L’As : Vous faites partie de ceux qui alimentent le débat sur les contrats pétroliers. Qu’est-ce qui est irrégulier dans cette affaire Petro Tim ?
Tout est irrégulier du 17 janvier 2012, date de la signature du contrat jusqu’au 19 juin 2012, date de la signature du décret. Au lendemain du départ de Me Abdoulaye Wade de la Présidence de la République, le britannique Tullow Oil avait attaqué le contrat signé par Karim Wade. Aussitôt, le Président Macky Sall a trouvé une belle occasion d’étrangler Karim Wade et son père. C’est ainsi qu’il a transmis le dossier à l’Inspection générale d’Etat (Ige). A la suite de ses investigations, l’Ige a fait des recommandations et la plus importante, c’était d’annuler le contrat signé par Karim Wade. Le Président Macky Sall, qui était dans ces dispositions, a finalement changé de posture, car Eddie Wang et son ami Frank Timis se sont rapprochés du frère du Président Aliou Sall. Ce dernier a décanté la situation en intervenant auprès de son frère. Le 19 juin 2012, le président de la République a signé un décret pour attribuer les licences Saint Louis et Kayar à la compagnie Petro Tim limited créée le 19 janvier 2012, c’est-à-dire deux jours après la signature du contrat par Karim Wade qui n’avait pas respecté le code pétrolier sénégalais.
Pourtant, le Président Macky Sall n’ignorait pas cet aspect, compte tenu de son parcours de Petrosen à la Présidence de la République. A cela, s’ajoutent les résultats de l’enquête menée par l’Inspection générale d’Etat. Donc le Président a sciemment signé un décret qui s’est basé sur un mauvais contrat.
Pour vraiment fermer ce chapitre et jouer la carte de la transparence, nous n’avions pas besoin de tout ce discours de politique pétrolière. Il faut juste déclassifier le rapport de l’Ige avant la date du 19 juin 2012 qui marque la signature de ce décret qui, aujourd’hui, est à la base du feuilleton pétrolier et gazier du Sénégal. Et tenez-vous bien, c’est ce qui a précipité le départ de Mme Nafy Ngom Keita de l’Ige. Petro Tim est à la base du départ de Nafy Ngom Keita de l’Ige. C’est encore Petro Tim qui est à l’origine du départ de Mme Keïta de l’Ofnac.
Vous parlez du «Hit and run» de Aliou Sall. En quoi son intervention est suspecte?
Hit and run c’est du «dorr» au Sénégal. C’est le transfert effectué le 3 juillet 2014 entre la compagnie Petro Tim limited et Timis corporation qui me faisait dire «hit and run». Ce qui s’est passé, c’est du jamais vu dans le monde du pétrole. Il y a eu un transfert gratuit à 100% de Petro Tim limited à Timis corporation. Dans un document de Kosmos présenté au gouvernement fédéral américain, Kosmos explique le processus qui a conduit à son entrée dans le pétrole et gaz sénégalais. Il est clairement dit qu’une vente d’actifs s’est opérée entre Petro Tim limited et Timis corporation. Ce qui est appelé dans ce document : «assets purchase agreement», c’est-à-dire convention d’achat d’actifs où il y a au moins un vendeur et un acheteur. Une vente d’actifs n’a rien à voir avec l’exploration, car c’est la période d’’exploration qui est exonérée de taxes, même si après on s’est rendu compte que cette vente était fictive.
Vous voulez dire que le Premier ministre Dionne a donné de fausses informations. Qu’est-ce qui est faux ? Disposez-vous de documents pour corroborer vos allégations ?
