Sur l’avenue George Pompidou, en plein centre de Dakar, un flot ininterrompu de véhicules. Dans ce quartier rassemblant grandes institutions, banques et commerces de rue, les Sénégalais vaquent à leurs occupations.
Devant le kiosque à journaux, un petit groupe de personnes discute, contemplant les unes des quotidiens. Toutes sont consacrées au dernier développement du séisme politique qui secoue le Sénégal : l’interruption de l’élection présidentielle du 25 février par le président Macky Sall, puis son report au 15 décembre par l’Assemblée nationale.
"Dépêchez-vous, prenez-en un maintenant, ils partent vite en ce moment" plaisante un client.
Derrière le calme ambiant, le sujet est sur toutes les lèvres. "Quand les deux mandats sont finis, il faut partir. Il faut respecter l’alternance. Nous, ce que nous voulons, c’est du changement", assène Abdoulaye, d’un ton affable mais résolu. Un changement en premier lieu économique. L’homme de 42 ans est chauffeur de "Tiak Tiak", ces motos-taxis qui sillonnent nuit et jour la capitale sénégalaise. Il en tire 10 000 francs CFA par jour, soit 15 euros, dont il doit déduire le carburant. Le reste, il l’envoie en Casamance, au sud du pays, où il a laissé sa femme et ses quatre enfants il y a trois ans.
"Le Sénégalais n’est pas violent"
Soutien de l’opposant Ousmane Sonko, dont la candidature a été invalidée, il comptait voter pour son candidat de substitution, Bassirou Diomaye Faye. Le report de l’élection présidentielle est une pilule dure à avaler mais Abdoulaye n’est pas surpris par le calme qui prévaut dans les rues de Dakar.
"Le Sénégalais n’est pas violent. La mobilisation populaire de l’année dernière a provoqué des destructions qui ont beaucoup choqué", évoque-t-il, en référence aux heurts consécutifs à la condamnation d’Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour une affaire de mœurs.
"Et puis, il y a le danger. Beaucoup de jeunes manifestants sont toujours en prison. Le gouvernement a pris des mesures pour interdire les manifestations et on sait maintenant qu’il est prêt à répondre".
Au moins 23 personnes ont perdu la vie lors des violences du 1 et 2 juin 2023, selon Amnesty International, qui avait dénoncé un usage excessif par les forces de l’ordre.
Appels à la mobilisation
Dans le quartier du Plateau, l’un des plus anciens de la capitale, nombreux sont ceux qui revendiquent leur soutien au camp Sonko. Certains se montrent fatalistes comme Abdoulaye, pour qui le combat contre le report de l’élection est déjà perdu. D’autres estiment qu’il faut maintenir la pression sur le gouvernement et manifester son opposition.
"Plusieurs candidats se sont engagés à faire campagne malgré le report. Même si cette tendance n’est pas massive, c’est un acte fort qu’il faut poursuivre", estime Abdourahmane, vendeur-artisan dans les méandres du marché Sandaga, le plus grand de Dakar.
"Les Sénégalais sont patients, nous attendons le résultat des recours auprès du Conseil constitutionnel et de la Cour suprême. Mais ce qui est sûr, c’est que pour moi au 2 avril, date de la fin de son mandat, Macky Sall n’est plus président".
Un collectif rassemblant une quarantaine d’organisations issues de la société civile a tenu une conférence de presse à Dakar, jeudi 8 février, évoquant une série de mobilisations à venir dans les mosquées, les églises ainsi que les écoles, et agitant la possibilité d’une grève. Autant d’actions visant un même objectif : le rétablissement du processus électoral pour la tenue du scrutin le 25 février.
"Profonde déception"
Sur la place de l'Indépendance, où se côtoient employés de bureau et travailleurs à la sauvette, quelques voix affirment timidement soutenir la majorité. Tout en exprimant leur déception quant au report de l’élection. "Macky Sall nous a mis un coup KO [expression signifiant remporter la présidentielle au premier tour NDLR]", ironise un jeune cadre en costume bleu, comparant le report de l’élection à une victoire dès le premier tour.
"Personnellement, j’avais prévu de voter pour un candidat de la paix", indique-t-il, jugeant le Pastef, parti d’Ousmane Sonko désormais dissous, trop radical à son goût. "J’aurais choisi l’un des candidats issus de la majorité présidentielle ou bien Karim Wade que j’aime beaucoup. J’étais très déçu qu’il ne puisse pas se présenter pour cette histoire de double nationalité. Mais je ne souhaite pas m’étendre, je ne suis pas trop à l’aise sur ces sujets", conclut-t-il en s’éclipsant poliment.
Plus loin, assis sur un banc, Enorck, un jeune comptable d’origine béninoise se fait cirer les chaussures. "Moi, je ne fais pas de politique et je comprends que Macky Sall soit très critiqué aujourd’hui", concède-t-il. "Mais on peut quand même lui reconnaître qu’il n’a pas chômé durant ses deux mandats. Les infrastructures, le développement… Le Sénégal est un poumon économique dans la sous-région. C’est pour ça que je suis venu y faire mes études et que j’y travaille".
À côté de lui, un agent de la sécurité de la mairie de Dakar écoute, l’air dubitatif. Lui considère que ces grands chantiers ont plutôt été amorcés par son prédécesseur Abdoulaye Wade. "Macky Sall n’a fait que suivre". Il se dit "surpris" et "profondément déçu" par le report du scrutin dont il considère l’actuel président comme seul responsable.
