tandis que d’autres arguent qu’il ne s’agit que de règlement de compte politique. Pour les hommes politiques, on les comprend, mais cela devient de plus en plus inquiétant quand ce sont des journalistes qui montent au créneau pour des déclarations graves sur la culpabilité d’une personne qui n’est même pas encore inculpée. Les sorties et déclarations de culpabilité font légion dans les colonnes de nos canards et autre organes comme les sites.

Dans ces conditions, on le devine assez bien, la Justice en tant qu’idéal, s’éloigne car elle ne saurait s’exercer sur la place publique au risque de violer les droits sacrés des présumés innocents qui sont indexés. Dans notre pays, la présomption d’innocence ne signifie plus rien. Si les Pv d’enquête sont publiés au fur et à mesure de l’évolution du dossier, cela veut dire que l’Etat ne cherche pas à éclairer la lanterne du juge, mais celui du citoyen. Il s’agit moins de le faire condamner par la Justice que par le citoyen qui pourra ainsi s’en détourner, électoralement s’entend. C’est dire qu’on est ici en pleine bataille politique. Or, la politique et le droit ne font jamais bon ménage.

Assane Samb
Dakarmatin.com
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