Oui bien sûr, et tout au long de son discours. Il a dit que sur 168 puits, ce sont 8 puits qui ont été testés positifs et c’est sous Macky Sall. C’est énorme et cela vient d’un Premier ministre. Où va-t-il mettre le gaz exploité à Gadiaga par Forteza? Il a aussi évoqué une liste de compagnies qui sont rentrées sans succès. Et dans la foulée, il parle de Shell, de Vanco entre autres compagnies. Il a cependant oublié de dire aussi que Vanco avait présenté un rapport à l’Etat du Sénégal en mai 2000, au moment où l’actuel chef de l’Etat était chef de division de la banque de données de Petrosen. Ce rapport disait déjà en mai 2000 que l’Etat du Sénégal doit s’atteler à installer immédiatement des pipelines en passant par le détroit de Gibraltar et vers l’Espagne afin de vendre, dans un futur très proche, à l’Europe du gaz. Je dis bien vendre du gaz à l’Europe qui subit le diktat Russe. Ceux qui parlent de délit d’initiés savent bien de quoi ils parlent. Le Premier ministre a aussi déclaré que les découvertes de Kosmos et de Timis ont vraiment donné de l’espoir au Sénégal. Encore faux, car c’est à Far Limited (compagnie australienne) que Me Wade avait donné la licence. Par la suite, celle-ci a trouvé des partenaires comme Cairn et Conoco Philips qui ont démontré aux yeux du monde que le Sénégal a des potentialités énormes de gaz et du pétrole suite aux découvertes de 2014 et non en 2016 par Kosmos.
Il a aussi soutenu que Timis avait acheté la maison-mère de Petro Tim Limited, c’est-à-dire Petroasia Limited basé à Hong Kong, certainement pour écarter cette histoire de taxe sur la vente d’actifs entre Timis et Petro Tim limited. Avec cette déclaration, il prend le contrepied de tous les anciens responsables de Petrosen qui nous parlaient de la procédure de cessation d’actions, car ces derniers disaient que sur chaque transfert entre un contractant et une compagnie étrangère du contrat, l’un des contractants a son droit de préemption et ce transfert doit être approuvé par le ministre de l’Energie. C’est ce qui s’est passé avec Petro Limited. Et Timis Corporation, qui est désormais le propriétaire de Petro Tim Limited, suivant le raisonnement du Premier ministre, n’allait pas subir cette histoire de droit de préemption car Petro Tim est la filiale de Timis corporation. Si on se base sur ce document américain, le Sénégal s’était bel est bien abstenu d’imposer son droit de préemption. En fin de compte, c’est lui-même que le procureur de la République devrait convoquer pour avoir raconté des histoires. Dans le deed of transfert et l’organigramme de Petroasia, vous remarquerez bien que le contrat est signé en janvier 2012, le décret en juin 2012. Cela se trouve bien dans le document «Assets purchase agreement» entre Petro Tim et Timis corporation et non Farmout et Farmin comme le soutient le Premier ministre.
Pourquoi êtes-vous si critique contre le régime. On vous soupçonne d’avoir des accointances avec l’opposition. Avez-vous des ambitions politiques ?
Cela dépend de ce que vous appelez «critique» et «accointances avec l’opposition» ? Est-ce que c’est dire que le compte bancaire de la Bank of America attribué à Macky Sall par Samuel Sarr est du faux ? Est-ce que c’est dire que le Président a signé un décret suite à un mauvais contrat ? Un contrat qui, au fait, n’a pas respecté le code pétrolier sénégalais. Est-ce que c’est dire que le frère du Président est trempé dans l’affaire Petro Tim ? Si c’est cela, je suis alors foncièrement critique. Quant à une ambition politique, en ce moment où je vous parle, la réponse est non. Maintenant, je suis sénégalais et j’ai parfaitement le droit de me lancer dans la politique si je le souhaite. Je n’ai aucune relation avec l’opposition ; si ce n’est la même relation que celle que j’avais avec Macky Sall, Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse. Et la liste est loin d’être exhaustive.
On ne vous entend plus souvent sur «Rfm». Il se dit que votre collaboration a été interrompue à la suite de pression du Palais. Qu’en est-il réellement ?
Ah bon, vous venez alors de me l’apprendre. Il faut que les gens apprennent à respecter leurs semblables. Jusqu’au moment où je vous parle, la radio avec laquelle je collabore n’est pas dirigée par le Palais, à ce que je sache. C’est une équipe de patriotes qui fait son travail de communication en informant le peuple. Les gens sont libres de zapper, mais ils ne pourront jamais transformer les journalistes et reporters de cette belle radio en hommes politiques. La radio n’est pas là pour faire la politique à la place des politiciens voire des opposants…
L’As