Devant le kiosque à journaux, un petit groupe de personnes discute, contemplant les unes des quotidiens. Toutes sont consacrées au dernier développement du séisme politique qui secoue le Sénégal : l’interruption de l’élection présidentielle du 25 février par le président Macky Sall, puis son report au 15 décembre par l’Assemblée nationale.
"Dépêchez-vous, prenez-en un maintenant, ils partent vite en ce moment" plaisante un client.
Derrière le calme ambiant, le sujet est sur toutes les lèvres. "Quand les deux mandats sont finis, il faut partir. Il faut respecter l’alternance. Nous, ce que nous voulons, c’est du changement", assène Abdoulaye, d’un ton affable mais résolu. Un changement en premier lieu économique. L’homme de 42 ans est chauffeur de "Tiak Tiak", ces motos-taxis qui sillonnent nuit et jour la capitale sénégalaise. Il en tire 10 000 francs CFA par jour, soit 15 euros, dont il doit déduire le carburant. Le reste, il l’envoie en Casamance, au sud du pays, où il a laissé sa femme et ses quatre enfants il y a trois ans.
"Le Sénégalais n’est pas violent"
Soutien de l’opposant Ousmane Sonko, dont la candidature a été invalidée, il comptait voter pour son candidat de substitution, Bassirou Diomaye Faye. Le report de l’élection présidentielle est une pilule dure à avaler mais Abdoulaye n’est pas surpris par le calme qui prévaut dans les rues de Dakar.
"Le Sénégalais n’est pas violent. La mobilisation populaire de l’année dernière a provoqué des destructions qui ont beaucoup choqué", évoque-t-il, en référence aux heurts consécutifs à la condamnation d’Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour une affaire de mœurs.
"Et puis, il y a le danger. Beaucoup de jeunes manifestants sont toujours en prison. Le gouvernement a pris des mesures pour interdire les manifestations et on sait maintenant qu’il est prêt à répondre".
Au moins 23 personnes ont perdu la vie lors des violences du 1 et 2 juin 2023, selon Amnesty International, qui avait dénoncé un usage excessif par les forces de l’ordre.
Appels à la mobilisation
Dans le quartier du Plateau, l’un des plus anciens de la capitale, nombreux sont ceux qui revendiquent leur soutien au camp Sonko. Certains se montrent fatalistes comme Abdoulaye, pour qui le combat contre le report de l’élection est déjà perdu. D’autres estiment qu’il faut maintenir la pression sur le gouvernement et manifester son opposition.
"Plusieurs candidats se sont engagés à faire campagne malgré le report. Même si cette tendance n’est pas massive, c’est un acte fort qu’il faut poursuivre", estime Abdourahmane, vendeur-artisan dans les méandres du marché Sandaga, le plus grand de Dakar.
"Les Sénégalais sont patients, nous attendons le résultat des recours auprès du Conseil constitutionnel et de la Cour suprême. Mais ce qui est sûr, c’est que pour moi au 2 avril, date de la fin de son mandat, Macky Sall n’est plus président".
Un collectif rassemblant une quarantaine d’organisations issues de la société civile a tenu une conférence de presse à Dakar, jeudi 8 février, évoquant une série de mobilisations à venir dans les mosquées, les églises ainsi que les écoles, et agitant la possibilité d’une grève. Autant d’actions visant un même objectif : le rétablissement du processus électoral pour la tenue du scrutin le 25 février.
"Profonde déception"
Sur la place de l'Indépendance, où se côtoient employés de bureau et travailleurs à la sauvette, quelques voix affirment timidement soutenir la majorité. Tout en exprimant leur déception quant au report de l’élection. "Macky Sall nous a mis un coup KO [expression signifiant remporter la présidentielle au premier tour NDLR]", ironise un jeune cadre en costume bleu, comparant le report de l’élection à une victoire dès le premier tour.
"Personnellement, j’avais prévu de voter pour un candidat de la paix", indique-t-il, jugeant le Pastef, parti d’Ousmane Sonko désormais dissous, trop radical à son goût. "J’aurais choisi l’un des candidats issus de la majorité présidentielle ou bien Karim Wade que j’aime beaucoup. J’étais très déçu qu’il ne puisse pas se présenter pour cette histoire de double nationalité. Mais je ne souhaite pas m’étendre, je ne suis pas trop à l’aise sur ces sujets", conclut-t-il en s’éclipsant poliment.
Plus loin, assis sur un banc, Enorck, un jeune comptable d’origine béninoise se fait cirer les chaussures. "Moi, je ne fais pas de politique et je comprends que Macky Sall soit très critiqué aujourd’hui", concède-t-il. "Mais on peut quand même lui reconnaître qu’il n’a pas chômé durant ses deux mandats. Les infrastructures, le développement… Le Sénégal est un poumon économique dans la sous-région. C’est pour ça que je suis venu y faire mes études et que j’y travaille".
À côté de lui, un agent de la sécurité de la mairie de Dakar écoute, l’air dubitatif. Lui considère que ces grands chantiers ont plutôt été amorcés par son prédécesseur Abdoulaye Wade. "Macky Sall n’a fait que suivre". Il se dit "surpris" et "profondément déçu" par le report du scrutin dont il considère l’actuel président comme seul responsable.